Pris à son propre piège, Matusila paie lourd le prix de son extrémisme au Kongo Central
  • mar, 06/10/2020 - 12:22

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1502|LUNDI 5 OCTOBRE 2020.

Finalement cela aura été à malin malin et demi. Mieux, à s’y être trop compromis allant jusqu’à oublier les intérêts de la cohésion de sa propre province, ceux de ses électeurs, trop engagé politiquement face à ses mentors kinois du FCC, perdant la tête, il a fini par se faire piéger lui-même dans cette guerre où les vrais protagonistes s’affrontaient loin dans l’ombre et voilà, si le processus entamé par un groupe de 25 députés provinciaux du Kongo Central sur un total de 38 est conduit à son terme - ce qui est une autre affaire, ce n’est jamais très sûr au Congo habitué à des retournements de situations même de dernière minute - alors l’imagériste Ne Kongo Pierre-Anatole Matusila Malungeni Ne Kongo aura creusé sa propre tombe et perdu par KO technique accidentel. En clair, un KO inattendu.

Ces derniers jours en effet, il semblait mener la guerre en tête. Des cours de justice ayant été saisies dans la Capitale - la Cour constitutionnelle et le Conseil d’Etat, les juges congolais sont connus pour être eux-mêmes au-dessus des lois - semblaient s’orienter en sa faveur donnant des maux de tête voire des troubles intestinaux à ses protagonistes, l’Exécutif provincial et le groupe de députés déterminés à l’éjecter. Mais voilà, après déjà avoir suspendu sinon gelé les travaux de l’Assemblée provinciale - pendant toute une session - prétextant de la pandémie de Covid-19, il n’a pas rouvert les travaux début octobre, comme l’y contraint la Constitution de la République, faisant lire un communiqué, alors que des députés identifiés étaient interdits de se rendre à la plénière au risque de se faire arrêter, le chef de la police locale de connivence.

Vendredi 2 octobre, le 51ème Conseil des ministres s’est saisi du dossier et le ministre de l’Intérieur en a fait rapport dans un dossier portant sur «le fonctionnement des institutions provinciales».

DU COUP, LES EVENEMENTS SE SONT PRECIPITES.
«Rentrée parlementaire effective au 30 septembre au sein des 25 provinces sur les 26 et ce, sans incident majeur; à l’Assemblée Provinciale de la Tshopo, la session s’est ouverte sans la présence du Gouverneur de Province qui n’a pas été invité tandis que le Maire de la Ville et les Bourgmestres n’ont pas pris part à cette cérémonie d’ouverture, par solidarité au Gouverneur; à l’Assemblée Provinciale du Kongo Central, la rentrée n’a pas eu lieu, le Président ayant ordonné la fermeture de l’enceinte de l’Assemblée.

Après le constat de cette fermeture des portes de l’hémicycle, 22 députés provinciaux ont fait une déclaration donnant un ultimatum de 48 heures au Président de l’Assemblée Provinciale, d’ouvrir la session parlementaire faute de quoi ils en tireront les conséquences. Le Gouvernement de la République qui a été saisi, a pris les dispositions appropriées», a déclaré le porte-parole du Gouvernement, l’UNC-CACH David Jolino Diwampovesa Makelele.

Le Président de la République a invoqué l’article 69 de la Constitution qui lui donne les prérogatives d’assurer «par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat» (al. 3). Du coup, les événements se sont précipités à la vitesse lumière.

La guerre, au Kongo Central, a donc pris fin par défaut.
Invoquant précisément «la nécessité de la continuité des services publics de l’Etat», une commission spéciale et temporaire de l’Assemblée provinciale a été constituée, chargée d’organiser, toutes affaires cessantes, «le vote en remplacement du président de l’Assemblée provinciale du Kongo Central et de son vice-président qui ont manifesté ardemment le souhait de nous laisser orphelins et dans un abandon de poste», a déclaré l’un des membres de la commission.

Jeudi 1er octobre, les députés provinciaux avaient lancé un ultimatum de 48 heures à leur président aux fins de le pousser à convoquer une plénière sinon il serait destitué. L’ultimatum a expiré vendredi quand à Kinshasa, le Conseil des ministres présidé par le Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, se saisit du dossier et annonce avoir «pris des dispositions appropriées». on peut supposer l’instruction à la Commission électorale nationale indépendante d’accompagner le groupe des députés anti-Matusila alors que le Conseil d’Etat sortait un arrêt sur un dossier à rebondissement qualifiant de «non fondée et irrecevable» l’action introduite par Matusila contre ses députés et l’Exécutif provincial.

