- mar, 04/07/2017 - 07:05
A la CENI, on se dit ulcéré que le Chef de la MONUSCO ait cru devoir s’arroger un mandat pour réclamer la publication «sans délai» d’un calendrier électoral.
Sur le front de l’enrôlement, il y a du résultat. La Commission Electorale Nationale Indépendante est en passe de réaliser 32 millions d’inscrits.
Lundi 3 juillet au matin, le chiffre officiel communiqué par le président Corneille Nangaa Yobeluo aux rédactions du Soft International était de 31.187.000 Congolais inscrits sur les listes électorales.
Elle peut se frotter les mains...
NE PAS EN LAISSER UN SUR LE PAVE.
En partant du fait qu’elle attend encore entre 10 et 12 millions de Congolais dans ses sites d’inscription, la CENI est en voie de réaliser ses 45 millions d’électeurs. Soit, plus de 60% de la population du pays estimée à 70 millions. Aux derniers scrutins de 2011, 25 millions avaient été enrôlés…
Il l’avait promis: Nangaa veut organiser les meilleures élections qui n’aient jamais eu lieu dans ce pays…
Cela devrait déjà être le cas avec la mobilisation de Congolais sur les sites d’enrôlement. «Il n’est pas question de laisser un électeur potentiel sur le pavé», nous jure-t-il.
Il faudra encore attendre de voir ceux qui se déplaceront effectivement le jour du scrutin. La multiplication et le rapprochement des sites de vote permettent de croiser les bras…
Un autre aspect positif à noter: les incommensurables défis. Ils sont pourtant identifiés d’ores ou en voie de l’être.
Dans l’ex-Bandundu par exemple d’où revient le Vice-président de la CENI Norbert Basengezi Kantintima en mission d’inspection avec cap mis sur les circonscriptions de Gungu et d’Idiofa, la quasi totalité de circonscriptions pourrait s’attendre à des renvois du personnel de la CENI. Nombre de responsables auraient bien été en possession de moyens financiers mais n’auraient pas lancé les opérations sous divers prétextes. Des suspicions de détournement de fonds pèsent sur certains d’entre eux.
Des semaines entières sont passées sans que les centres ne fonctionnent. D’autres centres ouverts ont eu des ruptures des stocks (carburant ou diverses autres fournitures). D’autres attendaient encore, plus d’un mois après le lancement de l’opération le 28 mai dernier, à ouvrir après que des chefs d’antenne eurent pris en location des épaves qui avaient de la peine à démarrer ou traînaient des jours entiers avec personnel OPS et matériel sur des routes impraticables… La Commission Electorale Nationale Indépendante est à la tâche.
«Il ne s’agit aucunement de priver un centre de ses 90 jours», explique un responsable.
«S’il y a eu des jours où des centres n’ont pas ouvert, ces jours devront être comptabilisés et récupérés par les centres concernés», ajoute-t-on. «Ce sont des cas de force majeure et ce n’est pas à la population d’en payer le prix», argumente-t-on.
LES GAFFES DE MAMA SAMBO SIDIKOU.
Ainsi, en est-il des provinces du Kasaï où sévit la milice Kamwena Nsapu et où des agents de la Commission Electorale Nationale Indépendante ont trouvé la mort, sauvagement décapités. Résultat: la CENI a arrêté les opérations en attendant le retour de la paix dans ces contrées. Faudra-t-il ignorer ces provinces et poursuivre le processus en convoquant les élections? Quel Congolais pourrait en prendre le risque?
D’où l’exaspération sinon la colère qui monte au siège de la Commission Electorale Nationale Indépendante, boulevard du 30 juin, après «l’ultimatum» lancé par le représentant du Secrétaire général des Nations Unies et chef de la MONUSCO, Mama Sambo Sidikou invitant la CENI «à publier sans plus tarder un calendrier officiel et consensuel».
Dans un communiqué daté du 1er juillet, Sidikou appelle le Gouvernement «à poursuivre et assurer la mise en œuvre intégrale et rapide des mesures de décrispation prévues par l’Accord du 31 décembre 2016 afin de créer l’environnement politique et les autres conditions nécessaires pour l’organisation des élections».
Expliquant: «ces mesures de décrispation sont les ingrédients nécessaires pour promouvoir une vraie concorde entre tous les Congolais dans cette phase cruciale de l’histoire du Congo».
