Comment Félix Tshisekedi l'a adoubé
  • jeu, 17/02/2022 - 16:39

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES. Le Soft International n°1546|JEUDI 17 FÉVRIER 2022.

Il fout la trouille à l’annonce de sa venue, sème panique et terreur chez les argentiers de la République après le passage de ses forces spéciales. Celui qui a fait Sciences Éco n’affiche aucun complexe quand il parle finances publiques. Dès mars, peu après le retour du Président de la République d’une tournée des voisins où il écoute et entend, Jules Alingete Key est reçu à la Cité de l’UA, convainc le Chef de l’État qui le coopte et qu’il reçoit, au moins une fois la semaine, l'homme qui dispose des forces spéciales pour s’enquérir des avancées dans la traque et la filature des chemins du coulage et de pillage des richesses du pays. Qui est cet homme? Uniquement Le Soft International.

Il a eu 57 ans le 25 juin 2020. Condisciple en Sciences Éco à l’Unikin de l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon qu’il connaît et, avec lui, plusieurs autres membres des Gouvernements actuel et passés, Jules Alingete Key né à Kinshasa, commune de Barumbu, s’est distingué partout où il est passé, connaît la ville Capitale et maints services de l’État comme le fond de sa poche pour y avoir travaillé même si, volontiers, il botte en touche sur certains autres services dont cet auxiliaire de la justice regrette le passage promettant d’en dire plus un jour.

Son modèle - sa référence - c’est un homme des années Mobutu, l’immense Kazumba, né Léon Kazumba-Luaula, originaire du Kasaï Occidental, qui a laissé ses marques à un service resté depuis les années Mobutu sans histoire comme si ce corps de l’élite financière de l’État, avait été laissé à l’abandon afin qu’il n’ose pas empêcher de faire tourner en rond le pays. Comme Kazumba, Jules Alingete Key s’emploie à marquer son territoire.

COMME UNE MACHINE A ECRIRE.
Il rencontre le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo «au moins une fois par semaine». Clair. L’homme qui voit le Président de la République, Chef de l’État, «au moins une fois par semaine» - cela suppose qu’il peut le rencontrer, échanger avec la plus haute autorité de la Nation bien plus qu’une fois par semaine, pourquoi pas, tous les sept jours que Dieu fait - n’est pas le Congolais lambda. Cet homme là appartient à un cercle présidentiel très fermé, à la garde rapprochée du Président de la République. Il en est ainsi de l’Inspecteur Général des Finances de la République.

Il en résulte que Jules Alingete Key est LE premier conseiller financier du Président de la République. Du coup, le premier Conseiller économique du Chef de l’État. LE lanceur d’alerte, LE Gendarme économique et financier de la République... Sans aucun doute l’homme clé à un moment où, plus que jamais, les Finances de l’État comptent plus que tout par ces temps de Covid-19. Au cours d’un conseil des ministres réuni à Guizot, le baron Louis (1755-1837) prononce cette phrase : « faites nous de bonne politique, et je vous ferai les bonnes finances ».

Conseiller au Parlement de Paris sous l’Ancien Régime, administrateur du Trésor public sous l’Empire, ministre des Finances sous la Restauration qui lui doit son redressement financier, à 75 ans, le baron retrouve le même poste sous la Monarchie de Juillet. Il redresse les finances publiques, réforme le ministère des Finances, place à la tête de la Banque de France le banquier Laffitte, autre honnête homme soucieux de « bonne politique » et de «bonnes finances». Aujourd’hui en 2020, le baron est appelé à revoir sa copie, opter ou privilégier pour cette autre phrase : «L’argent c’est le nerf de la guerre». Les Finances c’est le nerf de la guerre. Le flux de trésorerie c’est le nerf de la guerre. On peut tout idéologiser : sans argent, on n’est rien. Sans argent, un pays n’est rien…

