Kinshasa répond à Kagame devant le corps diplomatique
  • mar, 21/01/2025 - 10:12

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1627|MARDI 21 JANVIER 2025.

Démocratie (scrutins libres et transparents), État de droit (justice), «défis cruciaux» (sécurité des populations, processus de Luanda, Rwanda), etc., ont été les points clés développés par le Président de la République samedi 18 janvier, lors de son allocution à Kinshasa à l'occasion de la traditionnelle cérémonie d'échange des vœux avec le corps diplomatique. Ce fut surtout une occasion, a déclaré le Chef de l'État, d'« exposer nos priorités et de réaffirmer avec fermeté nos attentes envers la communauté internationale face aux menaces persistantes qui pèsent sur notre nation et notre région ».

Bannir la dictature. Les scrutins d'il y a un an dans le pays, ont «témoigné de la vitalité démocratique de notre pays, où la légitimité du pouvoir réside dans les urnes et où la séparation des pouvoirs entre les institutions garantit un équilibre indispensable à la gestion de la chose publique. En République Démocratique du Congo, nous avons fait le choix irréversible de bannir la dictature et de construire une démocratie véritablement inclusive.

Contrairement à d’autres pays où les élections s’apparentent à des répétitions d’un scénario préécrit, avec des adversaires soigneusement choisis d’avance pour garantir un résultat inchangé, le processus électoral congolais est un espace ouvert, où chaque voix compte, où chaque citoyen peut concourir et où l’opposition a sa place.

Ce modèle, certainement perfectible, représente aujourd’hui une source d’inspiration pour de nombreuses démocraties émergentes en Afrique et dans le monde. Les institutions issues de ce cycle électoral, toutes installées dans le strict respect de notre Constitution, sont désormais pleinement fonctionnelles et engagées dans la mise en œuvre de réformes destinées à renforcer la gouvernance, à promouvoir l’État de droit et à garantir la transparence dans la gestion de nos ressources publiques».

Réponse robuste aux déclarations faites à Kigali, au Rwanda, quand le président rwandais Paul Kagame, devant le corps diplomatique, à l'occasion de la cérémonie de même type, selon lesquelles le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, n'a été élu, ni en 2018, ni en 2024.

D'ajouter : « L'année 2024 avait débuté sous le signe de la confirmation de ma victoire et de celle de la coalition politique que j’ai conduite, l’Union Sacrée de la Nation, lors des élections générales de décembre 2023. Ce scrutin, libre et transparent, a permis au Peuple congolais d’exprimer, dans toute sa souveraineté, sa confiance renouvelée en notre vision et notre projet de société.

Cette confiance, je la considère comme un appel à ancrer durablement la justice, la paix et le développement au cœur de notre gouvernance. Fort de ce plébiscite populaire, j’ai eu l’honneur, le 20 janvier 2024, de prêter serment pour un second mandat à la tête de notre nation. Tous ces efforts symbolisent notre détermination collective à bâtir une République où les aspirations légitimes de chaque Congolais trouvent un écho dans les politiques publiques. Cette dynamique s’inscrit en faux contre toute forme de répression ou d’autoritarisme et témoigne de notre engagement à promouvoir des valeurs de liberté, d’inclusion et de respect des droits humains».

État de droit (justice). « La République Démocratique du Congo avance résolument vers la consolidation de l’État de droit, étant persuadé que sans justice, aucune paix durable ni aucun développement véritable ne peuvent être réalisés. Il sied de souligner que j’ai fait de la justice mon cheval de bataille car c’est sur elle que repose les fondements d’une nation émergente ».

«LÉGITIMER L'ILLÉGALITÉ »?
Sur «l’épineuse question de la peine de mort», le Congo, «en tant qu’État souverain, a clarifié les conditions strictes de son application, limitée uniquement aux cas de terrorisme et de trahison au sein de l’armée. Cependant, il est important de souligner qu’à ce jour, aucune exécution n’a été menée, témoignant de notre engagement à faire évoluer cette question (...).

La justice congolaise doit refléter notre souveraineté, notre dignité et notre vision d’une nation forte, où l’impunité et l’indiscipline n’auront plus de place. C’est par la justice que nous renforcerons l’autorité de l’État et gagnerons la confiance de nos concitoyens et de nos partenaires».

«Défis cruciaux» auxquels (le pays fait face à la sécurité de nos populations, feuille de route de Luanda, Rwanda).
«L’an dernier, à la même période, nous nourrissions l’espoir d’un retour à la paix pour nos compatriotes des provinces de l’Est, éprouvés par des décennies de conflits armés. Dans cet esprit, mon pays s’était pleinement engagé dans la mise en œuvre de la feuille de route du Processus de Luanda.

Ce cadre de dialogue, conçu pour restaurer la confiance entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, visait à désamorcer la crise sécuritaire et à prévenir une escalade régionale. Cependant, en dépit de notre bonne foi et de notre volonté inébranlable de privilégier la voie diplomatique, la situation sécuritaire à l’Est s’est gravement détériorée.

Des groupes armés, notamment le M23, soutenu directement par le Rwanda, continuent de semer la terreur dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, forçant des millions de personnes à fuir leurs foyers pour s’entasser dans des camps de réfugiés. Le rapport accablant des Experts des Nations Unies, publié en décembre 2024, a confirmé ce que nous dénonçons depuis des années.

