Si l’électricité est en l’air, CACH et FCC jouent à l’accalmie
  • mar, 09/06/2020 - 04:06

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1487|MARDI 9 JUIN 2020.

Nul n’en doute. Il y a de l’électricité en l’air. Ce qui se dit et s’écrit sur les réseaux sociaux peut ne pas être toujours pertinent, on sait que les médias sont parfois utilisés comme ballons d’essai. Si ces réseaux font état de montée d’hostilité ou de puissance de tel ou tel partenaire de la coalition, CACH et FCC jouent à l’apaisement. Jamais en effet les contacts au plus haut niveau de la décision n’ont été interrompus aucune fois. Ni entre les deux Autorités morales, l’ancien Président Joseph Kabila et le Président de la République Félix Tshisekedi. Même via leurs émissaires.

Tout paraît provenir du troisième pouvoir de l’Etat : le pouvoir judiciaire du ressort des tribunaux dont la fonction consiste à faire respecter la loi qui relève du Législatif. Que des textes vont et viennent ces derniers temps sur les réseaux sociaux ! Les plus récents sont ceux adressés à des membres du regroupement de Modeste Bahati Lukwebo.
Voici un animal politique qui s’est rarement retrouvé sur des listes des élus nationaux, a échoué en décembre 2018 d’être désigné dauphin à la Présidentielle, en clair, candidat Président de la République pour le compte de la plate-forme kabiliste. Il en a pris un sacré coup. Rien pourtant de ce qui l’attendait.

RETOUR A LA CASE DEPART?
Barré sur la liste des élus de sa province, le Sud Kivu, il se retrouve en janvier 2019 à la tête d’un groupe parlementaire attaché à sa personne mais doit affronter une dissidence féroce quand il se porte candidat au perchoir du Sénat allant du coup à l’encontre du mot d’ordre du chef de file de la coalition électorale, l’ex-Président Joseph Kabila. Celui à qui certains prêtent des intentions de retour à la tête du pays, tient à garder ses troupes en bon ordre. On ne peut être plus prudent...

Résultat : le regroupement AFDC & Alliés va être défait d’une partie de ses élus. Les frondeurs se retrouvent à la table de partage et se voient offrir des maroquins ministériels comme prix de la trahison. Comme cette logique a, à chaque fois, prévalu au cours des dernières années...

Sauf qu’un bien mal maquis ne profite jamais. L’impétueux Bahati qui n’avale pas des couleuvres, poursuit son combat. Imperturbable. La porte finit par s’ouvrir à celui qui sait attendre...
La Cour constitutionnelle vient-elle de lui reconnaître des droits en acceptant de traiter le dossier des mandats de ses traîtres députés? Certes, mais, à ce stade, rien n’est encore gagné mais l’alerte est là. La Haute Cour a donné «notification d’une requête en déchéance du mandat parlementaire» déposée notamment le 20 mai 2020 par huissier au député national de la circonscription électorale de Bukavu Ville, Didier Lutundula Okitoyuhe. Tout comme à la cheffe la fronde anti-Bahati, la ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale, Néné Nkulu Ilunga.

Il n’en fallait pas plus pour que la Toile s’enflamme et parle d’opportunité de recomposition de la majorité parlementaire qui se verrait basculer en faveur du Président de la République par un retour à la case départ : la désignation d’un informateur (art. 78, al. 2) dont le nom tôt évoqué dans les cénacles était celui d’un Patriarche Yesu Kitenge logiquement désigné plus tard, par ordonnance présidentielle, Haut Représentant et Envoyé Spécial du Président de la République avec rang de Vice-Premier ministre.

«DEFI ENORME».
«Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci (...). Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition».

Or, au tout début de la formation de la coalition FCC-CACH, les observateurs furent surpris par un communiqué faisant état d’un accord survenu entre FCC et CACH. Le Soft International, mardi 27 août 2019, n°1465 : «Plutôt qu’une mission d’information, c’est un accord entre la plate forme présidentielle CACH, Cap pour le Changement et le Front commun pour le Congo, FCC de l’ancien Président Joseph Kabila Kabange, qui fut privilégié. Réunies du 2 au 4 mars 2019 à Kingakati, la ferme de Joseph Kabila Kabange dans la banlieue Est de Kinshasa, des représentants des deux plate-formes s’accordent le 6 mars dans la Capitale, sur un communiqué conjoint FCC-CACH mettant en place une coalition de gouvernement. Dans ce texte signé côté CACH par Jean-Marc Kabund-A-Kabund, président a.i. de l’UDPS et côté FCC par Néhémie Mwilanya Wilondja, son coordonnateur, CACH et FCC entérinent le fait que le FCC détenait la majorité absolue à la Chambre basse du Parlement et demandent à Joseph Kabila Kabange au titre d’autorité morale de sa plateforme de désigner une personnalité que le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo nommerait comme formateur du Gouvernement».