Puisque la procédure de dépôt des candidats a été vidée samedi et dimanche, la validation des candidats aura lieu lundi 5 octobre suivie, le même jour, par la campagne électorale, l’élection se déroulant dès le lendemain mardi 6 octobre et le nom du nouveau président de l’Assemblée provinciale et de son vice-président seront connus le même mardi à la clôture du scrutin.

Dimanche 4 octobre dans la matinée, une seule candidature avait été enregistrée en remplacement du président radiologue, ancien ministre national de l’Energie et Ressources hydrauliques de l’éphémère gouvernement Samy Babibanga Ntita. Il s’agit du député de Kasangulu, le MPCR Jean-Claude Vuemba Luzamba jadis proche de l’ex-gouverneur multi-millionnaire du Grand Katanga, Moïse Katumbi Chapwe et donc de la coalition Lamuka dont il se serait cependant éloigné, se rapprochant du président de la République félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

Lors d’une conférence de presse mi-avril 2019, Vuemba Luzamba avait déclaré s’être «rangé derrière Félix Tshisekedi et preneur d’un poste ministériel. « S’il y a un Premier ministre qui répond à l’idéologie du MPCR et qui a le profil d’un serviteur du pays, je ne vois pas pourquoi je priverais le parti d’un poste ministériel, dès lors que moi-même je serai député provincial cinq ans au Kongo Central». Ajoutant : « Le plus grand obstacle à l’avancement du pays était la «Kabilie». Cette page tournée, il faut désormais prêter main forte au nouveau régime».

Selon des informations circulant à Matadi, chef-lieu de la province, un député aurait été joint par des proches du FCC pour qu’il se porte candidat. Il s’agirait de Thomas Yobila mais aux dernières nouvelles, cet élu de Madimba, originaire du territoire de Kinvula, dont le fils serait membre du cabinet du gouverneur Atou Matubuana Nkuluki, aurait repoussé l’offre.

TOUT EST PARTI DE L’AFFAIRE DU SEXTAPE MIMI.
Si cette procédure de destitution de Matou est menée à terme, que le président du bureau est remplacé et que s’il l’est par le MPCR Jean-Claude Vuemba Luzamba connu pour être non seulement un anti-Matou convaincu mais un Atou compatible, c’est le gouverneur du Kongo Central qui sera sorti le grand gagnant d’une guerre déclenchée contre le successeur de Jacques Mbadu Nsitu di Mavungu.

L’Exécutif et le législatif provincial pourront ouvrir une nouvelle page et couler des jours heureux après que ces deux élus - le premier de l’Ouest, le second du centre dans les Cataractes - aient partagé ces derniers mois les mêmes travées, les mêmes allées et venues et affronté les mêmes murs d’incompréhension...

Cette guerre remonte à l’affaire du sextape Mimi ou «MimiGate » (du nom d’une assistante clivante du gouverneur, Mimie Mathy Muyita Ankieta) dont au FCC, on a vu un piège politique tendu à Matadi au jeune vice-gouverneur Yombe, Justin Luemba Makoso. Aussitôt la vidéo virale éclatée sur les réseaux sociaux, tout le leadership FCC-PPRD soudé monte au créneau, cogne communiqué sur communiqué, court plus vite que le vent, «retire sa confiance» au duo de l’exécutif provincial, appelle le Président de la République - s’il ne lui intime pas l’ordre - de prendre acte de cette déchéance morale publique.

Ils n’attendaient que ça. Les mots sont durs, très durs ce 30 août 2019.
Le lendemain 1er septembre, la déclaration de presse est une déclaration de guerre. Elle emprunte ailleurs les éléments de langage. Elle frappe fort, parle d’indignité, d’immoralité, d’anti-valeurs «auxquelles l’Autorité Morale du FCC est foncièrement opposée», puis, last but not least, d’un «ordre intimé de démission sans délai» adressé au duo gouvernoral, invoquant une légitimité, une «réunion de la conférence des présidents des partis et regroupements politiques du FCC».

A Matadi, l’Exécutif prend peur. La ville ne s’y était pas préparée. Pour éloigner l’ogre, on précipite des embrassades publiques entre le gouverneur et son vice; on déclare haut et fort vouloir passer l’éponge, engagés tous les deux au maintien du cap de la province en faisant revivre entente et cohésion historiques ayant notamment conduit un homme de l’Est à passer à un homme de l’Ouest, Joseph Kasavubu, le flambeau de l’ABAKO, qu’importe !
Le PPRD-FCC n’en a cure. Décision déterminée est prise d’en découdre avec au moins le titulaire de l’exécutif. De lui briser les couilles...

