- ven, 04/04/2014 - 04:46
Lors d’un atelier relatif à la protection des biens de l’état et des entreprises publiques tenu à Kinshasa du 28 au 29 mars au Fleuve Congo Hôtel à Kinshasa dans le cadre de l’Ohada, le ministre Fridolin Kaswessi Musoka en charge de l’Aménagement du Territoire, Urbanisme, Habitat, Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction, a dressé un état des lieux du patrimoine immobilier de l’état congolais, présenté la problématique et esquissé des pistes de solution. Une situation qui dénote d’une véritable tragédie. Le Soft International publie ci-après en document des extraits de l’allocution du ministre.
(...) Les prescrits de l’article 208 de la Loi n°73-021 du 20 juillet 1873 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, telle que modifiée et complétée par la Loi n°80-008 du 18 juillet 1980 stipulent que le patrimoine immobilier de l’Etat comprend un domaine public et un domaine privé. Le domaine immobilier public de l’Etat est constitué de tous les immeubles qui sont affectés à un usage ou à un service public. Ces immeubles ne sont ni cessibles, ni susceptibles de location, tant qu’ils ne sont pas désaffectés. Tous les autres immeubles font partie du domaine privé de l’Etat. S’agissant du patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat, le sied de rappeler qu’après la création du Ministère de l’Urbanisme et Habitat, par ordonnance 88-023 du 7 mars 1988. le Président de la République avait transféré par ordonnance 88-034 du 30 janvier 1988 certaines attributions relevant du ministère du Portefeuille au ministère des Finances et au ministère de l’Urbanisme et Habitat.
Ainsi, conformément à l’ordonnance 88-034 précitée, il a été procédé, entre le ministère du Portefeuille et celui de l’Urbanisme et Habitat, à une remise et reprise reprenant le patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat pour la Ville de Kinshasa, le reste devant intervenir ultérieurement. Il s’agit de:
- La liste des immeubles à usage d’habitation et
-La liste des immeubles affectés à différents quotas:
- Présidence de la République;
- Forces Armées (de la RDC);
- Coopération Technique Belge;
- Coopération Technique Française;
- Coopération Technique Chinoise
- Certaines Ambassades
- Fonds Médical du Congo «FOMECO» et Fonds Médical Tropical «FOMETRO».
Au fil des années, la plupart de ces immeubles ont été soustraits du domaine privé de l’Etat pour diverses raisons dont notamment: les ventes régulières et irrégulières, les spoliations, les arrêts et jugements des cours et tribunaux condamnant Etat.
Pour ce qui est du patrimoine immobilier du domaine public, il est resté plus ou moins constant. Néanmoins, il faut noter que plusieurs espaces publics ont été occupés anarchiquement. De même, en plus de la vétusté, ces bâtiments n’ont pas connu des entretiens réguliers les mettant ainsi dans un état de délabrement avancé. Concernant le patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat, les statistiques disponibles en 2004 auprès des services du Secrétariat Général à l’Urbanisme et Habitat ont pu dénombrer:
- 788 immeubles dans la Ville de Kinshasa;
- 348 au Bandundu;
- 543 au Bas-Congo;
- 1582 à l’Equateur;
- 650 au Kasaï-Occidental;
- 766 au Kasaï-Oriental;
- 747 au Katanga;
- 82 au Maniema;
- 488 au Nord-Kivu;
- 405 au Sud-Kivu;
- 2007 dans la Province Orientale.
Soit un total de 8.416 unités de logement à travers la République. Cependant, en 2012, ce patrimoine s’est effrité, A titre d’exemple pour la Ville de Kinshasa, ce patrimoine est passé de 788 à 742 immeubles. Il sied de noter que la perte de 46 immeubles est due pour l’essentiel aux ventes, cessions, spoliations diverses.
La République est victime d’une spoliation à grande échelle de son patrimoine immobilier du domaine privé par des tiers et bien plus par quelques autorités en complicité avec des agents de l’administration et du pouvoir judiciaire.
Il sied de noter que beaucoup de documents relatifs à la cession à titre onéreux ou gratuit des immeubles du domaine privé de l’Etat sont des faux, Il s’agit notamment des actes de vente antidatés, des autorisations d’achat frauduleuses et des faux actes notariés. Les signatures des responsables étant soit imitées, soit scannées.
