- mer, 02/12/2020 - 16:08
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1508|MERCREDI 2 DECEMBRE 2020.
Dans quel état d’esprit le budget 2021 a-t-il été élaboré? Les services du Premier ministre l’ont-ils lu même en diagonale avant que Sylvestre Ilunga Ilunkamba ne le dépose à l’Assemblée? Incurie... On s’en fout? Sinon par quel mécanisme, le ministère de la Recherche scientifique peut-il gérer le projet Pro-Routes, réhabiliter cinq artères de la ville de Kinshasa?
Comment l’Etat qui considère l’agriculture comme priorité des priorités, peut-il engager, en ressources internes, plus de 48 milliards de nos CDF (25 millions de $US) pour l’acquisition de 24 jeeps pour les membres de l’administration centrale et 26 pick-up pour les inspecteurs provinciaux et le gouvernement dit espérer en même temps un peu plus de 85 milliards de CDF des partenaires extérieurs pour la relance des activités agricoles?
Du n’importe quoi, le moins que l’on puisse dire pour qualifier le budget 2021 du cabinet Ilunga. Au moins, deux lourdes fautes grammaticales ou syntaxiques à chaque page de huit documents sur la loi des finances 2021 déposés par le 1 er ministre à l’Assemblée. Des coquilles du genre «Inspecteurs provinciales»...
Certes, le FMI, avec qui le Congo espère nouer un accord de collaboration économique formelle, a estimé que le budget de 6,9 milliards de $US était (toujours) surréaliste au regard des capacités de mobilisation des recettes du pays, certains experts du ministère du Budget estiment que le gouvernement ne s’est jamais engagé à capter des ressources innovantes comme les Crédits carbones, le Fonds Bleu, etc. Sinon comprendre que le BCECO a mené, avec succès, une démarche unilatérale pour avoir droit au financement du Fonds Vert pour le climat, principal mécanisme financier de la Conférence Cadre des Nations unies pour le changement climatique, mieux connu sous l’anglais UNFCC?
Le Congo manque de bénéficier d’importants fonds faute d’un lobbying efficient que le chef du gouvernement aurait dû mener auprès des instances internationales intéressées, selon un expert de la Direction générale des politiques et programmation budgétaire (DGPPD) qui rappelle que le budget 2021 élaboré par les experts de la DGPPD, organe technique du ministère du Budget et présenté au VPM Jean-Baudouin Mayo Mambeke était plutôt de 7.857.212.417,04 $US. Le budget présenté à l’Assemblée a donc été rabioté de un 1 milliard de $US!
Autre réaction - un coup-de- gueule - parmi tant d’autres, parvenu au Soft International provient de Mgr Tharcisse Tshibangu, recteur-chancelier et Président du Conseil d’administration des Universités du Congo. «Un budget insignifiant en soi et insignifiant au regard des besoins et des nécessités impérieuses du pays», a déploré l’évêque. Dans sa note transmise au président de la République, dans le cadre de Consultations nationales, l’évêque président dit avoir espéré « un budget de 15 milliards de $US… compte tenu des potentialités générales que peut actualiser notre pays et mettre à la disposition de la croissance et d’un grand développement national soutenu».
Les mines constituent encore et toujours la principale source des revenus de l’Etat, rappellent des experts. Mais, dans le budget 2021 déposé par Sylvestre Ilunga Ilunkamba à l’Assemblée nationale, les prévisions des recettes minières ne sont que 1,439 milliards de $US (soit 2.975,87 milliards de CDF) contre 2,068 milliards de $US (soit 3. 622, 55 milliards FC). Un taux de régression de 17,85%.
RELANCE
VOLONTAIREMENT ETOUFFEE.
Et pourtant, au Secrétariat général des Mines, l’on en est plutôt optimiste pour l’exercice
2021. Une embellie des recettes minières est nettement prévisible courant 2021 suite à l’entrée en production de deux projets, COMIKA dans le Haut-Katanga et KAMOA COPPER dans le Lualaba. Les recettes de la redevance minière, la taxe la plus juteuse de l’Etat, devraient connaître une hausse considérable. En outre, l’opérationnalisation de l’EGC, l’Entreprise Générale du Cobalt, devrait ramener dans le circuit officiel au moins 20% de la production artisanale du cobalt, lit-on dans un rapport interne du Secrétariat général des Mines.
