Le Congo mobilise
  • lun, 29/10/2012 - 15:06

Jamais enjeux et opportunités ne s’étaient aussi croisés. On n’en revenait pas à se l’imaginer! Cela faisait vingt ans qu’un Premier ministre du Congo (Zaïre) avait mis les pieds sur le sol belge en visite officielle! Et on se demande si le pays est inconnu, méconnu, oublié du monde!
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1197 DATE LUNDI 29 OCTOBRE 2012
Ce petit plat pays est la lucarne par laquelle le monde observe le Congo, expliquait un de ces grands Belges Leo Tindemans, depuis en voie d’extinction... Jamais rien n’a changé depuis. L’Amérique, la Chine, l’Inde, etc., viennent prendre des nouvelles à Bruxelles avant d’envisager le Congo...
Jamais depuis vingt ans, des motards flamands - six au total - n’avaient été rangés sur le ring (le périphérique bruxellois), sur ces boulevards, rues et ruelles de l’ancienne métropole coloniale pour convoyer des limousines avec à bord le Premier ministre de l’ancienne colonie qu’accompagnaient deux de ses ministres - des Transports et Voies de communication Justin Kalumba Ngongo, des Postes, Télécommunications et NTIC Tryphon Kin-kiey Mulumba, l’ambassadeur itinérant Séraphin Ngwej, un haut gradé.
Au total, une vingtaine de Congolais...
Jamais une sirène de la police du royaume n’avait retenti bloquant tout mouvement de véhicules dans une ville embouteillée pour laisser place au Premier ministre du Congo, traversant de part en part la ville pour se rendre à l’une ou l’autre de ses multiples rencontres avec des officiels!
Du 20 au 23 octobre - et surtout du 22 au 23 octobre -, Bruxelles a reçu Augustin Matata Ponyo Mapon. En grandes pompes!
Finis les affrontements d’un débat télévisé surréaliste de «clarification» réclamé par le Léopard piqué dans son amour propre par des critiques acerbes de la presse belge, animé en direct par le trio de choc Mpinga-Kamanda-Nimy qui fit les beaux jours de la IIème République. Comme à son habitude, c’est dans la polémique que Mobutu lavait son honneur... Oubliées les provocations d’un Karel de Gucht. Le Congo et la Belgique célébraient des retrouvailles...
Arrivé samedi 20 octobre par le régulier de Brussels Airlines, il lui a fallu un week-end d’acclimatation en ces ultimes moments d’été et dès lundi, Matata, comme à son habitude, arrivait à la minute sonnante, dans la cour d’Egmont, palais à l’histoire ancienne, érigé au XVIe siècle par un certain Lamoral, comte d’Egmont, prince de Gavre, fils de Françoise de Luxembourg, propriété au début du XXe siècle de la ville de Bruxelles, cédé à l’État et où le Royaume abrite les grands événements diplomatiques, et où il accueille tous les grands de la planète, Louis XV, Pierre le Grand, Voltaire, Jean-Baptiste Rousseau, et... un certain colonel Kadhafi.

LES BONNES NOUVELLES DE KINSHASA.
C’est dans l’un des salons de ce palais aux allures de Versailles, coincé entre la place du Petit Sablon et la porte de Namur où se presse l’imprévisible communauté congolaise que Matata est conduit en compagnie de ses deux ministres comme Premier ministre de la République Démocratique du Congo par un homme qui lui voue de l’admiration, l’ancien ministre (libéral) des Finances Didier Reynders, désormais Vice-premier ministre en charge des Affaires étrangères. Peu avant de déjeuner au siège de l’Europe au Berlaymont avec le Commissaire Européen au Développement, Piebalgs. Enjeu: le onzième FED. 634,32 millions d’euros dans le cadre du dixième FED.
Puis au pas de charge un autre Vice-premier ministre en charge des Finances, Steven Vanackere, un homme qui connaît bien le Congo, le ministre de la Défense Pieter de Crem, Pierre Vimont, l’adjoint à la baronne Katherine Ashton, la Haut Représentante de l’UE pour les questions internationales, etc.
Dans la soirée, après des va-et-vient dans plusieurs ministères, Matata reviendra au Egmont, sans laisser un seul de ses ministres, pour un diner officiel offert par Didier Reynders qui a trouvé le temps de s’extirper d’un douloureux Conclave budgétaire nécessitant des nuits blanches. Le Gouvernement est appelé à faire pour 2013 des économies de 3,7 milliards d’euros et ne sait, face aux réalités de toute coalition, s’il faut réduire les dépenses publiques ou augmenter l’impôt.
Le lendemain 23 octobre, c’est au tour du président de la Chambre des Représentants André Flahaut puis de la présidente du Sénat Sabine De Bethume de recevoir le Chef du Gouvernement et sa suite avant la rencontre avec Elio Di Rupo, le Premier ministre et avant de déjeuner avec une multitude de chefs d’entreprises, soucieux d’entendre de la propre bouche du Chef du Gouvernement les bonnes nouvelles de Kinshasa.
Ils seront servis.
Le Premier ministre avait été précédé par une réputation: celle d’un ascète, un quasi moine, qui s’impose de la disciple en vue de l’approche de la perfection, accepte du renoncement et de l’abnégation.
Ce qui compte c’est faire collectif - l’intérêt du plus grand nombre - plutôt que le particulier et cela ne va pas sans des ennuis...
Dans ces conditions, la durée à la Primature peut être sujette à caution, liée au degré de confiance que lui porte celui qui l’a appelé, voici six mois, à ces fonctions, Joseph Kabila.
A Bruxelles comme à Berlin, là où bat le cœur de l’économie européenne - et mondiale - qu’il rallie le lendemain en début de soirée par un régulier de Brussels Airlines et où il reçoit le même accueil - six motards encadrant son convoi et bouclant la circulation suscitant un tel spectacle que des Berlinois ressortent leurs appareils photo pour immortaliser les images - Matata met en avant l’évidence.

