Ce fut une guerre rwandaise de trop
  • jeu, 20/03/2025 - 12:34

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1632|JEUDI 20 MARS 2025.

Si Paul Kagame a placé le président angolais João Lourenço comme la ligne rouge qu'il ne voulait pas franchir quand son homologue congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo se rendait à Luanda, à la rencontre du médiateur angolais désigné par l’Union africaine, UA, autant de fois qu'il était possible, l'entrée en scène du Qatar avec son Émir Tamim Ben Hamad Al Thani qui a organisé une rencontre, mardi 18 mars à Doha, dans le plus grand secret, entre les présidents congolais et rwandais change la donne.

Les deux Chefs d’État congolais et rwandais, les yeux dans les yeux, « ont réaffirmé l’engagement de toutes les parties en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel », selon un communiqué du ministère des affaires étrangères qatari.

COUP DE THÉÂTRE.
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et Paul Kagame se sont rencontrés à Doha, au Qatar, devant l'Émir Tamim Ben Hamad Al Thani et ont discuté d’un possible cessez-le-feu pour tenter de mettre fin au conflit dans les Kivu. La rencontre a commencé à 16 heures à Doha (13h TU).

Selon des sources, elle a duré environ 45 minutes, dans un climat jugé «cordial», en grande partie grâce à l'implication de l'Émir qui avait déjà essayé, en janvier 2023, d’organiser une rencontre - annulée au dernier moment - entre les deux présidents. Cette rencontre reste cependant surprise qui a eu lieu alors que des pourparlers entre Kinshasa et les rebelles du M23 soutenus par l'armée rwandaise RDF, Rwanda Defence Force, qui devaient se tenir le même jour en Angola, n’ont pas eu lieu.

Médiateur de l’Union Africaine dans cette crise, le président angolais Joao Lourenço avait invité le Gouvernement congolais et le M23 à « entamer des négociations directes de paix » mard 18 mars à Luanda.
Ces pourparlers devaient être les premiers entre Kinshasa et le M23 depuis la résurgence du groupe armé, à la fin de 2021. Mais dans la soirée, le ministère des Affaires étrangères angolais a déclaré dans un communiqué que les négociations prévues n’avaient finalement pas eu lieu « en raison d’événements de force majeure ».

Peu après, le ministère des Affaires étrangères qatari annonçait qu’une rencontre entre les chefs d’État congolais et rwandais s’était tenue dans la journée à Doha, sous la médiation de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani.

« Les chefs d’État ont réaffirmé l’engagement de toutes les parties en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel », a déclaré le ministère qatari dans un communiqué qui ne fait nulle mention du M23. Les chefs d’État ont également « convenu de la nécessité de poursuivre les discussions entamées à Doha afin d’établir des bases solides pour une paix durable ».

Le ministère qatari des Affaires étrangères a publié une photo sur le réseau social X (ex-Twitter) montrant les présidents congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et rwandais Paul Kagame assis dans des fauteuils placés face à face, le regard tourné vers l’émir affichant un large sourire.

Selon une source proche de la présidence congolaise, cette rencontre a été tenue « secrète » jusqu’à la montée du président congolais dans un avion de retour pour Kinshasa.

« Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel vient d’être décidé entre la RDC et le Rwanda », a annoncé sur X, mardi tard dans la soirée, Tina Salama, la porte-parole du président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. « Les modalités de l’exécution de ce qui a été convenu seront précisées dans les jours qui viennent », a nuancé la cellule de communication de la présidence dans un communiqué.

Dans la nuit, la présidence rwandaise a affirmé que les deux dirigeants avaient discuté « du besoin urgent d’un dialogue politique direct » pour répondre aux «causes profondes du conflit». « Le président Kagame a fait part de sa conviction que si toutes les parties travaillent ensemble, les choses peuvent avancer plus vite», a ajouté la présidence rwandaise sur le réseau X.

RÔLE-CLÉ DE KARIM WADE.
L’annonce de cette rencontre entre deux présidents qui nourrissent ouvertement une animosité réciproque est vécue dans le monde comme un coup de théâtre, alors que les regards étaient tournés vers les tentatives, toutefois compromises, de Luanda pour résoudre la crise.

