- mer, 27/01/2021 - 17:47
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1515|MERCREDI 27 JANVIER 2021.
Viendra? Viendra pas? Tout a l’air d’une entame de baroud d’honneur pour Ilunkamba. Attendu mardi 26 janvier pour se faire lire un réquisitoire en règle par la nouvelle majorité identifiée à la Chambre basse et assister à un vote de destitution sans appel, le Premier ministre a préféré se trouver bien loin des tintamarres kinois, dans son Katanga natal qu’il chérit si bien, qu’il aime à visiter à chaque fois que possible, où il est naturellement chez lui. A l’aise... Il a regagné Kinshasa mardi. Respectant son ordre de mission...
DEPLACEMENT
AVEC ORDRE DE MISSION OFFICIEL.
Un ordre de mission officiel.
Les députés de la nouvelle Vision Union sacrée de la Nation avaient pris d’assaut les travées du Palais du Peuple quoique 287 sur les 500 que compte l’hémicycle et sur les 301 qui avaient signé la motion de censure et c’est pour s’entendre dire que la bagarre est reportée d’un jour... D’un jour. Pas de quoi s’en faire. Ce n’est qu’une remise. Il faut prendre son mal en patience. Nouvelle convocation : mercredi, 11 heures précises. Viendra? Viendra pas?
Ces derniers jours, l’ex-majorité FCC n’avait que la loi à faire prévaloir. Une loi trop diversement interprétée... Il reste que sauf tremblement de terre, jamais impossible, le sort de Sylvestre Ilunga Ilunkamba est incertain. Comme le fut celui de Jeanine Mabunda Lioko Mudiayi ?
Dans une récente vie, tous les deux ont eu un point commun. Ils ont eu maille à partir avec leur parti. Mme Mudiayi n’a jamais été le choix des apparatchiks de l’ex-parti présidentiel mais celui personnel du président statutaire du PPRD Joseph Kabila Kabange.
Un choix surprenant mais stratégique qui laissa sans voix les différentes autorités de ce parti, à divers échelons, qui, très vite, ont entrepris de défenestrer la «Chairperson». Choix salué néanmoins au sein de la communauté internationale au point où la Nancy Pelosi des Tropiques a été admise à Paris dans un club jusque là inconnu de femmes au titre de l’une des femmes les plus influentes de la Planète Terre ! Sauf que quand les grands médias vous montent, tout devient suspect et à l’ex-parti présidentiel, nul ne pouvait l’ignorer.
A-t-on senti qu’elle pourrait être le prochain choix de «Shina Rambo» à la présidentielle à venir? Car très vite, la moutarde va monter de plusieurs crans au nez des apparatchiks invoquant incompétence, mépris envers les pairs, arrogance avérée, attitude vachement hautaine voire salace et très vite, une pétition est cognée pour la faire sauter. La dégager. Horrifiée mais pas toujours unanime, la communauté congolaise de la femme se met debout, entoure la soldat Mabunda qu’elle cherche à protéger, et à sauver. Juste un petit répit... Rien qu’un petit répit ! Bientôt la colère contenue au sein du PPRD-FCC va atteindre l’allié CACH.
Tout commence avec le dossier Malonda (le tout puissant secrétaire exécutif de la CENI Ronsard Malonda Ngimbi qui fit la pluie et le beau temps dans les bureaux de dépouillement et devant des juges électoraux), candidat présenté par le président fin mandat de la Commission électorale nationale indépendante Corneille Nangaa Yobeluo, entériné début juillet à la hussarde par la plénière de l’Assemblée nationale sans que ni CACH, ni le Président de la République n’en soit informé, au grand désarroi de tout un pays qui se déversa dans la rue en guise de protestation parfois violente. S’ensuit l’éviction pour le moins inamicale sinon carrément hostile du perchoir du 1er Vice-président du bureau de l’Assemblée nationale qui n’est autre que le tout puissant président a.i. de l’UDPS Jean Marc Kabund-A-Kabund.
Puis, cerise sur le gâteau, mépris sinon outrage systématique de l’autorité et de la personne du Président de la République (recours à des communiqués de presse par attaché de presse pour communiquer avec le Président de la République, mieux, pour réagir aux initiatives présidentielles, refus d’assister à la cérémonie de prestation de serment des juges constitutionnels suite aux ordres du PPRD, etc.), la coupe était pleine. Sans doute trop... Mabunda ne pouvait survivre... après que Bemba l’eût lâchée estimant qu’il n’y a pas place pour deux crocodiles dans un même marigot...
Même état pour le Premier ministre. Découvert tel un oiseau rare dans son Katanga natal à la tête d’une société des chemins de fer SNCC à la dérive avec un avenir incertain et du personnel des années resté impayé, celui qui fut de tous les ministères du secteur économico-financier sous Mobutu, désigné au COPIREP (réforme du portefeuille de l’Etat) par la même Jeanine Mabunda alors ministre du Portefeuille de Muzitu, apparut très vite comme l’homme du consensus, le moindre mal, face à des plus jeunes, plus aguerris, plus robustes, plus à l’aise dans des dossiers à l’agenda international, avec du carnet d’adresse (c’est éclairant qu’en deux ans, il n’ait jamais franchi la frontière et s’il a été ailleurs que dans son Katanga, c’est à moins de 150 kms à l’Ouest de Kinshasa), puis d’être rattrapé par les mêmes apparrachicks furieux que ce professeur d’Economie leur ait raflé si dangereusement la mise.