Qui contrôle l’argent - qui contrôle le nerf de la guerre - dispose du pouvoir ultime. Sous Mobutu, c’est Jean Nguz a Karl-i- Bond, ministre des Affaires étrangères qui savait tout dire, séduisait toutes ses convives dans tous les cercles diplomatiques, laisse tout tomber, dresse un tragique constat : « Quand le Zaïre exportait plus de 450.000 tonnes de cuivre, le pays était respecté à l’étranger. Maintenant qu’il en produit moins de 50.000, qui le respecte encore au sein de la communauté internationale? Qui écoute la parole du Zaïre ? » C’est juste que le Gendarme Jules Alingete Key rencontre le Président de la République «aussi souvent que possible, chaque semaine», comme il déclare en fin de semaine au Soft International. Il doit «faire rapport au Chef de l’État, obtenir des orientations» de l’autorité suprême afin de travailler.

De travailler afin ramener au Compte général du Trésor public le plus de ressources possible afin que le pays mène des bonnes politiques (relance économique, reconstruction des infrastructures économiques, sociales, eau, électricité, santé, etc.), que son image se redresse alors que le mandat de cinq ans, a, à deux ans déjà, été presqu’accompli… Ce qui n’a pu l’être hier, ce qui ne peut l’être aujourd’hui, ne le sera certainement pas la veille de fin officielle de mandat. Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo le sait… D’où le poids qu’il met sur ce Kinois, «connu pour être direct» - en l’espèce, un avantage -, qui fait trembler des pans entiers du secteur des finances publiques quand il passe pour en ramener le plus vers le Trésor public.

Cet homme nommé le 30 juin 2020 Inspecteur Général des Finances et Chef de Service, qui a pris ses fonctions le 7 juillet, qui, comme une machine à écrire, donne de mémoire et, à l’infini, une pluie des dates de sa vie (son diplôme d’État obtenu en 1983 avec 71%, son entrée à l’Université de Kinshasa en 1983, son départ de l’Université en 1988 avec sa licence en Économie, son recrutement l’année d’après le 7 janvier à l’Inspection Générale des Finances, sa cote à ce concours à l’IGF où il se classe en ordre utile - 6ème sur les 50 recrutés face à une foule de candidats -, promu inspecteur principal à l’IGF en 2010, inspecteur général à l’IGF dix ans plus tard en 2020, dispose d’un chapelet d’anecdotes à raconter sans fin...

Au mois de mars 2019, trois mois après l’investiture du Président de la République, l’homme qui a été tout à Kinshasa - à la ville de Kinshasa sous le gouverneur de la ville Théophile Mbemba Fundu di Luyindu comme coordonnateur de cabinet, avec Christophe Muzungu Kabemba aujourd’hui ambassadeur à Brazzaville, Commissaire aux Comptes à la Régideso, passé à la Primature sous deux Premiers ministres comme conseiller en charge du climat des affaires dont il se tait d’évoquer le second mandat, un des premiers directeurs à la DGRK, la Direction générale des recettes de Kinshasa, DirCaba au cabinet de la ministre de l’Économie Acacias Bandubola Mbongo - rencontre le nouveau Président de la République après qu’il a entamé une série de visites à l’étranger dans des pays voisins où il a écouté et peu parlé.

Jules Alingete Key n’est alors pas le Chef de service de l’IGF qu’il est aujourd’hui. Le Président de la République qui le découvre, lui rappelle ses années de jeunesse, auprès de son père, sur la mythique rue les Pétunias, à Limete, cette avenue longue de moins de 500 m. Quand un certain Kazumba, né Léon Kazumba-Luaula, alors tout puissant Inspecteur des Finances des années Mobutu, respecté sinon craint, venait rendre visite au domicile familial à son père Étienne Tshisekedi wa Mulumba, «à moi tout jeune, papa expliquait ce qu’était cet homme en réalité, l’importante charge qu’il occupait dans le pays, dans la bonne marche des Finances publiques».