Il établit, preuves à l’appui, la présence de milliers de soldats rwandais sur notre territoire, leur soutien politique, logistique et militaire au M23, ainsi que leur implication dans l’exploitation illégale de nos ressources naturelles. Ces actes, qui constituent une violation flagrante de notre souveraineté, ont des conséquences humanitaires désastreuses.

En 2024, plus de 650 civils ont été tués dans des attaques perpétrées par des groupes armés soutenus par le Rwanda. Des milliers d’autres ont été blessés ou portés disparus. La crise des déplacés internes s’est aggravée, avec plus de 6 millions de personnes contraintes de quitter leurs foyers et vivant dans des conditions précaires dans des camps surpeuplés.

Dans les zones sous contrôle du M23, des administrations parallèles, à la fois administratives et coutumières, ont été instaurées de manière illégitime, imposant un régime répressif qui exploite les populations locales et sape gravement l’autorité de l’État congolais. Ces pratiques inacceptables constituent bien plus qu’une tentative de légitimer l’illégalité ; elles s’inscrivent dans une stratégie délibérée visant à affaiblir notre nation tout en mettant en place un système dangereux d’épuration ethnique, aux conséquences humaines et sociales désastreuses».

Sur Luanda, Rwanda, etc. «Grâce à la médiation du Président angolais (João Lourenço), un cessez-le-feu avait été conclu (...) et devait entrer en vigueur début août. La République Démocratique du Congo s’y était engagée de manière sincère, espérant qu’il marquerait le début d’une paix durable. Mais, à notre grand regret, cet accord a été maintes fois violé par le Rwanda, qui, par le biais du groupe terroriste M23, continue impunément d’attenter à notre souveraineté nationale.

Dans le même ordre d’idées, l’annulation du Sommet tripartite du Processus de Luanda, prévu le 15 décembre, du fait de l’absence du Président rwandais et l’introduction, par la délégation rwandaise, d’une nouvelle condition préalable - l’exigence d’un dialogue direct entre la République démocratique du Congo et le groupe terroriste M23 - témoigne du peu de considération accordé par nos voisins aux efforts de paix. Exiger un dialogue direct avec un groupe terroriste revient à légitimer des agissements qui violent nos lois et principes fondamentaux ».

La demande des «sanctions concrètes et immédiates». «Nous avons pris note des condamnations émises par certains de nos partenaires à l’encontre du Rwanda pour son rôle dans la déstabilisation de l’Est de notre pays. Ces prises de position, bien qu’importantes, restent insuffisantes face à la gravité des actes commis et à leurs conséquences humanitaires désastreuses. Les preuves accablantes présentées dans le rapport des Experts des Nations Unies ne laissent aucune place au doute : des sanctions concrètes et immédiates doivent être adoptées pour mettre fin à cette agression et prévenir une escalade régionale.

Mais ces engagements ne suffisent pas. Nous attendons de la communauté internationale bien plus qu’un discours de solidarité. Ce dont (le Congo) a besoin de la part de ceux qui se considèrent comme ses amis : ce sont les actions décisives, d’un soutien concret et d’un engagement ferme pour répondre aux défis sécuritaires, économiques et humanitaires auxquels nous faisons face.

(Le Congo) ne demande pas de l’aide ; elle exige une solidarité juste et équitable, fondée sur le respect de sa souveraineté, de son intégrité territoriale et de ses droits fondamentaux. Ce soutien n’est pas une faveur; c’est une responsabilité collective dans la préservation de la paix et de la sécurité internationales.

La communauté internationale doit maintenant transformer ses déclarations en actions tangibles et dissuasives. Des sanctions ciblées contre le Rwanda, ses responsables militaires et politiques impliqués dans ces exactions, ainsi que leurs réseaux financiers, sont impératives. Il est temps que les principes de responsabilité et de justice prévalent.
Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo reste résolu à défendre l’intégrité de notre territoire et à protéger nos concitoyens contre toute forme d’agression.

Nous continuons à renforcer les capacités opérationnelles de nos Forces armées pour éradiquer tous les groupes armés responsables de ces violences. Toutefois, notre détermination à ramener la paix et la stabilité dans l’Est de notre pays ne se limite pas aux mesures militaires ou aux initiatives de désarmement. Nous sommes convaincus que la lutte contre les conflits armés passe également par une stratégie intégrée de développement, de justice sociale et de gouvernance inclusive.

Le processus de Luanda, malgré les obstacles, reste une opportunité que nous continuons de privilégier avec détermination, dans un esprit sincère mais lucide. Notre engagement dans ce cadre a toujours reposé sur la volonté sincère de résoudre pacifiquement la crise qui oppose la République Démocratique du Congo au Rwanda. Cependant, les provocations continues de Kigali, ses violations répétées des accords et son soutien actif au M23, disons-le clairement, compromettent la crédibilité de ce processus».

Le Président de réitérer son refus de négocier avec «un groupe terroriste», à savoir le M23. «Mais permettez-moi d’être parfaitement clair : la République Démocratique du Congo ne se soumettra jamais aux pressions d’acteurs extérieurs tentant d’imposer des conditions contraires à nos intérêts et à notre souveraineté.

Nous ne cesserons de réaffirmer notre position : le dialogue avec un groupe terroriste comme le M23 est une ligne rouge que nous ne franchirons jamais. Toute tentative de normaliser ou de légitimer ces criminels constitue une insulte à la mémoire des victimes et un affront aux principes fondamentaux du droit international».
ALUNGA MBUWA.


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