SYLVESTRE ILUNGA
TOUT ROUGE DE COLERE.
Très vite, les têtes couronnées du PPRD veulent cette proie. Convoqué pour l’obtenir, Sylvestre Ilunga Ilunkamba traite de tous les noms d’oiseaux ceux qui le prennent pour un incompétent, un faiblard, un chétif - ce qu’il rejette en bloc répliquant que tous ses ministres, ils les lui ont été imposés, qu’il n’en a pas choisi un seul, ni formé seul son cabinet - avant de quitter les lieux en claquant la porte... Douche froide et honte dans la pièce...
Le Premier ministre bénéficie alors d’un certain appui à la présidence qui estime que son départ ferait trop retarder la mise en place des réformes attendues des politiques publiques dès lors que les négociations pour lui trouver un remplaçant pourraient prendre des semaines voire des mois avant d’aboutir. Mais ce sont précisément ces saillies de plus en plus précises de son parti qui lui font prendre conscience qu’il a intérêt à être de connivence avec sa base s’il veut espérer passer quelques moments encore au 5, avenue Roi Baudouin.
Ilunkamba s’est donc vissé sur son camp qui lui dicte désormais tout au point où lorsque l’hypothèse d’une dissolution de la chambre basse est évoquée par CACH, la réponse FCC est dans les mêmes éléments de langage : il n’y a ni crise, ni «crise persistante» entre l’Exécutif, à savoir, le Gouvernement et l’Assemblée nationale invoquant l’article 148 de la Constitution qui n’entrevoit la dissolution qu’«en cas de crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale».
C’est cette crise et elle seule qui pourrait ouvrir la voie au Président de la République, «après consultation du Premier ministre et des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat», (...) à «la dissolution de l’Assemblée nationale».
Certes, faire tomber un Chef du Gouvernement soutenu par une majorité parlementaire est bien compliqué, le Président de la République, aux termes de la Constitution, ne pouvant le démettre de son propre chef sauf à organiser un passage en force mais cela suppose qu’il ait le contrôle de la chambre basse. En l’espèce, la règle du parallélisme des compétences, dite théorie de l’acte contraire ne fonctionne pas. Que d’embûches et d’obstacles dressés par la loi qui gèle la migration humaine pendant une législature...
Ainsi, un député perd son mandat s’il quitte de façon délibérée son parti politique (art. 26, Règlement d’ordre intérieur, novembre 2006). «Au début de chaque législature, les partis et regroupement politiques déposent au bureau provisoire de l’assemblée nationale les listes des noms de leurs députés dûment signés par chacun d’eux».
«Un député ne peut faire partie que d’un seul Groupe parlementaire. Le député qui n’appartient à aucun groupe parlementaire est appelé non inscrit. Chaque député est membre du groupe parlementaire auquel appartient le parti politique dans le cadre duquel il a été élu. Les groupes parlementaires sont constitués pour la durée de la législature. Un député qui quitte son Groupe parlementaire perd le droit de s’affilier à un autre groupe parlementaire. Il devient un non inscrit» (art. 46). Un député non-inscrit est un député fantôme.
IL PEUT ALLER ET VENIR,
SON SORT EST SCELLE.
S’il ne renforce aucun parti politique, sa voix est marginale. La prise de parole dans l’hémicycle est en effet accaparée par les groupes parlementaires selon leur poids en termes de représentation, ce qui laisse une portion congrue aux non-inscrits. Sauf que le législateur n’avait pas prévu un autre cas de figure : l’hypothèse d’avalanche au cours d’une législature ouvrant un basculement de majorité ou un rééquilibrage significatif des forces.
Mieux, une érosion massive des députés de la majorité qui rejoindraient le banc des non-inscrits, uniraient leurs voix, en l’espèce, à celles du CACH et de l’opposition d’Ensemble, du MLC et de l’AFDC-A mettant à mal le bureau de l’Assemblée nationale conduisant à sa destitution. Hypothèse qui ferait bouger toutes les lignes, dans les chambres, au Gouvernement. On y est...
Ilunga Ilunkamba peut aller et venir. Face à la rage des députés qui ont hâte d’en finir avec lui, il ne s’agit que d’un baroud d’honneur sans issue. Au fond, avait-il besoin d’aller et de venir en engageant un bras de fer avec un Président de la République plus que jamais bien vissé sur son fauteuil présidentiel? Certes, le Premier ministre se trouve dans le cas de l’ex-président de la Cour constitutionnelle Benoit Lwamba Bindu. Mais celui-ci, issu aussi du Grand Katanga, avait préféré jeter l’éponge et prendre le chemin de l’exil...
T. MATOTU.