- lun, 16/11/2020 - 22:07
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1507|LUNDI 16 NOVEMBRE 2020.
De mémoire d’observateur, jamais au Congo un Président de la République n’avait consacré autant de temps, sous les ors de la République, derrière des portes blindées matelassées, à écouter ses compatriotes, à quelques strates sociales qu’ils appartiennent. Un artiste musicien Jossart Nyoka Longo, reçu samedi 7 novembre 2020 avec un groupe de ses collègues au Palais du peuple, a eu ces mots émouvants : «C’est une première.
Jamais, on n’avait associé, nous les artistes musiciens, à une consultation. Nos papas, nos aînés étaient à la Table Ronde à Bruxelles mais c’était pour jouer, faire danser les hommes politiques. Aujourd’hui, on est partie prenante...», a déclaré le chef de file de l’orchestre Zaïko Langa Langa, également président de l’Union des musiciens congolais.
On a vu aussi défiler au Palais de la Nation des femmes maraîchères, celles qui sont au contact quotidien de tout, vivent au taux du jour.
IL N’Y A PAS QUE L’HOMME POLITIQUE QUI COMPTE.
Chez Tshisekedi, nul ne devrait être bypassé. Ni les «Wewas» (conducteurs des motos taxis), ni les taximen Ketch, ni les enfants de rue. Tous pourraient franchir la barrière gardée par les forces spéciales qui conduit au siège de la présidence...
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a voulu innover : recevoir les représentants des Congolais, les sans voix, même les Congolais de la diaspora. Il n’y a pas que l’homme politique qui compte ou l’opérateur économique ou le syndicaliste.
Au total, tous qui arpentent ce hall historique qui vit arriver en 1960 le jeune roi des Belges avant le clash avec Lumumba, tiennent le même discours sans exception.
Même la délégation des gouverneurs FCC reçus vendredi 13 novembre ont surpris. «Nous venons de constater que nous avons le même entendement concernant l’Union sacrée de la Nation. Il s’agit pour nous d’un nouvel élan de renforcement de la cohésion nationale de manière à réduire le risque de choc politique mais nous sommes aussi d’accord qu’il ne s’agit pas d’une stratégie pour consolider un camp contre l’autre ou un camp pour minorer un autre», a déclaré le gouverneur du Lualaba, Richard Muyej Mangez Mans, au nom de ses collègues parmi lesquels le jeune frère du président honoraire Zoé Kabila Mwanza Mbala, du Tanganyika venu, a précisé son parti PPRD, au seul titre de représentant en province de l’Exécutif national.
« Nous avons atterri en suggérant au Chef de l’Etat de réfléchir profondément sur la possibilité de renforcer la coalition FCC-CACH. Nous avons tout le respect pour cette haute autorité et nous faisons confiance en sa sagesse parce que nous voudrions que tout ce qui sortira de cette consultation privilégie le bien-être de notre peuple, la paix, l’unité et que nous puissions ensemble, en regardant dans la même direction, soutenir l’élan de développement (...) », a-t-il poursuivi rejoignant le discours des six minutes du président de la République qui, s’il a dressé un réquisitoire très sévère de la coalition FCC-CACH en lançant ces consultations, n’avait écarté aucune hypothèse à l’issue de ces contacts des Congolais.
Même discours de rupture des évêques catholiques de la CENCO. Est-ce pour cela que les services de la présidence ont rendu public leur mémo afin que nul n’en ignore rien?
Reçus, avec à leurs côtés, le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu, les évêques ont par la bouche du Président de la Conférence épiscopale nationale du Congo, Mgr Marcel Utembi Tapa, archevêque de Kisangani, déclaré : « Nous avons eu un entretien franc, cordial. Cela a tourné autour des préoccupations que le Président de la République a formulé lors de son discours du 23 octobre dernier. Tout s’est passé dans une atmosphère cordiale, conviviale et franche. C’était un entretien entre responsables (…). L’Eglise a toujours été toujours aux côtés de tout ce que concourt au bien être de l’homme ».
