- jeu, 04/09/2014 - 02:29
Le débat sur l’éventualité de réviser ou de modifier la Constitution de notre pays est enfin sorti de la zone rouge «d’interdiction de remise en cause» dans laquelle une certaine opposition voulait le contenir.
Les «Fatwa» et autres anathèmes qui présentaient la révision ou la modification de la Constitution comme illégale et impossible se sont évaporés suite aux éclaircissements des partisans du changement. La discussion est maintenant ouverte et les arguments pour ou contre fusent de partout.
C’est dans le cadre de cet échange qu’un quotidien paraissant à Kinshasa s’est récémment, interrogé de la manière suivante: IVème République: Quelle constituante pour quel régime?
L’article veut savoir la manière dont l’éventuelle révision ou modification pourrait se conduire et ses conséquences sur le fonctionnement de nos Institutions. Plusieurs notions sont évoquées dans ce texte.
Mon attention a été attirée par deux concepts essentiels sur lesquels il est important de donner quelques précisions pour éviter de laisser le débat prendre une direction biaisée: la question du «régime politique» et celle du risque du «glissement dictatorial».
Ces expressions sortent directement des écrits du journal.
Une lecture distraite pourrait entraîner les lecteurs dans la conviction erronée que la révision projetée viserait à modifier profondément le régime politique post Sun-City, au point de remettre en cause la démocratie chèrement acquise et de préparer le lit d’une prochaine dictature.
Quid de la notion de régime politique? Présenter simplement cette notion renvoie aux caractéristiques essentielles de ce qu’est un pouvoir. Le régime politique précise la nature du pouvoir, la conception de l’autorité ainsi que ses équilibres et organisation interne. Il indique également l’autorité qui détient l’essentiel de la responsabilité de l’exécutif et ses rapports avec les autres institutions. C’est aussi au travers de cette notion que l’on jauge la place réservée à l’opposition et, pourquoi pas, le niveau d’écoute que l’appareil d’état accorde à la Société Civile.
Généralement, la science politique et l’analyse des institutions usent de cette notion de «régime politique» pour distinguer: les régimes dictatorial, monarchique, présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire.
En République Démocratique du Congo, l’unanimité est faite sur ce qui concerne l’impératif de maintenir et d’approfondir le caractère républicain de notre régime politique. à cette notion de res publica qui renvoie à l’obligation de toujours se référer au peuple, lequel en toutes circonstances demeure le véritable détenteur du pouvoir, s’accole celle d’état de droit. Ce binôme constitue la base incontournable et actuellement indépassable du consensus politique national.
C’est sur la manière de faire vivre quotidiennement ce binôme que nous divergeons selon nos tendances politiques.
Je suis de ceux qui pensent que la mise en pratique du binôme République/état de droit devrait, en ce qui concerne la République Démocratique du Congo, privilégier un autre couple: Stabilité/Efficacité.
La stabilité est incontournable en tant que base de toute action visant un quelconque progrès. Un pays comme le nôtre, avec son immensité géographique, sa complexe sociologie, sa singulière histoire, sa classe politique quelque fois irrésolue et surtout son aspiration au développement devrait par-dessus tout considérer la stabilité qui permet d’entreprendre les choses dans la durée.
L’efficacité, cette capacité de tirer le meilleur des circonstances, s’avère aussi essentielle parce qu’elle est la condition de l’aboutissement heureux de tout projet.
C’est justement le renforcement de ce couple Stabilité/Efficacité que recherchent les partisans de la modification de la Constitution.
Plusieurs de nos adversaires politiques présentent les équilibres de la Constitution du 18 février 2006 comme la quintessence de la démocratie et une panacée devant nous permettre de régler tous nos problèmes, pourtant l’expérience vient de démontrer le contraire.
Le moment est venu de dire franchement que le régime semi-présidentiel issu de Sun City, tel que codifié dans la Constitution du 18 février 2006 pêche par
une recherche exagérée des équilibres entre les Institutions. Ceci à partir du bicéphalisme installé à la tête de l’exécutif, entre le pouvoir central et ceux des provinces et des entités décentralisées. C’est comme si l’on voulait que le pouvoir des uns empêche l’exercice de celui des autres. Comment dans ses conditions exercer en leadership franc?
Il faut également affirmer clairement que contrairement à ce que laisse entendre l’article, le régime présidentiel ne conduit pas à la dictature, autrement, les états-Unis d’Amérique seraient une horrible dictature. Le régime présidentiel a l’avantage de permettre un leadership affirmé et est plus conforme à l’engagement que prend un homme face au suffrage universel qui le place à la tête de l’état. C’est dire que chercher à amoindrir les équilibres paralysants en faveur des mécanismes dynamisants est une entreprise de progrès que chaque patriote devrait soutenir pour que la démocratisation ne vise pas seulement des satisfactions intellectuelles abstraites. Nos efforts communs doivent contribuer à la résolution des problèmes concrets; c’est-à-dire la consolidation et l’harmonisation de nos relations, une meilleure appréhension des libertés fondamentales ainsi que l’amélioration de nos conditions de vie. Tout ceci ne saurait se réaliser sans une harmonisation entre les couples République/état de droit et Stabilité /Efficacité.
L’article dont question évoque, sans la critiquer ni l’appuyer, la possibilité d’instaurer un poste de vice-président de la République. Il faut souligner que cette idée répondrait aux soucis de voir représenter à la tête de l’état, chaque fois que c’est possible, des personnalités issues des deux zones géographiques de la nation. Il y a ici la recherche d’un équilibre que je qualifierais de dynamisant parce qu’il renforcerait le sentiment de cohésion nationale.
Le débat continue.
Jean-Pierre KAMBILA.
KANKWENDE WA MPUNGA.