- lun, 07/09/2020 - 20:48
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1498|LUNDI 7 SEPTEMBRE 2020.
Sur une liste d’entreprises ayant bénéficié d’un arrêté du ministre des Finances allant de 2017 sous Henri Yav Mulang à 2019 et 2020 sous José Sele Yalaghuli, on trouve diverses sociétés privées opérant dans divers secteurs qui se recrutent dans des secteurs de l’agriculture (Ferme Espoir Sarl, Ferme Jambo, Palmco SARL, Agrofood Congo SARLU, Congo Oil and Derivatives, etc.), de la cimenterie (Cimenterie de la Lukala SA, Cimenterie du Congo CICO SARL, Cimenterie de Kabimba/Interlacs SA, Nyirangongo Ciment, Groupe Taverne/Cimenterie de Katana-Kin, etc.), des services (Nyumba Ya Akiba SA, PPP Barnet DRC Manufacturing SA, African Milling Company Congo SARL, Bureaux Comptables Publics, Mashamba Enterprise DRC SA, Congo International Investment Group SA, Marsavco SA, etc.), du textile (Textile de Kisangani), etc.
UN REGIME
D’EXONERATION A VIE?
Au total, une trentaine de sociétés privilégiées recensées sur cette liste fournie à l’Inspection Générale des Finances par la DGDA, Direction des Douanes et Accises, sans que n’apparaisse à première vue la moindre cohérence entre elles.
Certaines de ces sociétés bénéficient ou ont bénéficié d’un état de «sans impôt» ou de «no tax» pendant deux ans (Congo Oil and Derivatives, Textile de Kisangani, PPP Barnet DRC Manufacturing SA, Nyumba ya Akiba), d’autres pendant trois ans (Palmco SARL), d’autres, les plus nombreuses sur cette liste de la DGDA consultée par Le Soft International, pendant quatre ans (African Milling Company Congo SARL, Agrofood Congo SARLU, Cimenterie de Kabimba/Interlacs SA, CongoEufs SARLU, Ferme Espoir SARL, Ferme Jambo, Mashamba Enterprise DRC SA, Nyirangongo Ciment), d’autres ont ou bénéficié de ce régime de «no taxes» au moins deux fois (Textile de Kisangani), Nyumba Ya Akiba SA, Marsavco SA, Mashamba Enterprise DRC SA, Cimenterie du Congo CICO SARL).
S’il existe des sociétés qui ont totalisé huit ans de «no tax» à l’import ou à l’export telle Mashamba Enterprise DRC SA en 2017 et dès l’année suivante en 2018, il en existe qui n’ont pas de durée. S’agirait-il d’un régime d’exonération à vie ? Cela en a tout l’air. C’est le cas de Bureaux Comptables Publics (arrêté ministériel n° 021/CAB/MIN/FINANCES/2019 du 23 décembre 2019), de Cimenterie de Lukala SARL SA (arrêté ministériel n° 002/CAB/MIN/FINANCES/2019 du 7 février 2019 modifiant et complétant arrêté ministériel nr CAB/MIN/FINANCES/2017/012 du 01 juillet 2017 portant agrément de la société Cimenterie de Lukala SA au régime fiscal applicable aux entreprises éligibles au partenariat stratégique sur les chaînes de valeur).
$US 180 MILLIONS, MANQUE A GAGNER POUR LE TRESOR.
Quant à la liste générale d’entreprises privées et publiques, des institutions, ambassades ou des personnes physiques ayant bénéficié d’une simple lettre d’exonération du ministre des Finances, il y a des cas qui glacent le sang au point de devoir être soulignés au bic rouge.