« Je suis venu pour rapporter au Président la situation dramatique dans lequel vit le peuple congolais actuellement. Le peuple attend beaucoup de ses consultations. Le peuple ne veut pas que ces consultations soient une énième consultation et que sa situation continue à se dégrader. Il faudra qu’à l’issue de ces consultations, la vie du peuple congolais change », a renchéri le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu.
Sur la coalition, «nous ne pouvons pas dire aujourd’hui ce que le Président va faire de tous les fruits de cette consultation, mais nous pensons qu’il faut qu’il y ait un changement. La situation actuelle a démontré des limites. Le peuple n’est plus au cœur de souci de ceux qui nous gouvernent. Et quand on est devant une situation pareille, il faut que quelque chose change, et le peuple attend ce changement. Quelle sera la nature de ce changement ? Nous laissons ça à la discrétion du Chef de l’Etat ».
Dans leur mémorandum, les évêques insistent sur des points importants. « Face à la crise actuelle, permettrez-nous avant tout, en tant que pasteurs, de rappeler à votre Excellence les principes qui doivent être préservés à tout prix et être pris en compte dans la recherche d’une solution politique appropriée: le primat du bien-être de la population sur toute autre considération politique: aucun compromis ne peut être au-dessus de l’exigence, pour le pouvoir politique, de tout mettre en œuvre en vue d’assurer le bien-être de la population ».
Si le président du Mouvement de Libération du Congo, Jean-Pierre Bemba Gombo accueilli mercredi 4 novembre au Palais de la Nation a eu un tête-à-tête avec le Président de la République après une rencontre devant le secrétariat des consultations, saluant l’initiative présidentielle, expliquant que «ça s’est bien passé», qu’un autre leader de Lamuka, l’ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, s’est contenté de dire, à l’issue de son audience samedi 7 novembre au Palais de la Nation, avoir «rencontré un frère (...).
Je suis venu voir le président de la République pour les consultations. Je suis venu voir d’abord un frère. Quand il va terminer les consultations, vous saurez ce dont on a discuté », a-t-il répété plusieurs fois aux questions insistantes des journalistes, il n’y a pas eu de voix discordante et, au contraire, tous préconisent de tourner une page de l’histoire.
Comme cet autre ex-Lamuka Mbusa Nyamwisi reçu jeudi 5 novembre, le même jour que le groupe d’anciens candidats Président de la République chacun avec sa perception de la situation. Marie José Ifoku, l’unique femme candidate Président de la République, n’est pas allée par quatre chemins, réclamant, à l’issue de ces consultations, la dissolution de l’Assemblée nationale, la chute du Gouvernement Ilunkamba «qui ne fait rien», la nomination d’un informateur.
Le sénateur Valentin Mokonda Bonza a été reçu lundi 9 novembre. Ancien directeur de cabinet de Mobutu, il a ce propos : «J’ai dit au Président ce qu’il faut faire. Il faut rompre avec l’ancien système. Il faut rompre avec le système prédateur. Il faut rompre avec un système de corruption. Il faut rompre avec un système qui veut prendre le peuple congolais en otage. Malheureusement, un accord privé ne peut prendre en otage un peuple, et moi, je pense que c’est l’accord qui est à la base de tout ce blocage que nous connaissons (...). Il y a un Président qui est là, il doit prendre ses responsabilités pour que l’ancien système disparaisse une fois pour toutes».
Même discours du Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege reçu le même jour : rupture avec le passé, lutte contre la corruption, justice pour tous les crimes commis au pays. La coalition FCC-CACH? «Elle ne doit pas être une oasis où les criminels se cachent. Je ne suis pas juge, mais s’il y a des personnes au sein de la coalition qui ont commis des crimes, il faudra qu’elles répondent de ces crimes. Les crimes ne peuvent rester impunis. Il faut une lutte contre l’impunité qui passera absolument par la mise en œuvre des recommandations du rapport Mapping».