«Je nourrissais un tel fantasme pour cet homme-là», ajoute le tout nouveau Président de la République qui, certainement, a déjà jeté son dévolu sur ce brillant jeune, de taille moyenne, au physique guère imposant quand il passe la rue, qui a fait ses études à Limete, à Saint-Raphaël, les poursuit à l’Institut commercial de Bikanga non loin de là, à Matete, dont les parents sont originaires de l’actuelle province de Maï-Ndombe, d’un village proche de la localité de la CKE, à Dima, sanctuaire de l’huile de palme, à la frontière de la province du Kwilu.

Le Chef de l’État interroge l’homme qu’il reçoit sur ce que l’IGF de ses rêves d’enfance est devenue. - «Où donc l’IGF que j’ai connue est passée? Qu’avez-vous fait de ce grand service de État? Moi, je ne retrouve plus ce Grand Service que vantait mon père...» Alingete ne dit pas la réponse qu’il donne.

Quand il déclare au Soft International plus tard dans cette conversation libre que l’un de ses chantiers prioritaires - le tout premier plus précisément - consiste en la «réhabilitation de l’Inspection Générale des Finances comme organe de contrôle qui doit contribuer efficacement à la bonne gouvernance du pays», qu’il en fait désormais son «rêve de tous les jours» depuis qu’il a été nommé à la tête de ce service, il est clair que s’il botte en touche, on a compris que depuis les années Mobutu, l’IGF s’était mutée en vieille casserole...

De préciser - ce qui permet de mieux comprendre la tragédie que vit ce service et, du coup, celle des Finances publiques du pays - tragédie connue sous le nom de «coulage des recettes publiques» que lui a donné un Vice-Premier ministre en charge du Budget, le professeur Daniel Mukoko Samba, de la première équipe Matata, un jour lors d’un séminaire scientifique en la salle Congo du Grand Hôtel Kinshasa.

D’aucuns ont parlé de plus de 10 milliards de $US perdus chaque année par le Trésor public. «Si nous ne prenons pas garde aujourd’hui et maintenant, dans dix ans au plus tard, l’IGF n’existera plus. Ce service disparaîtra des radars», explique Alingete. A-t-elle jamais existé, depuis la fin de Mobutu, dès lors que l’Inspecteur des Finances le plus jeune est aujourd’hui âgé de 55 ans - l'âge de la retraite -, que les structures actuelles de l’IGF remontent à 1987, soit à trente-trois ans, sont, en 2020, en parfait déphasage avec les réalités de la gestion des Finances publiques?

De là l’autre chantier de Jules Alingete Key : recruter une nouvelle génération des inspecteurs des Finances afin de garantir l’existence et la poursuite des missions de ce Service, pièce maîtresse des Finances publiques. Si, sur papier, l’IGF a été créée pour fonctionner avec 200 inspecteurs des finances, en 2020, le service n’en dispose que de 70, la majorité ayant choisi d’aller voir ailleurs ou est en détachement plus motivant. L’urgence consiste à travailler pour faire ressusciter ce corps jadis de l’élite financière du pays, en lui redonnant ses lettres de noblesse d’antan. Mission reçue par Alingete du Président de la République. De là son appel à candidatures lancé le 22 juillet 2020. Un concours de recrutement des jeunes inspecteurs des Finances...

Il s’agit de rajeunir ce Service, de renforcer ses «forces spéciales de l’IGF comme il nomme ses brigades en charge d’œuvrer en faveur de la restauration de la bonne gouvernance attendue des gestionnaires des finances et biens publics. Le concours de recrutement de ces «forces spéciales» a eu lieu du 10 au 20 août 2020. Les dossiers attendus devraient comprendre, outre la lettre protocolaire de motivation et le curriculum vitae, un diplôme en photocopie, un relevé des notes obtenues à la dernière année de licence en Droit, Sciences économiques, commerciales, financières ou d’un diplôme équivalent répondant à la législation congolaise. Mais puisque le but ultime de Jules Alingete Key est de rajeunir le Service, de lui doter des nouvelles forces qui lui assurent un passage de flambeau, la condition pour que la candidature soit valable était l’âge du postulant au moment du dépôt de dossier, cet âge étant compris entre 25 et 35 sauf pour les fonctionnaires de l’État désireux de concourir, l’IGF tolérait l’âge de 40 ans maximum.