Tel le cas de la sénatrice PPRD-FCC Francine Muyumba Kanga (lettre CAB/MIN/FINANCES/FIS/KK/2019/2681), de son collègue Léonard She Okitundu (lettre CAB/MIN/FINANCES/FIS/KK/2017/1243), de Mmes Joceline Lukundula par deux fois en février 2020, Régine Nambuwa Bila, Emilie Mushobekwa, Angele Kiyana Vumilia, de MM. Lambert Mende Omalanga, Joseph Ilunga Okito, Babi Balukuna Bila, Bismack Biyombo, Mitonga Zongwe, Etshumba Jacky, Mwenda Raphaël, Kalume Matingo, du professeur Tshimanga Ntumba, des sociétés Kin Oasis Mall, Groupe Brabanta, Management Engineering & Consultant SARL, Minocongo, CFAO RDC SARL par deux fois en mai 2020, TASC Waste Management SARL par deux fois en juillet 2020, de GAMA, par deux fois en juillet 2020, de Malta Forrest/Bld JKK, de la Fondation Monga Kathy Asbl, du voyageur indien Jeffery Travels ou de la compagnie belgo-allemande Brussels Airlines, etc.
ECLAIRAGE ET
AFFRONTEMENT EN VUE AU CONSEIL.
Quant au régime de «partenariat stratégique sur les chaînes de valeur» - une expression «trop savante» à laquelle l’IGF ne comprend rien sauf à lui trouver un montage de type sexy de type mafieux, ce régime n’étant prévu par aucune loi - «il ne peut être établi d’impôts que par la loi. Il ne peut être établi d’exemption ou d’allégement fiscal qu’en vertu de la loi» (art. 9, loi n° 011/11 du 13 juillet 2011 relative aux Finances publiques) - sur un total de 30 entreprises ayant tiré profit de ce qui est dénoncé et condamné, l’Inspection Générale des Finances estime que ces entreprises ont causé un manque à gagner d’un total de 180 millions de $US au Trésor public.
En tête, Palmco SPRL (33 millions 491 $US), Congo Oil and Derivatives SARL (31 millions 906 $US), Ferme Espoir SPRL (22 millions 829 $US), Compagnie Internationale de Développement (19 millions de $US), Nyumba ya Akiba Sprl (près de 16 millions de $US), PPC Barnet Manufacturing SA (environ 10 millions de $US), Cimenterie de Lukala (8 millions de $US), Cimenterie du Congo (4 millions de $US). Avec près de 15.000 $US, Fezuta Energy & Ressources RDC fait figure de la société qui doit le moins d’argent au Trésor public congolais. Viennent peu avant elle les sociétss Interlacs SARL ($US 18.464.568) et CIDI SPRL ($US 23.464.615).
Au Cabinet du ministre des Finances accusé dans un communiqué de l’IGF de «tentative dangereuse de manipulation des syndicalistes» des régies financières en vue de discréditer la mission d’encadrement des régies financières» et qui appelle ces syndicalistes de «ne pas céder aux manipulations de leurs bourreaux et de faire confiance au Chef de l’Etat», on explique que «les exonérations sont fondées sur dix-neuf textes de loi, initiées par plusieurs ministères sectoriels, les plus demandeurs étant le Plan, l’Agriculture, les Affaires sociales, la Santé, la Défense, l’Industrie, etc.». Ajoutant : «Les demandes d’exonération sont initiées par ces ministères sectoriels et jamais par le ministère des Finances. Ce dernier n’approuvant qu’au bout du processus».
Puis : «Les exonérations qualifiées d’illégales (contre legem) proviennent essentiellement de la Présidence de la République (Maison Civile, Maison militaire, Cabinet du Président de la République, Bureau du Conseiller spécial en matière de sécurité)».
Ces proches du ministre critiquent «la recherche du sensationnel, et non le besoin d’un travail analytique» voire même, plus grave, «le criant manque de culture de l’Etat dans le chef de ceux qui préparent les dossiers pour le Président de la République».
Si, à l’issue du Conseil des ministres de vendredi 4 septembre présidé par le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, les membres du Gouvernement ont condamné l’illégalité des exonérations et des allégements fiscaux et «exigé un rapport circonstancié à soumettre au Conseil des ministres», on apprend que le patron de l’Inspection Générale des Finances est invité au Conseil des ministres de vendredi 11 septembre pour tenir les ministres «pleinement informés» sur ces pratiques. En l’espèce, il devrait affronter le titulaire du ministère des Finances. Une situation on ne peut plus trop embarrassante pour l’équipe gouvernementale.
Qu’importe ! Ce sont des réalités des équipes gouvernementales qui ne sauraient toujours éviter des éclats de voix voire des clashs surtout dans un cas de... presque cohabitation.
D. DADEI.