L’homme à la manœuvre n’est autre que l’ex-opposant anti-Kabila, le célèbre radiologue du 13, rue Dibaya, commune de Kasavubu, le président de l’Assemblée provinciale Pierre-Anatole Matusila Malungeni Ne Kongo.
Cet imageriste qui dirigea un mouvement des laïcs catholiques aux ordres du clergé et dont la première véritable entrée en politique datée de 2006 comme candidat Président de la République fut marquée par un affaissement au bas de son micro au moment où il allait prendre la parole, mitraillé par une crise inconnue, avait pris congé de la politique quand il fut évacué vers un centre médical dans une ambiance de fin du monde.

Le choc était tel que le médecin qui a tenté depuis de s’arrimer sur les rives Yombe en tentant de reprendre à son compte l’appellation ABACO et en s’affublant le prestigieux prénom Ne Kongo, n’avait jamais communiqué sur cette attaque perpétrée à la Place YMCA, là d’où partit le mouvement de l’Indépendance avec à la tête le Ne Kongo «Mbuta Kasavubu». Pour Matusila, le débat électoral et politique était clos...

C’est pourtant entre les mains de ce radiologue Muntandu que se joue désormais le sort du gouverneur Mundimbu après qu’il a reçu en appui et en renfort le 22 septembre pour une semaine une forte délégation officielle dépêchée depuis Kinshasa par le PPRD-FCC conduite par un jeune député Constant Mutamba Tungunga qui n’a pas sa langue dans sa poche et dont le côté vestimentaire tissus kaki vert militaire a valeur, voulant étrangement ressembler à son modèle au propre comme au figuré, l’ancien Président de la République.

L’annonce en fut faite, avec toute la solennité d’Etat, de Pouvoir en majuscules qu’affectionne l’ex-parti présidentiel, par le chef de l’exécutif du très puissant regroupement politique, l’ex-directeur de cabinet du président de la République honoraire, Néhémie Wilanya Wilondja. Objet de la mission publiquement déclaré : «s’enquérir de la situation politique du gouvernorat du Kongo Central». Tiens ! Carrément !

C’est pourtant ce gouverneur Atou qui, selon toutes les sources, dans le souci de resserrer les liens de la province, face aux velléités de séparatisme, qui fit la proposition à cet homme à la chevelure très tôt blanchie - signe apparent de sagesse - de prendre le marteau de l’organe délibérant.

N’ayant obtenu aucun résultat après l’appel à la «démission immédiate» et la grosse claque réservée à Matadi à ses missi dominici, le PPRD-FCC va activer le mécanisme de passage en force via des élus stipendiés convoqués cette fois dans la capitale.

Sauf que le retour vers la ville de la roche, le jour du débat parlementaire, ne se fait pas sans peine. La nationale n°1 est hérissée de vertueux manifestants, de dénonciations de corruption, d’obstacles dressés par le peuple Ne Kongo au point où des députés se mettent à s’interroger si le jeu en valait la chandelle. Entre-temps, après un début de plénière chahuté suivi de crépitement de balles, Matusila suspend - «pour quatre minutes chrono», précise-t-il - la séance mais c’est pour la délocaliser dans une chambre d’hôtel, propriété d’un député, ce qui aggrave le cas, aux dires de certaines dispositions du règlement intérieur de l’organe délibérant.

Dans cette chambre de Bilolo Flavor, Matusila bien traité, n’a invité qu’une poignée d’élus de son obédience associés, sélectionnés, triés sur le volet quand d’autres naïvement attendaient à l’hémicycle la reprise de la plénière. C’est dans cet hôtel que la destitution du gouverneur commandée et bouclée à Kinshasa, a été votée !

Comme on pouvait s’y attendre, s’ensuit, à l’annonce de ce vote, une levée de boucliers précurseuse d’une montée de sympathie pour le gouverneur harcelé par des officines de Kinshasa. Plus les jours passaient, plus sur cette roche de Matadi, les digues PPRD-FCC cédaient consolidant les positions d’Atou, depuis toujours en place et que clairement rien ni personne à ce jour ne paraissait inquiéter. À Kin, dans des cercles restreints PPRD-FCC, le niveau de tension a grimpé de plusieurs niveaux.

Pierre-Anatole Matusila Malungeni Ne Kongo qui avait déserté la roche, avait regagné Kinshasa, était confiné dans sa villa de Mont-Ngafula sur les hauteurs de la capitale, n’avait finalement plus jamais voulu mettre ses pieds à Matadi.
Craignait-il finalement la répétition de cette attaque de la Place YMCA à Kinshasa qui l’avait sorti de la campagne pour la Présidentielle sans l’avoir jamais engagée?

Il reste que c’est le Kongo Central qui gagne véritablement cette bataille dans la mesure l’Exécutif va enfin se mettre à fonctionner et le législatif provincial s’adonner enfin à sa fonction première : doter la province des édits...
T. MATOTU.


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