««Soucieux de préserver, dans l’intérêt supérieur de la Nation, les acquis de l’historique passation pacifique du pouvoir qui a eu lieu le 24 janvier 2019, de conforter le climat ambiant de paix ainsi que la stabilité du pays, d’assurer la bonne gouvernance et le bien-être du peuple et, à cette fin, de faciliter la mise en place rapide d’un Gouvernement de plein exercice reflétant la volonté du souverain primaire, telle qu’elle ressort des résultats des élections présidentielle et législatives du 30 décembre dernier et disposant de la légitimité nécessaire pour notamment faire face aux urgences du moment, le Front Commun pour le Congo, FCC en sigle, et le Cap pour le Changement, CACH en sigle, ont entrepris des concertations à l’effet de cerner la problématique de la détermination de la Majorité Parlementaire»».

COUPS DE SABRE.
Puis: «Après des échanges et débats fructueux, qui se sont déroulés du 4 au 6 mars courant, il se dégage que le Front Commun pour le Congo détient, de majorité documentée, la majorité absolue à l’Assemblée Nationale au sens de l’article 78 alinéa 1er de la Constitution. De ce fait, les deux plateformes politiques recommandent à l’Autorité morale du FCC, Président de la République Honoraire, d’accomplir les devoirs de sa charge permettant au Chef de l’Etat de procéder à la désignation du Formateur du Gouvernement. A Son Excellence Monsieur le Président de la République de nommer diligemment ledit Formateur du Gouvernement. Les deux plateformes politiques affirment, par ailleurs, leur volonté commune de gouverner ensemble dans le cadre d’une coalition gouvernementale».
Il fallut néanmoins attendre près d’un mois, soit le 20 mai 2019, pour que le pays connaisse le nom de celui qui allait conduire le premier Gouvernement de l’ère Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Si un directeur général d’entreprise publique prend la tête de ce gouvernement, rien ne paraît facile à Sylvestre Ilunga Ilunkamba, 72 ans, un vrai routier de la politique, qui a connu tous les régimes depuis Mobutu dont il fut plusieurs fois ministre.

A un moment où tout s’esquisse comme bilan, il faut - in tempore non suspecto - relire quelques phrases.
Le Soft International, op. cit. : «Investi le 24 janvier 2019, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo aura rongé son frein près de 200 jours (197 exactement) recherchant des points d’accord sinon de convergence - Constitution de la République oblige! - avec le camp de ceux contre qui il s’est longtemps battu, lors des années de l’opposition, parfois de manière farouche mais avec qui le Chef de l’Etat n’a pas de choix sinon de travailler en vue de faire redémarrer le pays, d’exécuter son programme de campagne, de lui donner une image en mesure de faire rêver ce Congo...».
«Lors de sa prestation de serment, le nouveau président avait juré «d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République (...), de sauvegarder l’unité nationale» (art. 74) en promettant dans son discours d’investiture, de travailler à la construction d’un «Congo réconcilié».

«Persuadé que les fondamentaux étaient désormais assis sur du solide, le Président de la République a donc signé l’ordonnance tant attendue portant nomination de la première équipe gouvernementale de son septennat, forte de 65 membres, 23 pour sa plate-forme CACH, 42 pour celle de Kabila, sans aucun doute, l’une des plus éléphantesques connues à ce jour par le pays et le monde!»

«Faut rappeler cette belle phrase attribuée à Yuweri Kaguta Museveni : ««J’ai formé un Gouvernement de 100 ministres, j’ai fait l’économie de mille guerres»». «Avec nos 450 tribus qui sont autant de cultures et, du coup, de peuples, nos 75 millions d’habitants, les dimensions continentales de notre cher pays, mettre en place, dans un contexte démocratique, une équipe gouvernementale consensuelle, crédible, légitime, suppose écoute, négociations, écoute, négociations, écoute, etc., tact, doigté, etc., bref, du savant dosage».