CHANGEMENT GENERATIONNEL EN COURS.
Dans un pays où la démocratie bat son plein, que le Président désigne Premier ministre un technocrate - comme le sont l’ensemble de membres du Gouvernement -, et que ce Premier ministre arrive à mener des réformes impopulaires, témoigne de la volonté de ce Chef de l’Etat d’imprimer des changements que nul ne peut envisager sans parapluie.
Et Matata d’égrener ces changements:

  • un marché de change continuellement stable - un phénomène jamais observé depuis trente ans - avec une tendance à l’appréciation de la monnaie nationale. Le comportement du taux de change s’est traduit par des appréciations sur les marchés libre et parallèle alors que sur le marché interbancaire, la variation est quasi nulle. A ce point que des fonctionnaires du Fonds monétaire international se demandent si le cours de change n’était pas contrôlé. La stabilité du Mwana Mpwo face au dollar est telle que le Gouvernement, en association avec le patronat, a décidé, à la veille de la tournée européenne, de lancer la dédollarisation (il y a déjà de plus en plus des Congolais et des expatriés pour préférer se faire payer en francs plutôt qu’en dollars);
    une croissance parmi les plus fortes du Continent à 7,2 % contre 6,9% en 2011 et qu’on attendait à 6,6%, qui oscillera l’année prochaine les 8,4% quand la moyenne subsaharienne est à 5,4%;
  • une inflation sous contrôle à 2,51% quand les prévisions annuelles la situaient à 9%;
  • le dépôt depuis le 13 juillet 2012, auprès des autorités sénégalaises, Etat dépositaire du Traité de l’OHADA, des instruments d’adhésion au Traité. La RDC est devenue le dix-septième Etat membre de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, organisation qui dispose d’une cour de justice arbitrale.
  • Du coup, meilleure fiscalité, meilleur accès à l’entreprenariat. Le privé devenant le moteur de la croissance.
  • Côté démocratie et respect des droits de l’homme, Matata n’affiche aucun complexe. Jamais nulle part sur le Continent, un Président de la République n’est aussi insulté à longueur de journées par ses opposants, par d’innombrables médias. Les insuffisances ne manquent pas pour une démocratie jeune, mais elles ne doivent pas être amplifiées.

Affaire Chebeya, c’est un procès injuste qui est fait. «Il s’agit d’un odieux assassinat mais qui connaissait vraiment ce défenseur des droits de l’homme et quels secrets d’Etat avait-il eu connaissance pour que le Chef de l’Etat vienne à lui donner la mort? Quant au film belge, sait-on que le procès Chebeya avait été retransmis en direct sur des chaînes de télévision. Le Belge Michel qui l’a filmé pourrait-il avoir mieux? Sait-on quel pays au monde accepterait de faire filmer de bout en bout un procès où il y a eu meurtre dans l’enceinte de la police?
Respect, dignité, justice comme dans le conflit du Nord-Kivu et de la perte de crédibilité du Conseil de sécurité des Nations Unies: le leitmotiv du Premier ministre. A Berlin, un haut responsable explique que sur le M23, l’Allemagne et l’Europe ont eu des mots «clairs, explicites, sans ambigüité», qu’elles sont prêtes à «aller plus en avant» mi-novembre au lendemain de la publication du rapport définitif du team onusien avec le débat du Comité des sanctions.
Un officiel assure: «Vous pouvez compter sur nous». Partout c’est comme si on attendait ce changement générationnel en cours au Congo, ce retour du Congo sur scène qu’il a quitté à tort et ce Matata Ponyo venu certainement en éclaireur pour une visite d’Etat cette fois, celle de Joseph Kabila Kabange. Le géant est là. Matata en a fait l’annonce...
T. MATOTU

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