Même discours de la bouche du député national Dieudonné Bolengetenge Balela à la tête du groupe parlementaire MS-AA de Pierre Lumbi : « Si la majorité actuelle ne trouve pas de solution aux problèmes des Congolais, il faut trouver une autre majorité», suggère-t-il en soutien à l’initiative présidentielle, demandant au Président de la République de privilégier la réforme de la CENI en la dotant de nouveaux animateurs.
Si plate-forme de l’ex-président Joseph Kabila Kabange avait déclaré, à l’issue d’une retraite - la deuxième en date, cette fois dans la banlieue est de Kinshasa, à la N’Sele, à Safari Beach - qu’elle ne se rendrait pas aux consultations présidentielles, annonçant cependant que le Front commun pour le Congo était ouvert à des discussions dans le cadre de l’accord de coalition FCC-CACH, certains membres du FCC ont arpenté allègrement la cour du Palais de la nation.
Ceux qui avaient déjà opéré un rapprochement avec le CACH, tel l’ex-ministre de l’Économie mais aussi du Plan, Modeste Bahati Lukwebo. Avec sa quarantaine de députés, son regroupement AFDC-A était considéré, à l’issue des élections de 2018, comme le plus important du FCC après le PPRD de Joseph Kabila sauf que depuis, il fait face à une fronde. Plus de vingt députés AFDC-A ont fait allégeance à la ministre d’État en charge du Travail et Prévoyance sociale, Néné Ilunga Nkulu, restée fidèle au FCC, mais Modeste Bahati Lukwebo a obtenu une décision du ministre de l’Intérieur en sa faveur qu’il ne parvient cependant pas à appliquer.
Autre exemple : le ministre d’État en charge de l’Urbanisme et de l’Habitat, Pius Mwabilu Mbayu Mukala, reçu par le président de la République. Il fait aussi l’objet d’une procédure du même ordre depuis qu’il a été vu au Palais du peuple à la prestation de serment des juges constitutionnels désignés par le Président de la République, cérémonie boycottée par un mot d’ordre du FCC. Une décision de justice a tranché en sa faveur sans arrêter la fronde au sein de son Alliance pour l’Avenir et Alliés, AA/a en abrégé, qui compte 20 députés.
À ces consultations, on a vu aussi l’ex-président du Sénat Léon Kengo wa Dondo sur papier membre du FCC. Tout comme plusieurs autres venus prendre part sous couvert de différentes appellations, caucus de députés aux délégations provinciales, fils de fondateurs de l’UDPS, tel ce député PPRD Jean-Pierre Lihau, fils de Marcel Antoine Lihau (Lihau Ebua Libana la Molengo), ancien directeur de cabinet de l’ex-président PPRD de l’Assemblée nationale Aubin Minaku Ndalandjoku, ou personnalités tel l’ex-ministre du Développement rural Justin Bitakwira Bihona-Hayi mais disant tous «privilégier le Congo ou l’intérêt général ».
« Je suis venu en tant que député PPRD. Je sors du Palais de la Nation en tant que député PPRD. Je suis député de la nation et je reste député de la nation. Rien ne change. Ici, il n’y a pas une opération débauchage. Le chef de l’État est en train de recueillir les avis et les propositions des uns et des autres afin qu’en tant que garant du bon fonctionnement des institutions, il puisse prendre des décisions qui soient en phase avec ce que pensent les Congolais ».
« Il ne faut jamais s’excuser d’être républicain. Je considère que là où se discutent les problèmes des Congolais, là où se joue le salut de la nation, moi en tant que député national, élu du peuple, je me dois d’être là, parce que mon seul objectif, c’est le bien-être général. Mon sort personnel ne compte pas. Moi, je suis un élu du peuple, un vrai, et j’ai mouillé mon maillot seul. Mon mandat est constitutionnel et je dispose de ma liberté de conscience et d’agir parlementaire. Je suis allé répondre à cette invitation sans trembler et fort de mes convictions, sans renier mon parti. Chacun de nous a le devoir d’emprunter le chemin du courage et de la vérité vis-à-vis du peuple si nous voulons sauver cette nation. Et si c’était à refaire, je le referais.
