- mar, 08/10/2024 - 11:00
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1620|MARDI 8 OCTOBRE 2024.
À quel jeu les Occidentaux jouent avec le Congo ? Une question qui se pose dans le monde et que se posent les Congolais. Pourquoi le Congo dont le sous-sol a aidé hier les Occidentaux à gagner la guerre face au Japon et qui a eu par la suite, sous Mobutu, les meilleures relations avec l'Occident, est-il sorti de l'agenda international ?
Est-ce l'incurie de sa classe politique - comme on l'entend souvent - ou ce le génocide rwandais que l'Occident n'avait su arrêter qui a rendu les pays du monde redevables au voisin rwandais et à son régime depuis installé ?
S'agissant de la France c'est plus fort encore.
Ce pays dont le rôle dans le génocide rwandais a été décrié par Paul Kagame a dû revoir profondément sa politique particulièrement depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Alors que le Rwanda est loin d'être un pays francophone, c'est Macron qui a offert au Rwanda le prestigieux fauteuil de Secrétaire Générale de l'OIF, l'Organisation Internationale de la Francophonie.
C'est ainsi que l'ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo a succédé à la Canadienne Michaëlle Jean à la tête de l'OIF. Louise Mushikiwabo, troisième personnalité sur le Continent, à diriger l'OIF après l'ancien Secrétaire Général de l'Organisation des Nations unies, l'Égyptien Boutros-Boutros Ghali et l'ancien président sénégalais Abdou Diouf, fut nommée Secrétaire Générale de l'OIF par consensus lors d'une réunion à huis clos au dernier jour du sommet à Erevan, en Arménie, en dépit de nombreuses critiques qui pointaient du doigt le peu de cas que le Rwanda faisait des droits fondamentaux et de la défense du français.
Une nomination qui ne faisait plus l'ombre d'aucun doute depuis que sa rivale, la sortante canadienne Michaëlle Jean, eût perdu ses deux plus importants soutiens: le Canada et le Québec. Ces deux piliers de la francophonie, qui en sont, à eux deux, le deuxième bailleur de fonds, furent contraints de renoncer face à la multiplication des pays se ralliant au Rwanda.
La France d'abord, premier bailleur de fonds de l'OIF, où la candidature de Louise Mushikiwabo fut annoncée lors d'une conférence conjointe entre Paul Kagame et Emmanuel Macron, à tel point que beaucoup y avaient vu un dossier téléguidé par Paris. L'Afrique ensuite, après le soutien de l'Union Africaine, présidée alors, il est vrai, par Paul Kagame.
REPENSER NOTRE DIPLOMATIE.
Cette offensive diplomatique a eu raison des sévères critiques que la candidature du Rwanda avait suscitées. L'heure n'a-t-elle pas sonné pour que le Congo repense sa diplomatie ? L'agression armée et l'occupation des territoires congolais à l'Est par le Rwanda ne sauront guère de trouver de solution en dehors de la diplomatie.
Il est ainsi incroyable que le président français Macron ait, par exemple, tant misé sur la participation du Congo au Sommet de la Francophonie qui se tenait à Villers-Cotterêts, la Cité internationale de la langue française, à soixante kilomètres au nord de Paris, en ignorant superbement sinon de condamner la présence de l'armée rwandaise dans les Kivu au moins de faire montre de compassion vis-à-vis de ces populations. Et ce ne sont pas les mots qui auraient manqué...
Si le président congolais fut accueilli par le président français en tête-à-tête avant que celui-ci ne reçoive le lendemain le président rwandais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo qui était sur la photo de famille des invités à ce XIXème Sommet de la Francophonie, organisé les 4 et 5 octobre sous le thème «créer, innover, entreprendre en français» en marquant sa participation à toutes les activités de cette rencontre depuis l’ouverture solennelle, a refusé de se rendre à la dernière activité, le huit clos des Chefs d’État, sur le thème « le matérialisme renouvelé».
Le président congolais a ainsi marqué sa protestation après que Macron n'ait pas mentionné, dans son discours d’ouverture, le conflit dans les Kivu, la province du premier pays francophone. Plutôt que d'aller à cette rencontre, le président s’est rendu à l’ambassade du Congo, au 32, Cours Albert 1er, 75008, non loin du Grand Palais de Paris. Occasion de saluer la foule de la diaspora venue lui témoigner tout son attachement.
« Cette attitude du président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo constitue un message fort à la France. En tant que grand pays francophone, le Congo mérite considération », a déclaré un analyste politique à Kinshasa. Dans le pays, de plus en plus de voix s'élèvent pour carrément appeler le Gouvernement congolais à tourner la page de la Francophonie.
Certes, à une question d'un journaliste, samedi soir, lors de la conférence de presse, Macron a déclaré qu'il avait déjà abordé la question du Congo avec les deux chefs d’État de manière séparée et cela explique pourquoi il avait préféré marteler sur une autre situation préoccupante, celle qui sévit au Liban et au Proche Orient. Il a souligné que la France et l'OIF restent mobilisées pour résoudre cette crise qui frappe le Congo. « Qu’il n’y ait pas malentendu. Hier, je l'ai dit moi-même, je n'ai été que parcellaire dans les citations. Il y a beaucoup de crises, de tensions, de guerres que je n'ai pas citées», a expliqué Macron.
D'ajouter : « Il n'y a pas de double standard dans la diplomatie de la France (...) Nous encourageons très clairement la RDC et le Rwanda à parvenir à un accord dans le cadre de la médiation angolaise, et l'OIF doit jouer un rôle en soutien des efforts régionaux à ce titre, et je l'ai dit successivement au président Tshisekedi et au président Kagame. Pour ce qui est de la France, nous avons toujours été clairs et je l'ai redit à l'un à l'autre, nous appelons au retrait du M23 et des troupes rwandaises.
Nous appelons aussi à procéder au démantèlement des FDLR et de tous les groupes armés en RDC, et à l'arrêt des discours de haine. Nous appelons aussi à un processus politique avec le M23 et toutes les composantes politiques pour permettre justement un chemin de paix et le retour plein et entier de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la RDC ».
Macron a tenté d'utiliser la carte de ses rapports avec les deux présidents pour favoriser la poursuite des discussions engagées dans le processus de Luanda, discussions qui ont récemment subi un coup d'arrêt. L'objectif de l'Élysée est dans un premier temps d'aboutir « à une rencontre entre les deux présidents dans le meilleur délai possible et sous médiation angolaise». Idée ne séduit ni Kinshasa, ni Kigali.
ALUNGA MBUWA.