Le Congo, qui a jusqu’ici rejeté toute discussion avec le M23, considéré par les autorités congolaises comme un « groupe terroriste », ne s’était pas engagé à mener des négociations directes avec le groupe armé M23.
Jusqu’ici toutes les tentatives diplomatiques pour mettre fin au conflit au Congo ont échoué. À la mi-décembre, les présidents Tshisekedi et Kagame devaient se rencontrer à Luanda en vue d’un accord. Mais les deux parties n’ont jamais réussi à s’accorder sur les termes, aboutissant à l’annulation du sommet à la dernière minute.

Selon des médias sénégalais, c'est Karim Meïssa Wade, fils de l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, qui fut nommé en 2009 ministre d'État, de la Coopération et des Transports, actuellement conseiller spécial et envoyé de l'Émir du Qatar, qui a joué un «rôle clé» dans l'organisation de cette rencontre historique entre Tshisekedi et Kagame.

«Dans un contexte marqué par des tensions persistantes entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, une lueur d’espoir s’est dessinée grâce à une médiation discrète mais stratégique. Karim Wade, conseiller spécial et envoyé de l’Émir du Qatar, s’est révélé être un acteur clé dans l’organisation d’une rencontre historique entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame.

Ce mardi, sous l’égide du Qatar, les deux chefs d’État se sont retrouvés pour discuter des solutions durables à la crise sécuritaire qui ravage l’Est de la RDC, une région minée par des conflits armés et des tensions transfrontalières. Selon des sources diplomatiques relayées par Reuters, Karim Wade a joué un rôle central dans la facilitation de cette réunion, illustrant une fois de plus son influence dans la diplomatie régionale», écrit notamment Assirou.net, un site sénégalais d’informations générales créé le 20 fevrier 2008.

«Depuis plusieurs années, les relations entre Kinshasa et Kigali sont marquées par des accusations mutuelles et des différends géopolitiques profonds, notamment autour du soutien présumé du Rwanda aux groupes armés opérant à l’est de la RDC. Face à cette escalade, l’intervention de médiateurs neutres s’est imposée comme une nécessité.

Grâce à son réseau diplomatique et à la confiance dont il bénéficie au sein des sphères de pouvoir, Karim Wade a su convaincre les deux parties de se retrouver autour d’une même table. Son approche, mêlant discrétion et efficacité, a permis de créer un climat propice au dialogue, poursuit le site sénégalais.

« Il fallait un facilitateur qui comprenne les enjeux régionaux et qui bénéficie d’une neutralité reconnue par les deux pays. Karim Wade a su jouer ce rôle avec brio », confie une source diplomatique proche du dossier cité par Assirou.net.

RWANDA, COUP DUR.
«L’implication du Qatar dans cette médiation n’est pas un hasard. Depuis plusieurs années, Doha s’affirme comme un acteur incontournable dans la résolution des conflits internationaux. En confiant cette mission délicate à Karim Wade, l’Émir du Qatar a renforcé son rôle de médiateur de confiance sur la scène africaine.

Cette rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame ne garantit pas encore une paix définitive, mais elle marque une avancée significative vers un dialogue plus constructif. Les discussions se poursuivront dans les semaines à venir, avec de nouveaux rounds de négociations envisagés. Si Karim Wade était jusqu’ici perçu principalement à travers son parcours politique au Sénégal, son influence dépasse désormais largement les frontières de son pays.

Ce nouveau succès diplomatique confirme son ascension en tant qu’acteur clé des négociations de paix en Afrique. Alors que la communauté internationale suit de près l’évolution de la situation entre la RDC et le Rwanda, une chose est certaine : la médiation de Karim Wade a marqué un tournant décisif dans les efforts de rapprochement entre ces deux nations longtemps opposées», conclut Assirou.net.

Cela dit, la rencontre de Doha n’a rien d’un hasard. Elle n’a pas été décidée en urgence ces derniers jours. Doha avait déjà amorcé des contacts de part et d’autre depuis plusieurs mois. Les discussions ont été maintenues, aussi bien avec Kigali qu’avec Kinshasa. En janvier dernier, l’émir du Qatar avait évoqué l’idée directement avec Félix Tshisekedi. Un mois plus tard, il en discutait également avec Paul Kagame en tête-à-tête, selon une source diplomatique.

C'est une première depuis le sommet de l'Union Africaine, en février 2024. Mais l'ambiance lors de cet entretien qui s'est déroulé à Doha semble avoir été assez différente, selon le communiqué. On se souvient en effet que le climat de leur précédente rencontre avait été particulièrement glaciale. « C'était une véritable confrontation caractérisée par des échanges houleux », rappelle de son côté un diplomate présent ce jour-là à Addis Abeba.

