- jeu, 28/03/2019 - 04:23
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Après avoir sillonné la sous-région - de l’Ouest à l’Est en passant par le Sud (sauf l’Afrique du Sud mais il a déjà rencontré le président sud-africain Cyril Ramaphosa à plus d’une occasion lors des sommets africains) et le centre - et amassé une belle moisson de conseils auprès de ses pairs, cap sur le pays de l’Oncle Sam d’où deux envoyés, celui des Etats-Unis pour les pays des Grands lacs, Peter Pham, un ami de longue date, longtemps persona non grata à Kinshasa et le secrétaire d’État adjoint pour les Affaires africaines Tibor Peter Nagy Jr., sont venus et ont été accueillis dans la Capitale chaleureusement par le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Tibor Peter Nagy Jr. a dit, avant de fouler le sol congolais, tout ce qu’il et l’administration américaine, pensaient du Congo, de son nouveau Chef de l’Etat et des dirigeants... d’hier.
«CE QUE
JE RETIENS».
Début mars, Tibor Peter Nagy Jr. se trouvait sur le Continent et, à son escale parisienne, après s’être arrêté à Bruxelles, capitale de l’ex-métropole, il avait multiplié des déclarations dans des médias français captés sur le Continent, Rfi et France 24 notamment, insistant sur ce que les Etats-Unis d’Amérique retiennent le plus du processus électoral congolais bien qu’émaillé d’irrégularités.
«Ce que je retiens, c’est que Kabila n’est plus au pouvoir», déclare-t-il, bille en tête, mercredi 6 mars 2019, dans son interview à Rfi. Une réplique à l’autre candidat malheureux à la Présidentielle Martin Fayulu Madidi qui continue de contester son échec du 30 décembre et soutient dans tous les médias, en Europe comme désormais aux Etats-Unis, que «Monsieur Tshisekedi n’a aucune légitimité, aucun contrôle du pays et que c’est Kabila qui contrôle tout. Le système Kabila demeure, Monsieur Tshisekedi n’est qu’un masque, une marionnette».
Puis, le 6 mars, dans une interview à la chaîne de télévision France 24 (version anglaise), il se lâche un peu plus, expliquant que les sanctions annoncées par les Etats-Unis à l’encontre d’un groupe de personnalités congolaises accusées de corruption, de fraudes, de violences lors du processus électoral, «ne sont pas les dernières».
Des prochaines salves de sanctions étaient attendues cette fois-ci, fait-il entendre à demi-mot sur le plateau de France 24 lorsque la question lui a été posée, elles pourraient directement toucher Kabila et sa famille.
LE DROIT
DE VETO DU PRESIDENT.
«L’hypothèse fait son chemin. C’est, de toute façon, dans la logique des choses», rapportent plusieurs sources au sein de l’administration Trump.
Selon lesquelles, d’une part, «les proches de M. Kabila ont déjà été sanctionnés. Il est donc normal que ces sanctions finissent par le viser, lui et sa famille proche, directement».
D’autre part, «il est clair pour les Etats-Unis que le responsable n°1 de la fraude lors des élections du 30 décembre n’est autre que M. Kabila. Il en est le commanditaire et le principal bénéficiaire».
Ces sanctions seraient aussi, pour Washington, un moyen de mettre la pression sur le président Tshisekedi. Si celui-ci veut pouvoir compter sur le soutien des Etats-Unis, il devra s’émanciper de la tutelle encombrante de l’ex-président.
Peu avant l’étape de Kinshasa, précisément le 12 mars, lors d’une vidéoconférence de presse rapportée par le Département d’Etat américain sur son site state.gov, Tibor Nagy lâche une nouvelle bombe mais cette fois à fragmentation sous forme de dernier avertissement.
«Au Congo, je serai très clair parce que je sais que nous n’avons presque plus de temps. Le Congo est une dynamique politique en pleine évolution. Il est très important de voir cela comme un processus en cours et ne pas se contenter d’examiner des questions de personnes. Nous devons inclure ces événements dans le processus. Comme nous le savons tous, des négociations se tiennent en coulisses. Des coalitions se forment entre partis présents au sein de l’Assemblée nationale. Nous savons comment le Gouvernement est constitué. Il n’est pas constitué par le Président mais le Président a essentiellement un droit de veto. Et c’est ce qui devrait se passer. Nous continuerons d’avoir des discussions très franches, ouvertes et honnêtes avec le Président Tshisekedi. Nous faisons entendre notre voix et nous espérons seulement que dans un an et demi, nous pourrons parler de la RDC de façon positive, tout comme nous parlons de l’Angola aujourd’hui».
