Joseph Olenghankoy mobilise pour une prise de conscience nationale
  • ven, 30/12/2022 - 11:11

Inquiétudes après le lancement de l’opération identification et enrôlement des électeurs. Une semaine plus tard, rien n’est rentré dans l’ordre !
PARIS, BRUXELLES, KINSHASA.
Le Soft International n°1571 |JEUDI 29 DÉCEMBRE 2022.

Le président de la CÉNI, la Commission Électorale Nationale Indépendante, Denis Kadima Kazadi brandit des chiffres. « Nous avons fait un test grandeur nature, déclare-t-il sur la radio Top Congo. Nous avons une idée sur le nombre de personnes qui doivent être enregistrées par jour pour atteindre le chiffre idéal de 50 millions d'électeurs. Si nous avons 65 personnes par machine en un jour, nous allons tout finir en 30 jours».
Erreur : ce chiffre n'est partagé dans aucun centre d'identification et d'enrôlement des électeurs interrogé par Le Soft International.
L'un des responsables de ces centres, interrogé a, en effet, un autre chiffre. «Chaque machine a une capacité d'enregistrement journalière de 45 électeurs», confie-t-il.
Samedi 24 décembre 2022, jour de lancement de cette opération, dans l'unique centre ouvert sur les 231 prévus dans la circonscription de Masimanimba, province du Kwilu, Grand Bandundu, des opérateurs tentent de faire fonctionner trois machines alors qu'une foule mobilisée déborde dans l'enclos d'une école secondaire, à un jet de pierre de la rivière Lukula, où s'est installé ce centre.
À plusieurs reprises, deux personnes - certainement des formateurs - essaient de reprendre la main sans y parvenir.
«Ces machines sont plus compliquées que les précédentes» - celles de 2018 -, lâche l'un des moniteurs.
Par miracle, l'une de ces opérations prises en charge par des machines importées de la Corée du Sud vient enfin de prendre fin. Elle a nécessité 29 minutes chrono. Pourtant, le chef du centre a misé sur 7 minutes par opération...
Le centre s'est ouvert aux requérants à 13:00'. Pourquoi si tard ? «D'énormes problèmes de logistique... Même la paie n'est arrivée que la veille. Il nous fallait six heures au total pour un aller-retour sur Kikwit à la Sofibank alors que localement une banque, la Rawbank, existe !»