Il faut rappeler que le Qatar est un pays qui entretient de bonnes relations avec Kinshasa et Kigali. Avec Kigali, elles sont notoirement excellentes, comme en a encore témoigné le silence de l'Émirat après les critiques de Kinshasa contre le partanariat entre le Paris-Saint-Germain, propriété du Qatar, et Visit Rwanda.

Kigali et Doha ont depuis plusieurs années tissé des liens économiques qui doivent par exemple aboutir à la prise de participation par Qatar Airways de 60% du futur aéroport de Bugesera, toujours attendu en 2028, et qui deviendrait son véritable hub passager et frêt en Afrique Orientale, et de 49% de la compagnie nationale Rwandair.

Fin janvier, Paul Kagame évoquait «de très bons progrès» sur le sujet et une «conclusion prochaine» de négociations entamées fin 2019. Dans le même temps, alors que depuis plusieurs mois Kigali est sous pression internationale en raison de son soutien au M23, le Qatar a apporté en février 5 millions de $US à la lutte contre la pauvreté dans le pays. Il faut souligner que le Qatar avait joué un rôle de facilitateur dans la grâce et la libération de l'opposant Paul Rusesabagina, qui avait pu quitter les geôles rwandaises pour retrouver sa famille aux États-Unis via Doha.

Le Qatar entretient également de bonnes relations avec Kinshasa. Le président congolais s'est rendu à plusieurs reprises au Qater, la dernière fois, début janvier. Kinshasa a même établi une ambassade à Doha. Les deux pays ont signé un accord de coopération en 2021 prévoyant le développement ou la modernisation de plusieurs ports et aéroports congolais, des projets dont la concrétisation est toujours en cours.

La rencontre inattendue entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi a suscité des réactions positives au sein de la communauté internationale, qui surveille de près l’évolution de la situation au Congo. Plusieurs acteurs, y compris des organisations non gouvernementales et des pays voisins, ont salué cette initiative comme un pas vers la réconciliation et la stabilité.

Elle est un succès diplomatique pour le Président congolais Tshisekedi qui avait toujours réclamé une rencontre directe entre Kinshasa et Kigali, le président congolais qualifiant sans cesse le M23 de « pantin » au service du Rwanda. L'accord sur « un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel » conclu à Doha confirme l'acteur principal de cette guerre, le Rwanda. « Le président a été fidèle à sa position, confie une source à la présidence congolaise, à savoir, négocier directement avec celui qu'il considère comme le vrai chef du M23, Paul Kagame. Finalement, ce qui arrive est conforme à ce qu'il a toujours dit ».

Avant la rencontre de Doha qui montre que les sanctions et les pressions de l'Occident commencent à peser sur Paul Kagame alors que les pressions du Rwanda sur le Congo ont fini par conduire Kinshasa à envisager l'idée de négocier avec les RDF/M23/AFC qu'il rejetait jusqu'ici, le M23, qui déclare défendre les intérêts dans les Kivu des populations tutsies d'origine rwandaise, avait déclaré qu’une délégation serait présente à Luanda pour « prendre part au dialogue direct à la demande des autorités angolaises».

Mais lundi soir 17 mars, le mouvement a fait volte-face en annonçant qu’il ne participerait pas, estimant que « les sanctions successives imposées à (ses) membres, y compris celles adoptées à la veille des discussions de Luanda, compromettent gravement le dialogue direct ».

L’Union Européenne, UE, a pris lundi 17 mars une nouvelle série de sanctions contre les acteurs du conflit, visant plusieurs dirigeants du M23, dont son chef politique, Bertrand Bisimwa, déjà sous sanctions des Nations Unies mais aussi Jean Bahati Musanga, gouverneur du Nord-Kivu nommé par les rebelles du M23, Désiré Rukomera, responsable du recrutement et de la propagande du M23 et Jean-Bosco Nzabonimpa, chef adjoint des finances du groupe.

Les sanctions de l'Union Européenne visent aussi des officiers de haut rang de l'armée rwandaise dont Ruki Karusisi, commandant des forces spéciales rwandaises déployées au Congo, Eugène Nkubito et Pascal Muhizi. Elles ciblent également Francis Kamanzi, Directeur Général de la RMB, l'Office Rwandais des Mines, du Pétrole et du Gaz, pour son rôle dans le trafic illicite de minerais congolais. En outre, la Gasabo Gold Refinery, une entreprise spécialisée dans le raffinage de d’or est sanctionnée, soupçonnée de raffiner et d’exporter de l’or extrait des zones du Nord-Kivu contrôlées par les rebelles du M23.