Mercredi 21 août, profitant d’un sommet réunissant à Luanda, capitale de l’Angola, les présidents ougandais Museveni, rwandais Paul Kagame, brazza-congolais Denis Sassou Nguesso à l’invitation des médiateurs angolais João Lourenço et lui-même, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, sommet voulant aplanir des mois de tensions entre Kampala et Kigali sur des accusations d’espionnage, d’ingérence, d’assassinat politique, de guerre médiatique, etc., le Chef de l’Etat a, lors de la conférence de presse de clôture, eu ces mots: «Si tout va bien, le Gouvernement sortira cette semaine. Il y a déjà des regroupements qui sont prêts avec leurs listes et il y en a d’autres qui n’ont pas encore fait entrer leurs listes auprès du Premier ministre mais je crois que c’est une question d’heures». D’expliquer: «Le temps qui s’est écoulé, à peu près 7 mois, pour former le Gouvernement, n’est pas un temps que l’on peut considérer comme un temps gaspillé. C’est un temps mis à profit pour se connaître d’abord».

Puis: «Jusqu’avant les élections, le camp sortant est un camp avec qui on se regardait en antagonisme. Il fallait mettre de côté cet antagonisme et accepter de mettre nos énergies, nos intelligences et nos forces ensemble».
Puis: «Nous avons une même fibre idéologique, la social-démocratie. Il fallait discuter de tout ça. Il fallait aussi discuter du programme de gouvernement. Il y avait également les discussions autour de la composition du gouvernement».
Puis : «C’est une première expérience en RDC. C’est normal et je demande l’indulgence de la communauté nationale et internationale vis-à-vis de ce qui est apparu comme (des) tergiversations. C’était une façon de se connaître, d’aller ensemble, en toute confiance, en partenariat dans ce défi qui sera énorme».

Secrétaire permanent du PPRD, le parti de l’ex-président Kabila membre du FCC, Emmanuel Ramazani Shadari aurait prononcé, le 20 août lors d’une conférence de presse à Kinshasa, les mêmes mots: «On est des politiques (...). Il n’y a pas de conflit entre les cadres du FCC et ceux du CACH. J’étais parmi les négociateurs. Nous avons travaillé pendant cinq mois. Il y avait des réunions presque chaque jour. (…). Ni FCC ni CACH n’a fait que le gouvernement sorte avec retard. C’est pour bientôt. C’était contraignant. Ce n’était pas facile d’arriver aux résultats que nous vous avons présentés».

«Ce que le Coordonnateur du FCC, Néhémie Mwilanya Wilondja renchérit: ««Si cela a pris du temps, c’est la preuve que nous voulions nous éprouver nous-mêmes pour savoir si nous étions si engagés que ça pour aller plus loin. Arriver à mettre toutes les institutions ensemble, c’est quand même un grand défi relevé. Il ne reste qu’à les faire fonctionner. Et le faire rationnellement et à atteindre les objectifs»».

«Pour nous, la première fondation et la plus solide demeure la proximité idéologique. Il reste à savoir si nous nous sommes trompés ou pas. Je pense que jusqu’à preuve du contraire, nous nous définissons comme du même bord idéologique de la gauche». «La deuxième dimension, c’est le programme commun. Il ne s’agit pas ici des gens qui s’apprécient et qui décident de se mettre ensemble. Non! Il s’agit des gens qui lèvent l’option de mettre leurs forces ensemble pour travailler à résoudre les problèmes fondamentaux du pays, à améliorer les conditions de vie de nos populations».

Les coups de sabre n’ont pas attendu. Le premier est asséné par un élu de l’ex-Bandundu. Compagnon et membre du parti ARC dédoublé de Olivier Kamitatu Etsu, qui a rallié la mouvance Kabila, Charles Nawej Mundele fait une sortie de panache, qualifiant, lors d’un débat à la plénière en direct à la radio-télévision, de geste «inconscient» parlant des ordonnances présidentielles nommant des dirigeants à la SNCC et à la Gécamines. Certes, le député présentera des jours plus tard ses «plus profonds regrets» et sollicitera «le pardon du Président de la République et de tout le peuple congolais». «Rien, ni personne ne peut justifier une atteinte à la plus haute instance de notre pays. Je regrette sincèrement être à l’origine de cette entame dans notre cohésion nationale, et réitère la demande de pardon de notre Nation».

Trop tard. La demande de pardon arrive après que des sièges des partis FCC dont celui de Nawej, eurent été incendiés par une foule survoltée. Reste que près de deux ans après, ces ordonnances restent inappliquées après le systématique refus intransigeant du FCC fragilisant la position présidentielle. Qu’en est-il des derniers développements? Il y a eu cette guerre inattendue à la Chambre haute entre une sénatrice Bijoux Goya Kitenge et son président de chambre, Alexis Thambwe Mwamba.