Critiqué par l’opposition du Rassemblement tout comme par des mouvements citoyens tels Lucha et Filimbi portés par des chancelleries occidentales qui lui ont signifié, lors d’une audience, avoir écrit au Secrétaire général de l’ONU pour lui demander de le rappeler à la suite d’actes de «complaisance» notamment dans la gestion de la question kasaïenne, comme dans nombre de chancelleries occidentales qui lui reprochent son absence de dynamisme, le diplomate nigérien a donc haussé le ton mais imprudemment.
«Quand il reconnaît le premier ministre Bruno Tshibala Nzhenzhe au sortir d’une audience à la Primature et se voit critiquer par l’opposition du Rassemblement/Limete, Monsieur-La-Gaffe va faire une courbe rentrante, sous forte pression d’opposants qui réclament son départ. Quand des mouvements citoyens lui demandent de s’en aller, Monsieur-La-Gaffe implore leur compréhension et explique que les moyens lui font défaut. Et c’est pour dire vouloir multiplier des rencontres avec le secrétaire général de l’ONU et solliciter une augmentation du budget et des effectifs. Il faut qu’il soit secoué par des jeunes pour qu’il donne l’impression de travailler…», résume un observateur.
L’ARGENT CONTINUE A FAIRE DEFAUT.
A la Commission Electorale Nationale Indépendante, des agents inconsolables préparent la riposte. Elle pourrait être dégoupillée dans les tout prochains jours à Paris où on annonce une réunion de haut niveau sur le processus électoral congolais, autour de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Y sont attendus les envoyés spéciaux (américain, onusien, européen, etc.). A la CENI où l’on conteste bruyamment au chef de la MONUSCO tout mandat consistant à demander au pouvoir organisateur électoral congolais de publier un calendrier électoral, on lit et relit le dossier et on veut y aller avec force. Il faut dire que depuis des mois, la CENI est restée avec ses arguments intacts. Au dialogue de la Cité de l’UA devant le facilitateur unionafricain Edem Kodjo comme à celui du Centre inter-diocésain face aux évêques de la CENCO, elle n’est pas parvenue à concilier ses vues avec la classe politique sauf avec l’OIF. Elle continue d’affirmer que techniquement, il est impossible d’organiser des élections au Congo avant le 31 décembre 2017.
Un haut responsable de s’interroger: «Si le pays n’a pas organisé ces élections le 31 décembre, qu’adviendra-t-il? Doit-on pour cela brûler toutes les chapelles?»
C’est l’option prise par le Rassop/Limete qu’a désormais rejoint le collectionneur d’art et beau-fils du président Eduardo Dos, Santos Sindika Dokolo qui célèbre sur les réseaux sociaux dans des douillets palaces son amitié avec le richissime ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe et ses retrouvailles avec le porte-parole de celui-ci, l’ancien ministre du Plan et président de l’Assemblée nationale Olivier Kamitatu Etsu et l’ancien ministre de l’Environnement José Endundo Bononge. Dans des tout récents selfies, on voit sur un fastueux fauteuil posé sur du marbre douillet d’un palace européen, l’irréductible Rassop/Limete reprenant «pasi nayo pasi na nga, pasi na biso» autrefois entonné avec Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi.
Il reste qu’à la CENI, l’argent continue de faire défaut. Ici, on ne se rappelle plus la dernière fois qu’on a vu passer un dollar dans la caisse alors que face au franc congolais, la devise américaine, monnaie de référence, flambe. Un dollar s’échange désormais contre 1.700 FC voire plus à la suite d’anticipations politiques. D’ici deux mois, il pourrait dépasser les 2.200 FC quand il y a un an, il s’échangeait contre 930 FC!
Rien que pour la paie de l’ensemble des agents des seules onze provinces où l’enrôlement a lieu, la CENI a mensuellement besoin de USD 16 millions. Après des mois de paie non versée, la menace de grève est dans tous les esprits… Ce serait la catastrophe.
«Si elle a lieu, il faudra tout reconsidérer…», explique-t-on.
Corneille Nangaa Yobeluo veut pouvoir rêver. Il veut être pleinement, entièrement, dans le processus. «Que décembre nous trouve sans élections, à cela, on ne peut rien! Mais que le pays ait avancé suffisamment, que l’enrôlement ait pu être conduit à son terme dans le pays, que les lois attendues aient pu être votées au Parlement et que l’annonce des candidats aux différents scrutins ait pu être faite…», explique-t-il au Soft International. Le reste c’est l’affaire des politiques. Lui Nangaa est un technicien... Il veut rester aussi longtemps qu’il sera Président de la CENI.
T. MATOTU.