- jeu, 22/10/2020 - 17:53
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1503|MARDI 20 OCTOBRE 2020.
Est-ce le vent à décorner les bœufs? Qu’importe! Dans l’affrontement qui paraît s’engager et contre toutes les stratégies que pourraient monter ses adversaires, cela ne fait l’ombre d’aucun doute à aucun observateur que le Président de la République a le vent en poupe.
Au Conseil des ministres de vendredi dernier 16 octobre - le 53ème en date -, il a pris à rebrousse-poil le Premier ministre en prenant le pays à témoin en fonçant droit vers la reconnaissance nationale des hauts magistrats nommés et, du coup, vers la légitimation de la plus haute Cour du pays, mettant au test de la cohésion et de la loyauté nécessaires l’Exécutif du pays.
METHODE
BENOIT LWAMBA BINDU.
«Le Conseil des ministres a chargé le Premier ministre ainsi que le ministre en charge des Relations avec le Parlement de prendre toutes les dispositions pour que le protocole d’Etat organise correctement la cérémonie de prestation de serment qui doit intervenir dans les prochains jours», déclare urbi et orbi le porte-parole du Gouvernement, le ministre de la Communication CACH-UNC David-Jolino Diwampovesa-Makelele Ma-Mu Zingi.
Or, le Premier ministre et le ministre des Relations avec le Parlement sont membres de la plateforme FCC farouchement opposée aux ordonnances présidentielles lues vendredi 17 juillet 2020 sur Rtnc portant nomination et mise en place au sein de l’armée et de la magistrature, dont trois juges à la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kaluba Dibwa, Kalume Yasengo et Kamulete Badibanga.
Sylvestre Ilunga Ilunkamba avait comme jamais auparavant dans le pays, critiqué ces nominations rendues publiques « à sa grande surprise », sans son contreseing, sollicitant par voie de communiqué de presse, une rencontre avec le Président de la République « pour tirer au clair cette situation préoccupante ».
Les ordonnances auraient été prises et publiées alors que le Chef du Gouvernement séjournait hors du siège des Institutions Kinshasa mais restait joignable même s’il avait confié l’intérim au ministre préséant, le CACH Gilbert Kankonde Malamba qui n’aurait fait montre d’aucun état d’âme pour donner son contreseing.
Or, le contreseing «relève de la compétence exclusive attachée à la qualité du Premier ministre», argumente Ilunkamba pour qui son contreseing constitue « le gage de l’équilibre des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre, qui est l’émanation de l’Assemblée nationale ».
S’ouvre le débat de juriste mais surtout de politique !
Quand en politique, tout peut être manœuvre, esquive, croc-en-jambe voire coup de grâce mortel, comment ne pas penser que la méthode Benoît Lwamba Bindu parti en exil doré à l’étranger sans que nul ne s’y attende le moins, sorti du pays par la petite mais grande porte - pour échapper à un projet de son élimination physique monté par sa propre famille politique - abandonnant honneurs et émoluments géants, ait pu faire des émules?
Mis au test - au pied du mur - comment vont répondre le Chef du Gouvernement Ilunkamba et son ministre Déogratias Nkusu Kunzi Bikawa à l’appel public solennel présidentiel ?
Qui s’imagine un rejet qui serait la porte grande ouverte à une crise au sein l’Exécutif? Puisque le Président de la République «assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat» (art. 69, al. 3 de la Constitution) ou le Premier ministre présenterait sa démission - le Président de la République ne pouvant démettre le chef du Gouvernement qui ne peut quitter ses fonctions qu’après le vote d’une motion de censure par l’Assemblée nationale (art. 147) hormis toute autre raison personnelle telle la fatigue (le cas le 26 septembre 2008 d’Antoine Gizenga, 83 ans, pour qui «même si l’esprit peut encore être sain et alerte, le corps physique pour tout homme a ses limites dont il convient de tenir compte»), la maladie, etc., bien que Joseph Kabila Kabange ait brutalement révoqué le 7 avril 2017 Samy Badibanga Ntita après trois mois en annonçant, à la surprise générale, la veille, à un discours à la nation, la nomination sous 48 heures d’un autre Premier ministre - ce fut Bruno Tshibala Nzenzhe - ou le Chef du Gouvernement serait déconnecté du Conseil et mis hors circuit des affaires de l’Etat - case avant son départ du n°5, avenue Roi Baudouin - sur le modèle de l’ancien Garde des Sceaux PPRD Célestin Tunda Ya Kasende.
LA PLONGEE
REDOUTEE DANS LA GRANDE CRISE.
Ce serait la plongée sans cesse en vue mais redoutée dans la grande crise avec les Chambres d’autant que ce serait le CACH Kankonde qui reprendrait la main de la conduite du Gouvernement.
Il ne resterait plus que la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue sous 60 jours, suivant la date de publication de l’ordonnance de dissolution (art. 148), des élections législatives anticipées.
Avec quel budget quand la loi de Finances 2020 avait mis le cap sur 11 milliards de $US en se butant à moins de 4 milliards dans un contexte de Covid-19 mais pas seulement - et que celui de 2021 serait plus... raisonnable, 6 milliards?
Que conclure ?
En sollicitant une rencontre avec le Président de la République, en se faisant recevoir rencontré le 13 octobre à la Cité de l’UA, en faisant publier un communiqué de presse désobligeant par un service de communication non identifié, les deux Présidents Jeanine Mabunda Lieko et Alexis Thambwe Mwamba ont voulu faire souffler un vent du boulet au-dessus du Palais de la Nation oubliant - et c’est l’erreur fatale - que son locataire avait le vent en poupe, poussé dans l’opinion suite à des tentatives de passage en force du FCC fort de ses «présidents délégués des chambres», à en croire le tweet dévastateur du Haut Représentant du Président de la République Yesu Kitenge Nz pour qui cette dame et cet homme désignés «s’en sont allés clopin-clopant, mélangeant fiction et loi, étalant leur parler-faux», signe de «stratégies inférieures, la Justice ne (devant) jamais être au service de l’injustice » dès lors que «derrière la montagne, il y a la montagne».
Et cette montagne c’est précisément le Pouvoir judiciaire, troisième pouvoir dans l’Etat démocratique qui a déjà dit sa sentence : «les ordonnances du Président de la République sont légales». Aujourd’hui plus que jamais, Tshisekedi a le vent debout contre tout projet de manipulation de l’opinion et, du coup, contre toute tentative de remise en cause du pouvoir constitutionnel du Présidentiel.
Comment ne pas évoquer l’ADN établi d’ATM provocateur voire guerrier mais gaffeur systémique.
D’où le choix contesté au FCC porté sur lui pour un poste, anti-chambre de la Présidence de la République. Mais c’est le Président, lui et lui seul, détient les deux bics - le bleu pour les nominations, le rouge pour les révocations ou la dissolution de la Chambre basse. En clair, si une crise institutionnelle éclate aujourd’hui, le gagnant, dans tous les cas de figure, ne serait que le Président.
Reste l’irruption attendue intervenue sur la scène de l’ex-parti présidentiel PPRD. Une manœuvre, un croc-en-jambe, un coup de grâce mortel mais contre qui? Contre Ilunkamba jamais adoubé au PPRD avec des ministres bras cassés qu’il n’a jamais choisis et qui désespèrent? Nul doute, le PPRD met la pression sur Ilunkamba pour le sortir naturellement et sur son Autorité morale, l’ex-Président Kabila Kabange. Mais si du chaos va sortir l’ordre, qui s’en plaindrait?
T. MATOTU.