Quand on veut sauver la nation, il faut savoir se départir de ses intérêts privés », a-t-il poursuivi avant d’être visé par une procédure de perte de mandat, a annoncé le secrétaire général adjoint du PPRD, Ferdinand Kambere Kalumbi désormais la bouche autorisée de l’ex-parti présidentiel.
Le même sort devrait être réservé à l’ex-gouverneur du Kasaï Oriental, le PPRD Alphonse Ngoyi Kasanji passé pourtant pour un critique acerbe de la politique suivie depuis deux ans, qui avait prétendu être porteur d’une autorisation spéciale de son parti, ce que Kambere Kalumbi a formellement démenti.
Les journées de consultations présidentielles se poursuivent, mais ne se ressemblent pas. Deux invitations lancées pour mercredi 11 novembre. L’une a été adressée à l’UNC de Vital Kamerhe, le directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, officiellement toujours détenu suite à sa condamnation pour détournements de fonds dans le cadre du programme des 100 jours du Chef de l’État. Certains au sein du parti assuraient que l’UNC ne participerait pas à ces consultations sans garanties quant à la libération de Vital Kamerhe. Pourtant, le parti était bien représenté.
«Je suis le secrétaire général du parti et nous avons une direction politique nationale qui gère toutes ces questions et qui donne la position du parti. Donc, nous ne sommes pas ici pour spéculer, nous avons bel et bien répondu à l’appel du chef de l’État. Je crois que c’est l’important. Nous venons de passer une bonne quarantaine de minutes avec le Chef de l’État. Nous avons échangé dans un climat serein, convivial puisque nous sommes de la même famille politique, et notre échange a été fructueux», a déclaré Aimé Boji Sangara.
Le sort de Vital Kamerhe a-t-il été évoqué? «Nous avons évoqué toutes les questions importantes. Le Chef de l’État est en train de consulter, et je pense que nous devons prendre notre mal en patience et attendre patiemment que le chef de l’État parle aux Congolais. C’est lui qui doit avoir la primaire de dire aux Congolais, ce que le peuple congolais lui a dit par ces consultations ».
Le groupe de personnalités G-13 dont des députés FCC, reçu mardi 10 novembre.
Selon Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu, le groupe soutient les consultations présidentielles et appelle le pays à les soutenir.
« Nous avons dit en ce qui nous concerne que cette Union Sacrée pour la Nation n’est pas un cas politique. C’est une union des pensées, d’actions pour sauver le pays par rapport à la crise que le pays connaît aujourd’hui. Le président de la République est le garant de la Nation et symbole de l’unité. Il a des initiatives qu’il doit entreprendre à l’issue de ces consultations et nous serons très attentifs aux conclusions qu’il en tirera et de l’effet que cela pourrait avoir sur l’avenir de notre pays. Nous considérons à cette étape que cette initiative est une initiative salvatrice que tout le monde devrait soutenir pour sauver la nation et le pays ».
« La coalition CACH-FCC est constituée de compositions au regard de l’intérêt général. Aujourd’hui, l’intérêt général demande des consensus forts pour faire des réformes électorales, pour s’occuper de la situation sécuritaire du pays, pour contrer la situation économique et finance publique et relever la nation ».
L’un des premiers à ouvrir le bal, le président arrivé fin mandat de la Commission Electorale Nationale Indépendante, Corneille Nangaa Yobeluo, a insisté sur l’urgence de désigner les nouveaux membres de la CENI. « Aujourd’hui, la question qui peut se poser : est-ce que l’équipe Nangaa est encore légitime pour organiser ces élections, ça peut être aujourd’hui parmi les éléments du chemin critique préparatoire. Il faut le plus rapidement possible désigner les membres de la CENI qui vont faire des études pour par exemple donner des chiffres».
avec AGENCES.