Signe que Washington attendra avant d’agir (aller plus loin dans la frappe contre ceux qui chercheront à enfreindre l’action du nouveau Président ou, autre hypothèse, dans l’appui ou non au nouveau régime).
Ainsi, par exemple, le Républicain Herman Cohen, secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines de 1989 à 1993, connu pour avoir mis fin à la guerre entre l’Erythrée et l’Ethiopie en 1991, ainsi que les conflits en Angola et au Mozambique, a, dans un tweet, écrit que les récentes sanctions américaines prises à l’encontre des personnalités proches de l’ancien pouvoir, étaient un avertissement afin que des membres de l’ancienne majorité présidentielle n’entravent pas la gouvernance du président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Après les sanctions diplomatiques, Washington a, en effet, imposé des sanctions financières au président de la Centrale électorale nationale indépendante Corneille Nangaa Yobeluo, à son vice-président Norbert Basengezi Katintima et au fils de celui-ci, Marcellin Basengezi, conseiller de Corneille Nangaa qui avait en charge le délicat dossier sud-coréen de la machine à voter acquise auprès de la firme Miru System.
NANGAA
DETOURNE $US 100 MILLIONS.
Washington accuse les trois individus de corruption et d’entraves au processus électoral.
Les avoirs du président de la CENI Nangaa sont gelés par Washington, lit-on dans un communiqué du Département du Trésor américain tout comme ceux de Norbert Basengezi et de son fils Marcellin Basengezi. Ces sanctions s’ajoutaient à l’interdiction de séjour aux Etats Unis décrétée un mois auparavant contre ces trois individus mais aussi contre d’autres, le secrétaire général de l’ex-Majorité présidentielle Aubin Minaku Ndjalanjoku également président sortant de l’Assemblée nationale, celui qui disait vouloir transformer le Parlement en «un temple de la démocratie» et le président de la Cour constitutionnelle, Benoit Lwamba Bindu.
Selon les Etats-Unis, Corneille Nangaa Yobeluo, son vice-président Norbert Basengezi Katintima et le fils de ce dernier, Marcellin Basengezi, «ont gonflé de $US 100 millions les coûts du contrat de la machine à voter».
Nangaa, Basengezi et Basengezi Jr., «auraient aussi détourné de fonds destinés à financer les opérations électorales». D’après Washington, «une partie de l’argent aurait servi pour l’enrichissement personnel des concernés, une autre pour des pots-de-vin, notamment versés à des juges de la Cour constitutionnelle pour qu’ils valident le report des élections». Le reste de l’argent aurait financé la campagne électorale d’Emmanuel Ramazani, le candidat présenté par l’ex-président Joseph Kabila.
Corneille Nangaa et ses collaborateurs sont accusés d’avoir «pris des mesures qui ont ralenti l’inscription des électeurs, facilitant ainsi le retard des élections».
Le Trésor américain estime que l’élection du 30 décembre 2018 «n’a pas réussi à garantir la volonté du peuple congolais».
Extraits d’une interview de Tibor Nagy sur Rfi. «Depuis les élections, nous avons annoncé des sanctions contre des personnes, soit pour avoir fait obstacle au processus démocratique, soit pour corruption, soit pour avoir incité à la violence. Evidemment, d’énormes problèmes ont marqué ces élections. En même temps, ce qui m’intéresse, au Congo et ailleurs en Afrique, c’est le processus à plus long terme. Ce que je retiens, c’est que Kabila n’est plus au pouvoir. Il s’est peut-être agi du scrutin le plus démocratique qu’ait jamais connu au Congo. Un nouveau président, issu des rangs de l’opposition, a désormais l’occasion de faire avancer les choses. Au final, c’est le principal résultat de cette élection».
«La situation politique est encore mouvante. Le parti de Kabila est une coalition de partis politiques. On peut s’attendre à ce que ces partis cherchent à nouer de nouvelles alliances pour obtenir des portefeuilles au Conseil des ministres. C’est pourquoi, la politique est aussi mouvementée en ce moment».
«Il faut retenir que le président Tshisekedi est arrivé au pouvoir il y a très peu de temps. Il faut prendre un peu de recul et examiner le processus dans son ensemble, ne pas attacher trop d’importance à un événement en particulier. Il faut garder à l’esprit le processus. Prenons le cas de l’Angola. Lorsque le nouveau président est arrivé au pouvoir, tout le monde a dit qu’il serait asservi à l’ancien chef de l’Etat. Force est de constater qu’il a fait faire à son pays beaucoup de progrès. Je suis porté à croire que la même chose se produira au Congo».
ALUNGA MBUWA.