Tout part d’un exercice normal du travail parlementaire: la redevabilité. Goya adresse à ATM une demande d’explication sur des travaux de rénovation de la salle plénière du Sénat ayant enfreint la procédure légale de passation des marchés publics outre une somme de 4 millions de $ voire plus, introuvable dans le budget. Un marché de gré à gré. A cela s’ajoute une suspicion de conflit d’intérêts. L’entrepreneur ne serait autre que le président du Sénat lui-même via l’une de ses entreprises ou dont il serait le conseil. Après une passe d’armes en plénière où des injures réciproques publiques volent en l’air, s’ensuivent des demandes réciproques de pardon. Rien n’y fait...

La sénatrice est membre du parti de Bahati, le candidat malheureux au perchoir. Elle a déposé plainte auprès du procureur général près la Cour de cassation. Le magistrat était en passe d’en découdre avec le tout puissant président du Sénat en destituant l’homme appelé à prendre la succession à la tête du pays en cas de vacance, en demandant sa levée d’immunité en vue de sa défense? Le Congo serait alors, en matière de justice, de l’état de droit et de réparation des dommages, en passe d’atteindre une vitesse de croisière.
Autre dossier cette fois à la Chambre basse : cette fois, à l’Assemblée nationale avec la motion anti-1er Vice-président CACH Jean-Marc Kabund-a-Kabund.

MARCHANDAGES.
Ce dossier est en lien avec le Président du Sénat soupçonné d’avoir ourdi un complot de destitution du Président de la République de connivence avec son homologue de la Chambre basse, par le projet de convocation d’un congrès réunissant les deux Chambres - une matière strictement réglementée par la Constitution mais le président a.i de l’UDPS dénonce l’initiative et s’en désolidarise, la qualifiant de budgétivore. Elle coûterait 7 millions de $US au Trésor public. Enorme pour le pays. Le Congrès n’a jamais eu lieu... Dans les travées des chambres, le débat a fait rage. L’échec de la tenue du Congrès explique-t-il la pétition de destitution pour punir le 1er Vice-président Kabund qualifié d’«indigne» pour siéger au Bureau?

Une pétition lancée par le député d’opposition MLC Jean-Jacques Mamba portée par le FCC? Sauf que l’initiative a fait face à une saillie d’assauts. Est pris qui croyait prendre? Tôt samedi 23 mai, le député est pris à son habitation par des policiers sur ordre du procureur général près la Cour de cassation, est entendu en procédure de flagrance pour faux et usage de faux. Grosse colère dans les travées de la Chambre basse qui soupçonnent Kabund d’avoir activé un procureur en vue de faire taire un Député. Un changement de tempo imprévu pas du goût de la présidente de la Chambre basse qui convoque dans la journée en mode d’urgence des présidents des groupes et commissions parlementaires pour faire lire un communiqué au vitriol appelant à la «courtoisie inter-institutionnelle pour l’avancement du pays», «la justice devant respecter les prescrits de la Constitution»; réclamant l’abandon sans délai de toute charge contre l’élu de Kinshasa, etc.

Alors que le projet de pétition était cloué, on imaginait derrière ces marchandages une maligne affaire : le procès Kamerhe.
«Je te donnes et tu me donnes». L’un des députés extraits de la pétition est Simon Mpiana Ntumba, un UNC, suppléant du ministre UNC à la Formation professionnelle John Ntumba Panumpakole. Dans la semaine, le ministre a vu son immunité levée par sa Chambre dans le cadre des poursuites de détournement des deniers publics, de corruption et de blanchiment des capitaux engagées par la justice congolaise en rapport avec le Programme des 100 Jours du Président de la République. L’affaire Kamerhe...
Depuis, Jean-Marc Kabund-a-Kabund a été défait de son fauteuil.La procédure de sa succession a été lancée... Son remplaçant est annoncé pour fin de semaine.

Attaques par-ci, succession d’outrages par-là. Que cache ce vent quand la Nation dans un contexte de crise économique aiguë, de péril sécuritaire et de Covid-19 fait face à son Salut?
Bahati engagé sur deux fronts?

Le pays est-il à la veille d’une recomposition politique?
Chemine-t-on vers la mise en congé de la Chambre basse? Bahati en passe de prendre une revanche rêvée?
Sur son compte Twitter, Néné Nkulu Ilunga se fend d’un texte : elle se prévaut d’un «même état d’esprit qui nous a fait gagner les législatives en 2018 en accord avec le FCC et, avec constance, je demeure loyale à son autorité morale. Ça s’appelle respect des engagements».
Avec le défilé des Occidentaux à Kin, ne croit-elle pas à ses propres mensonges?
T. MATOTU.


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