Ces mesures imposent une interdiction de voyage dans l’Union Européenne ainsi qu’un gel des avoirs de ces personnalités et entités dans l’espace Schengen.Avant l'annonce de ces sanctions, l'Union Européenne avait déjà suspendu ses consultations en matière de défense avec le Rwanda.

Le soutien incontestable désormais du Rwanda au M23 a conduit à une série de sanctions internationales, notamment des États-unis qui ont frappé le ministre d’État chargé de la Coopération régionale James Kabarebe, un officier militaire à la retraite, d'Allemagne, du Royaume-Uni, du Canada, de la Belgique.

Les sanctions européennes qui pourraient faire perdre 817 millions $US au Rwanda, selon le Député national congolais Godé Mpoyi, professeur d’Économie, ancien président de l'Assemblée provinciale de Kinshasa sur un budget 2025 chiffré à 4 milliards $US en raison de 2,4 milliards (environ 60%) à titre de recettes intérieures.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté le 21 février dernier, une résolution condamnant directement le Rwanda pour son appui militaire au M23. Cette résolution demande le retrait immédiat des troupes rwandaises du Congo et exige que le M23 abandonne les territoires conquis, notamment les villes de Goma et de Bukavu.

L'Est du Congo, région riche en ressources et frontalière du Rwanda, est ravagé depuis trente ans par des violences impliquant une myriade de groupes armés ainsi que certains pays voisins défendant leurs propres intérêts, notamment économiques. Les dernières violences ont fait plusieurs milliers de morts et forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, selon l’ONU et le gouvernement congolais.

Le Rwanda a annoncé lundi 17 mars la rupture de ses relations diplomatiques avec la Belgique, accusant l’ex-puissance coloniale d’avoir «pris parti» pour Kinshasa «bien avant et pendant le conflit en cours en République Démocratique du Congo». «Le gouvernement du Rwanda a notifié aujourd’hui le gouvernement de Belgique de sa décision de rompre les relations diplomatiques, avec effet immédiat», a déclaré le ministère des Affaires étrangères rwandais dans un communiqué. Une décision liée selon Kigali aux «tentatives pitoyables» de Bruxelles de «maintenir ses illusions néocoloniales».

La Belgique a regretté de son côté une décision «disproportionnée», qui selon son chef de la diplomatie Maxime Prévot, «illustre que lorsque nous sommes en désaccord avec le Rwanda, il préfère ne pas dialoguer».
La Belgique, ancienne puissance coloniale à la fois de l'ex-Zaïre et du Rwanda, a été l’un des pays les plus critiques de Kigali depuis que la rébellion du M23, soutenue par Kigali, a lancé en décembre une offensive dans les Kivus.

Bruxelles avait notamment demandé fin janvier à l’Union Européenne d’envisager des sanctions contre le Rwanda, accusé de violer la souveraineté du Congo, ce qui s'est produit lundi 17 mars. Avant cela, la Belgique n’avait pas soutenu la nouvelle aide de 20 millions d’euros octroyée en novembre. Elle s’était abstenue lors d’un vote au Conseil de l’UE.

Le Rwanda avait annoncé en février la suspension des programmes d’aide au développement belges dans le pays. «Aujourd’hui, la Belgique a clairement pris parti dans un conflit régional et continue à se mobiliser systématiquement contre le Rwanda dans différents forums, utilisant mensonges et manipulations pour créer une opinion hostile injustifiée à l’égard du Rwanda, dans le but de déstabiliser le pays et la région», a accusé Kigali.

«La décision d’aujourd’hui reflète l’engagement du Rwanda à protéger ses intérêts nationaux et la dignité des Rwandais, ainsi qu’à défendre les principes de souveraineté, de paix et de respect mutuel», ajoute le communiqué. Tous les diplomates belges présents au Rwanda sont tenus de quitter le pays dans un délai de 48 heures, a indiqué Kigali.

La Belgique a riposté en fermant l'ambassade de Kigali donnant ordre à ses diplomates de quitter le territoire belge. Nul doute ce fut une guerre de trop.
avec AGENCES.


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