Dans certains cas, les titulaires de ces documents frauduleux obtiennent même des jugements condamnant la République par défaut devant les tribunaux en induisant la Justice en erreur, après s’être fait passer pour des victimes, généralement en se limitant à assigner les occupants ou des tiers.
Il a été relevé, par ailleurs que certains jugements sont rendus avec une certaine complaisance alors qu’il s’agit des questions importantes affectant le patrimoine immobilier et foncier de l’Etat et partant la vie de la nation.
Pour ce faire, plusieurs stratagèmes sont de mise: les dates d’audience ne sont pas signifiées à l’Etat propriétaire ou le sont tardivement avec comme conséquence le déroulement des audiences sans que les avocats de la République ne comparaissent ou. dans certains cas, le retrait du mandat de l’Avocat de la RDC ou pire encore les Avocats de la République qui acquiescent avec complaisance les prétentions des spoliateurs. Ainsi, le juge condamne la République par défaut en faisant valoir le certificat d’enregistrement ou l’acte de cession, faux soit-il, que le spoliateur lui présente sans en vérifier l’authenticité ni s’appesantir sur l’historique du certificat, le mode et la régularité du transfert de propriété. On peut citer le cas de l’Hôpital de Kintambo où une dame se réclamant propriétaire de la parcelle contiguë à l’hôpital sur base d’une ordonnance soi-disant signée par feu le Président Mobutu, et ayant obtenu les faveurs de la justice, a été confondue après vérification de l’acte de cession auprès du Journal Officiel. Ces jugements prononcés contre toute rationalité et toute légalité s’appuyant sur l’article 227 du code foncier, font souvent que l’Etat propriétaire soit débouté au motif qu’il n’a pas de certificat d’enregistrement face au spoliateur qui en détient un. Or, aux termes des articles 208 à 215 du code foncier, il va sans dire que d’essence, l’Etat congolais est propriétaire exclusif de tous les immeubles affectés à un usage où à un service public et de ceux de son domaine privé. Il en résulte que l’Etat n’a pas besoin pour faire valoir ses droits de justifier d’un certificat d’enregistrement.
La République ne peut se permettre de demeurer à la défensive et de laisser tous ces spoliateurs agir impunément. Il est impérieux de sanctionner tous les agents et cadres de l’administration de l’Urbanisme et Habitat, ceux des affaires foncières, du ministère de la Justice et Droits Humains ainsi que ceux des forces de sécurité, de l’Armée et de la Police qui sont impliqués dans cette dérive, en vue de rétablir l’autorité de l’Etat. Pour préserver le patrimoine immobilier de l’Etat, les actions ci-après ont été initiées:
- L’identification des immeubles, appartements et villas du domaine privé de l’Etat dans la ville de Kinshasa par arrêté ministériel n° CAB/MIN-ATUHITPR/020/2013 du 24 septembre 2013 portant identification du patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat et l’arrêté ministériel n°C AB/MIN-ATUHITPR/001/2014 du 14 janvier 2014 complétant l’arrêté ministériel précédent.
Les listes contenues dans ces deux arrêtés ne sont pas limitatives et feront l’objet des compléments au fur et à mesure de l’évolution de l’identification. Après Kinshasa, l’identification de poursuivra dans les autres provinces de la RDC.
- Le transfert du domaine privé au domaine public de certains immeubles en état de délabrement ou menacés de spoliation. C’est le cas des immeubles de la Place Royal et ceux attribués à certains services publics.
En outre, quelques mesures sont nécessaires pour assurer la protection du patrimoine immobilier de l’Etat.
Notamment:
- La révision des dispositions de l’article 223 alinéa 2 du code foncier qui servent d’alibi aux conservateurs des titres immobiliers pour commettre des abus dans la délivrance des certificats d’enregistrement sous le prétexte qu’il s’agit des erreurs qui sont imputables à l’Etat. De ce fait, le conservateur engagera sa responsabilité personnelle pour toute erreur par lui commise et cela aura comme conséquence le traitement responsable et minutieux des dossiers lui soumis,
- L’engagement des poursuites judiciaires en matière répressive de tous les intéressés qui ont assigné l’Etat en justice au sujet de son patrimoine du domaine privé, pour faux et usage de faux et spoliation.
- Quant aux Agents de l’Administration à divers niveaux (Fonctionnaires, Magistrats, Agents de Sécurité et Eléments de la Police et des Forces Armées) complices dans la spoliation du patrimoine immobilier de l’Etat, il faut envisager des poursuites judiciaires (...).