NI LE TEMPS, NI L'ARGENT.
Faisons alors les calculs. Combien d'électeurs ont pu être identifiés et enrôlés ce samedi 24 décembre, dans cette circonscription électorale ? Aucun agent de la CÉNI ne donne une réponse, expliquant qu'ils ne sont pas autorisés de faire des déclarations.
On peut supposer cependant que dans la meilleure des hypothèses, soixante électeurs ont, ce samedi 24 décembre, reçu une carte d'électeur. Quant aux 230 autres centres d'enrôlement, si la CÉNI a annoncé leur ouverture pour mardi 27 décembre, il n'en a rien été pour le plus grand nombre de centres hormis ceux situés le long de la nationale n°1.
À quel résultat cette circonscription devrait, en fin de compte, s'attendre ?
Denis Kadima Kazadi trouve une réponse dans le système de conduite automobile : «Un véhicule ne démarre pas directement à la quatrième vitesse. Il commence par la première, puis, va à la deuxième. Et c'est plus tard qu'il atteint la vitesse de croisière...».
Plus sérieusement, le président de la Commission Électorale Nationale Indépendante veut calmer les inquiétudes qui se font jour : «Mais si 30 jours s'avèrent insuffisants pour enrôler le maximum de Congolais, nous n'empêcherons pas ceux qui ne se seraient peut-être pas encore enrôlés de le faire. Nous ferons tout pour que tout le monde puisse s'enrôler. Les 30 jours ce n'est pas une date religieuse ; ça peut bouger », poursuit-il.
Alors, la question : la durée d'inscription de 30 jours annoncée le 26 novembre par la Commission Électorale Nationale Indépendante était-elle sérieuse ? Alors que le précédent cycle électoral sous Corneille Nangaa Yobeluo avait nécessité 90 jours en enrôlant 30 à 35 millions de Congolais, comment et pourquoi a-t-on cette fois réduit le délai ? Plus précisément, si l'opération d'identification et d'enrôlement de 30 à 35 millions d'électeurs a nécessité 90 jours dans le précédent cycle électoral, comment va-t-on faire que 50 millions se ruent en 30 jours vers les centres de la CÉNI quand le même nombre de bureaux d'enregistrement a été retenu dans la plupart de circonscriptions ? Des questions qui, à ce jour, restent sans réponse mais qui trouveront peut-être une réponse dans les tout prochains jours.
Sauf que peu à peu, Denis Kadima Kazadi commence à en dire un peu plus.
En clair, c'est contraint et forcé que ce court délai a été validé. La centrale électorale congolaise ne dispose ni du temps, ni d'argent «suffisamment disponible», déclare le président de la centrale électorale. S'agissant d'argent, la guerre en Ukraine a conduit la CÉNI à affréter des avions vers Kinshasa pour le transport des kits électoraux qui étaient prévus au départ pour être acheminés par la voie maritime.
Et Denis Kadima Kazadi passe aux aveux: «Nous avons prévu une certaine flexibilité(...) pour réussir à rattraper les éventuels retards».
Sauf que ce glissement qui est « de deux à trois jours », est trop juste.
Un peu énervé face aux journalistes qui le pressent de questions, le président de la centrale électorale lâche : «Laissez à la CÉNI tout ce qui concerne ce délai de 30 jours». À la CÉNI seule ? À entendre le président de la CÉNI, elle seule - la CÉNI - doit décider, sans prendre en compte l'avis des parties prenantes au processus. Sauf que lorsqu'il parle de la CÉNI, il fait certainement allusion à lui seul dès lors qu'un courrier officiel du secrétaire rapporteur de la centrale électorale adressé à son président, avec copies aux autorités du pays, fuité sur les réseaux sociaux, lançait un cri d'alarme sur ce délai intenable de 30 jours, outre le fait que cette opération se déroule pendant la saison des pluies. Question : par quel miracle Denis Kadima Kazadi espère-t-il, en trente jours - ou en trente-deux jours, si on tient compte de sa « flexibilité » - réaliser le record de 50 millions d'enrôlés ? Autant de problèmes qui risquent de grandement nuire à la réputation déjà contestée de l'actuelle direction de la CÉNI.
Pour rappel, c'est le 26 novembre que la centrale électorale congolaise a publié son calendrier électoral qui s'étend de 2022 à 2024. Les grandes opérations sont entre autres, la constitution du fichier électoral, l’opération de réception et de traitement des candidatures aux scrutins directs, l’organisation des scrutins directs et indirects - la présidentielle et les législatives - et l’élection des gouverneurs ainsi que celui des sénateurs. Ce calendrier prévoit l’identification et l’enrôlement des électeurs allant du 24 décembre 2022 au 17 mars 2023. Une opération qui se fera progressivement dans les différentes provinces et aires opérationnelles du pays et à l’étranger. Interviendra ensuite, le 21 mai 2023, la publication des statistiques des électeurs par circonscription électorale.
La promulgation de la loi sur la répartition des sièges est annoncée pour le 1er juin. Elle ira jusqu'au 15 juin 2023. L’opération de réception et de traitement des candidatures aux scrutins directs comprend plusieurs étapes. D’abord, la convocation de l’électorat pour la députation nationale prévue le 25 juin 2023. Du 26 juin 2023 au 15 juillet 2023, se fera l’ouverture des Bureaux de réception et de traitement des candidatures, BRTC en sigle, à la députation nationale. Ensuite, la convocation de l'électorat pour les députés provinciaux et des conseillers communaux le 2 août 2023. La convocation de l’électorat pour la présidentielle est annoncée pour le 1er septembre 2023.
La campagne électorale pour les candidats Président de la République, députés nationaux, députés provinciaux se déroulera du 19 novembre au 18 décembre 2023. Deux jours après, interviendra l’organisation des scrutins directs du Président de la République, des députés nationaux, des députés provinciaux et des conseillers communaux.
Le 20 janvier 2024, est la date annoncée pour la prestation du serment du Président élu. Un calendrier critiqué par l'opposition. L'ex-parti présidentiel (Kabila), PPRD, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie dit ne pas croire à l’organisation des élections dans le délai constitutionnelle. Selon Ferdinand Kambere, secrétaire permanent adjoint de l'ex-parti dominant pro-Kabila, ce calendrier est «utopique». Kambere parle du temps record prévu pour l’enrôlement ainsi que de la situation sécuritaire actuelle dans l’Est du pays.
« Lorsqu’ils veulent tromper les gens qu’ils vont arriver à enrôler 30 millions ou 50 millions d'électeurs, mais par quel moyen ils vont le faire ? Pendant un mois, ils vous disent qu’ils vont enrôler par aire géographique et il y a trois aires comme ça. Est-ce que nous aurons encore dans ces provinces-là, le nombre d’électeurs qu’il y avait ? Et comment, on va les avoir parce que cette coïncidence aussi en même temps où nous voyons le gouvernement négocier un cessez-le-feu contre toute attente, il demande un déploiement des armées étrangères à l’Est de notre pays, est ce que c’est comme ça qu’on va réellement organiser les élections ?».
« Le calendrier électoral publié le week-end par la CÉNI est irréaliste et n’inspire pas confiance », a déclaré dimanche 27 novembre, le parti politique de l'opposition, Nouvel Élan, de l’ancien premier ministre Adolphe Muzito. « Notre organisation politique informe l’opinion publique, qu’en ce moment où l’opinion publique se mobilise pour combattre les occupants rwandais et ougandais qui se cachent derrière le M23, le calendrier électoral publié par M. Kadima et son équipe, paraît irréalisable et ne nous inspire pas confiance», a indiqué le porte-parole de Nouvel Elan, Albert Mukulubundu.
« Le bureau de la CENI, composé des délégués de l’Union sacrée et du FCC est en train de préparer une vaste tricherie en se répartissant des délégués dans les circonscriptions électorales de tout le Congo. Celui-ci s’emploie à organiser des tests de recrutement pour dissimuler ce mauvais dessein de tricherie avec la complicité du gouvernement central en vue d’organiser les opérations d’enrôlement », a poursuivi le porte-parole.
Mais le parti présidentiel UDPS, Union pour la démocratie et le progrès social trouve ce calendrier «réaliste et réalisable. Il témoigne de la volonté du Président de la République et du gouvernement d’organiser les élections dans le délai constitutionnel», déclare le député UDPS Bintu Ntumba Tshabola, élu de Katanda, Kasaï-Oriental.

ALUNGA MBUWA.


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