Si l’on rappelle que le tout dernier recrutement à l’IGF remonte à 1991, il y a trois décennies - soit six ans avant la chute de Mobutu - on comprend l’état d’abandon dans lequel l'IGF s’était depuis trouvée et l’extrême urgence de sa réhabilitation pour une gouvernance dont la vision, sous Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, est la montée en puissance des finances publiques par l’arrêt du coulage des recettes publiques si tant est que le redressement du pays est l’ultime objectif du mandat en cours.

Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance n°87-323 datée du 15 septembre 1987 signée par Mobutu, Président-Fondateur du MPR, parti-État, portant création de l’Inspection générale des Finances, seul texte en vigueur, jamais revu depuis, ce service de contrôle des Finances publiques qui «dispose d’une compétence générale en matière de contrôle des finances et des biens publics» a mission de «vérifier et contrôler toutes les opérations financières de l’État, des entités administratives décentralisées, des établissements publics et organismes para-étatiques ainsi que des organismes ou entreprises de toute nature bénéficiant du concours financier de l’État, des entités administratives décentralisées et des établissements publics ou organismes para-étatiques sous une forme de participation en capital, de subvention, de prêt, d’avance ou de garantie».

Il est un «service d’audit supérieur du Gouvernement» et, du coup, «peut procéder à toute mission de contre-vérification, au second degré, de toutes les situations douanières, fiscales ou parafiscales des contribuables ou redevables d’impôts, droits, taxes ou redevances, soit en cas de découverte d’une fraude lors de l’exécution normale d’une mission de contrôle ou de vérification, soit sur réquisition des autorités politiques et administratives, soit sur réquisition des autorités judiciaires, soit, enfin, sur dénonciation des tiers» (art. 2 bis).

Délaissé sinon méprisé hier, remis en selle et, en première ligne désormais par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo sous l’autorité duquel ce grand service de l’État est placé, on imagine la peur que les enquêtes des forces spéciales de l’IGF inspirent. Au total au nombre de six, ces brigades couvrent tous les secteurs des finances publiques, à l’échelle nationale et provinciale, du Gouvernement comme des entreprises et services de l’État. Outre la brigade qui, sous l’autorité de l’inspecteur général-chef de service et de son adjoint, assure les fonctions d’animation et d’encadrement des services de l’IGF, l’ordonnance n°87-323 datée du 15 septembre 1987 de Mobutu crée deux types de brigades : celles «mixtes et/ou ponctuelles chargées des missions particulières leur confiées» et celles permanentes.

Dans cette deuxième catégorie, on trouve une brigade des recettes douanières, fiscales et parafiscales qui «contrôle et vérifie, auprès des services générateurs des recettes, toutes les opérations de constatation, de taxation, de liquidation, d’ordonnancement et de recouvrement des recettes, l’apurement du contentieux et les documents comptables y afférents»; une brigade des dépenses publiques qui «contrôle et vérifie l’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement des dépenses publiques»; une brigade des établissements ou organismes publics, des entreprises publiques, des sociétés d’économie mixte ou subventionnées et des entités administratives décentralisées qui «contrôle et vérifie toutes les opérations financières de ces organismes, entreprises, sociétés et entités ainsi que celles de tout organisme bénéficiant du concours financier de l’État, des entités administratives décentralisées, des entreprises publiques, des établissements publics ou organismes para-étatiques sous une forme quelconque, notamment sous forme de participation en capital, de subvention, de prêt, d’avance ou de garantie» ; une brigade enfin de contre-vérification douanière, fiscale, parafiscale et comptable qui «vérifie, au second degré, toutes les situations douanières, fiscales, parafiscales et comptables soumises à la vérification des organes de contrôle interne des autres services publics de l’État, soit en cas de découverte d’une fraude lors de l’exécution normale d’une mission de contrôle ou de vérification, soit sur réquisition des autorités politiques et administratives, soit sur réquisition des autorités judiciaires, soit, enfin, sur dénonciation des tiers».