Les prévisions de la redevance minière reprises dans le budget de l’Etat est d’environ 295 millions de $US (soit 617.760.614.287 de CDF). Certes, la baisse de la demande à l’international des matières premières que le Congo exporte (cuivre, cobalt, diamant, etc.) due aux effets de la crise sanitaire de Covid-19 en 2020 devrait particulièrement impacter les recettes de l’IPB, l’Impôt sur les bénéfices et profits. Mais le Secrétariat général des Mines assure que la production dans les mines et carrières n’a point connu de ralentissement en dépit de la pandémie mortelle. Même la moribonde MIBA a repris vie et est en pleine production. Il a suffi juste d’une volonté politique manifestée personnellement par le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Des experts déplorent par contre l’inaction du Premier ministre dans le secteur des mines. Alors que selon le code minier révisé, le Chef du Gouvernement est en droit de donner des orientations aux administrations provinciales sur des affectations des recettes minières, Ilunga Ilunkamba semble totalement dépassé et incapable de supporter le poids de ses prérogatives.
Plus de 10 millions de $US dilapidés au Lualaba! Tenez, les entreprises minières COMMUS et KCC ont versé, pour l’exercice 2019, quelque 10.500.000 $US à la commune de Dilala dans la ville de Kolwezi, au Lualaba, au titre de la quotité de la redevance minière aux ETD, entités territoriales décentralisées.
Aux organisations de la société civile, le bourgmestre de la commune de Dilala affirme n’avoir perçu que 5 millions de $US. Qu’en a-t-il fait? Le bourgmestre montre un poste de police... Et soutient que ce n’est qu’un échantillon de ce qu’il a déjà fait. Quant aux 5,5 autres millions de $US, l’homme reste évasif. Les autres entités s’en sont mêlées, a-t-il fait comprendre de manière compendieuse, dont la ville de Kolwezi.
Les organisations locales de la société civile déplorent, dans un communiqué, le fait que «l’absence des règles claires de transparence dans la gestion et dans l’allocation des quotités de 25% dues aux provinces et de 15% aux ETD de la redevance minière fait que la majeure partie de ces fonds est allouée à la réalisation des projets qui ne cadrent pas avec les priorités de développement des populations». Dans le Lualaba, des activistes des droits humains regrettent une certaine tendance politicienne poussant l’opinion à une certaine hostilité vis-à-vis de Kinshasa, en fait, du pouvoir central.
De l’argent gelé à cause de l’ego démesuré du ministre.
Par ailleurs, s’il a déjà reconnu et déploré le manque de collaboration de ses ministres sur des questions transversales, Ilunga Ilunkamba n’a jamais su et pu avoir de l’ascendant sur les ministres de son propre camp politique depuis qu’il est à la Primature. On pourrait citer son ministre FCC des Mines, Willy Kitobo Samsoni incapable de s’accorder avec la ministre des Affaires sociales, l’UDPS/CACH Rose Boyata pour prendre un arrêté interministériel sur la gestion de la dotation de 0,3% du chiffre d’affaires des entreprises minières au profit des projets de développement communautaires.
Selon différentes sources recoupées dont le Secrétariat général des Mines, les communautés locales directement affectées par les activités d’extraction minières auraient dû bénéficier de quelque 30 millions de $US au bas mot en 2019. Hélas! Autant que dans les mines, les dépenses de l’Etat reprises dans le budget 2021 sont loin du PNSD, le Plan national stratégique de développement 2019-2023. Curieusement, le budget 2021 accorde des «frais secrets de recherche» à différents cabinets des ministres alors que la circulaire du ministre du Budget distribuée à ses pairs avant l’élaboration du budget, est explicite.
«Les frais secrets de recherche ne peuvent être sollicités que par les services civils et militaires de sécurité et de justice qui exercent une activité de renseignement et d’intelligence». Faute d’une relecture en profondeur par les commissions ECOFIN de l’Assemblée et du Sénat, le Président de la République, comme son prédécesseur, Joseph Kabila en 2014, selon toute logique, pourrait retoquer le projet de loi des Finances et demander aux chambres de réélaborer un budget 2021 qui réponde aux aspirations populaires et non aux dépenses de complaisance.
POLD LEVI MAWEJA.