Une autre anecdote que nous raconte Alingete : elle évoque curieusement le sort tragique des enfants d’un certain… Tshilombo... Tiens ! Cette histoire est racontée au cours de sa formation à l’IGF par l’un de ses enseignants et qui fonde sa vision des contrôles des Finances publiques. Kasaïen, Tshilombo fut un Congolais fortuné promoteur d’une entreprise familiale dont il attend des dividendes. Il nomme à la tête de son entreprise un directeur général et un directeur financier.

Mais voilà que l’exercice financier écoulé, l’homme qui n’en a perçu aucun bénéfice alors qu’avec sa famille, il meure de faim, fait venir les deux dirigeants et leur demande des comptes. Ce qu’il entend des deux hommes le déroute.

PATTES D’ÉPAULE, BOUTONS DORÉS.
Malgré la grande production réalisée pendant l’année, l’entreprise n’aurait fait aucun bénéfice et, du coup, Tshilombo n’avait droit à aucun dividende. Furieux, le propriétaire presse de questions son Directeur Général. Combien par mois s’est-il octroyé comme salaire? Réponse : 15.000 $US. Ce salaire est-il continuellement payé? Réponse : oui.

Le Directeur a-t-il à son service un domestique? Réponse: oui. Ce travailleur de maison est-il régulièrement payé par l’entreprise, propriété de Tshilombo? Réponse : oui. Le Directeur Général a-t-il des chiens pour surveiller son domicile ? Réponse : oui. Ces chiens sont-ils régulièrement nourris, bien nourris? Réponse : oui. Ils ne meurent pas de faim? Réponse : non. Tshilombo se lève, renverse la table face à lui, casse chaises et bahuts en pensant à ses enfants qui n’ont pas mangé ce jour quand les chiens du Directeur général de son entreprise mangent et mangent bien...

Tshilombo ordonne à ses enfants d’aller plonger dans le contrôle des comptes de l’entreprise, de «fouiner» dans la gestion de ce Directeur général et du Directeur financier et de lui faire rapport... Alingete et ses cinq brigades veulent se comporter comme les enfants de Tshilombo. Remonté face aux hommes qui ont pillé entreprises et services de l’État en s’enrichissant aux dépends de la Nation, le chef de l’IGF veut afficher sa colère, exprimer son côté impitoyable, enfile une tenue d’uniforme de tissu de fond de nuance bleu nuit avec pattes d’épaule, galons et boutons dorés.

«Quand on m’invite dans ces réunions où il y a suspicion de détournement, j’enfile ma tenue. Je veux que nul n’en ignore rien », nous explique Jules Alingete Key pour qui si l’habit ne fait pas le moine, on reconnaît le moine par son vêtement. «Cet habit c’est tolérance zéro», déclare-t-il au Soft International, et si cet homme qui est sorti major de sa promotion en 1988 en Sciences Eco, dont l’un des condisciples à l’Université de Kinshasa est le Premier ministre honoraire Augustin Matata Ponyo Mapon, observe une minute de silence avant de donner le nom de son modèle, il affirme avec force que l’homme qui est sa référence, n’est autre que ce Léon Kazumba-Luaula des années Mobutu pour lequel le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo alors jeune, nourrissait un fantasme.

Quand on demande les dossiers sur lesquels ses brigades travaillent, il n’hésite pas par contre. D’abord, le ministère de la Santé. Dossier des fonds octroyés à la lutte contre la pandémie de Covid-19. Sur 6 millions de $US mobilisés par le Gouvernement, 2 millions de $US « restent injustifiés ». «En trois mois, ce sont au moins 2 millions de $US ont pris une destination inconnue. C’est 30% du financement total. Sur un an, combien aurait disparu?», s’interroge, visage ferme, le Gendarme de Fatshi dans sa tenue de chef de police. Puis de donner des détails : «Le rapport sur la mégestion des fonds de Covid-19 a été transmis à la Justice.

Nous n’en dirons pas plus présentement. Il ne faut pas entraver l’action de la Justice. Pour lui, il n’existe aucun doute : les fonds Covid ont été mal gérés; d’importantes sommes ont été détournées. Plus grave : des autorités gouvernementales qui acceptent de payer une facture à l’hôpital du Cinquantenaire à raison de 12 $US par malade soigné atteint de Covid. C’est du jamais vu ! Ni le ministère de la Santé, ni quiconque n’accepte de porter la responsabilité de ce détournement avéré. Néanmoins, le ministère de la Santé a bel et bien réceptionné la facture sans l’honorer.

Le ministère des Finances a mis les fonds à la disposition du ministère de la Santé... Et 2 millions de $US restent injustifiés...». Deuxième dossier: le ministère des Finances. Il s’agit du dossier des exonérations et des compensations. Si le dossier des exonérations est encore sous examen et doit «prochainement» livrer tous ses secrets, cela n’empêche pas Jules Alingeti Key de faire les premiers commentaires.

En observant le comportement de nos finances publiques, ce dossier a été identifié comme l’un des points importants de fraude au Congo qu’il faut combattre comme première priorité. «C’est un mode savamment conçu de détournement des dépenses publiques», mis en place par les autorités gouvernementales. «Si le régime des exonérations est organisé par nos lois, les autorités d’exécution les octroient en s’appuyant certes sur ces lois mais sans opportunité ni fondement économique avéré». Au total, plus de 1.500 cas d’exonérations ont été identifiés par l’IGF avec un manque à gagner de 2 milliards de $US. «Notre combat, explique Jules Alingete Key, consiste à réduire ce niveau des exonérations au moins à un niveau qui nous permettrait de récupérer au moins 500 millions de $US/an pour le Trésor».

Troisième dossier: les compensations des recettes publiques via « des créances farfelues ». Il s’agit ici « des cas des autorisations accordées à des opérateurs économiques à ne pas payer des impôts et taxes sous prétexte qu’ils détiendraient des créances sur l’État. C’est le cas des crédits remboursables aux sociétés minières dont la hauteur est extrêmement surévaluée, de la dette intérieure dont le contenu pose problème et parfois, des condamnations judiciaires de la République. Les compensations faussent la comptabilité publique en recettes comme en dépenses. Elles font du ministre des Finances l’unique autorité qui à la fois engage, liquide, ordonnance et paie une dépense.

Or, les compensations sont interdites par nos lois des Finances», dénonce Jules Alingete Key faisant état d’un coulage de plusieurs centaines de millions voire de milliards de $US. Pourtant, au bout du compte, l’Inspecteur général des Finances se dit satisfait. «Les compensations sont désormais interdites. Plus personne ne pourra plus y recourir désormais... Et c’est le résultat du travail de l’IGF…». Quid des suites judiciaires?

«Ce qui a été fait a été fait. Il faut maintenant regarder l’avenir...», répond Jules Alingete Key pour qui les rapports de l’IGF sont publics mais préfère miser sur des «sanctions sociales au cas où il y aurait défaillance des sanctions judiciaires». «Les sanctions sociales sont plus importantes pour l’Histoire qui doit retenir ce que tel a été et a fait...» bien que «le travail de l’IGF soit aussi un travail de pédagogie... ». «Il nous faut, plus que jamais et, petit à petit, commencer à réaliser les rêves des Pères fondateurs de ce grand service de l’État en le réhabilitant.

L’IGF ne sera plus jamais un simple spectateur dans un environnement d’inversion des valeurs... Nous sommes des auxiliaires de justice. Nous faisons notre part. Nous établissons les responsabilités dans la mégestion, le détournement, etc., et mettons la justice devant ses responsabilités».
T. MATOTU.
Le Soft International, n°1497|lundi 31 août 2020.


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