- lun, 11/06/2018 - 01:34
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Rien de ce qui nous arrive de très important au pays ne paraît jamais malheureusement n’avoir jamais été écrit ici. Sans fausse modestie, il faut nous en féliciter.
Rien de ce qui nous arrive de très impor-tant au pays ne paraît jamais malheureusement n’avoir jamais été écrit ici. Sans fausse modestie, il faut nous en féliciter. Pourquoi ce qui est permis à d’autres ne nous est pas permis à nous? Pourquoi s’acharnent-ils sur nous? Pourquoi tant de milices, de groupes armés, de rébellions chez nous? Pourquoi Lumumba fut liquidé au premier jour de l’indépendance? Pourquoi Mobutu ne cessa jamais de dire: «il n’est pas facile d’être le Zaïre»? Pourquoi avant l’heure notre pays fut proclamé «Etat indépendant du Congo» et confié au monarque belge des plus faibles pour une gestion commune? Pourquoi les pays voisins coalisent-ils et notamment dans la «première guerre mondiale africaine»? Que de questions lancinantes dans ces colonnes! Quand François Hollande donne le go head pour Brazzaville disant le 21 octobre 2015 que le président Denis SassouNguesso «peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit et le peuple doit répondre», le président français boude littéralement Kinshasa dans le même dossier. A Kigali, le président du pays peut se faire élire pour un troisième mandat et récolter 99% des voix, Kagame se fait dérouler le tapis rouge à l’entrée des palais à Paris et à Bruxelles.
A Paris et Bruxelles, des Chefs d’Etat parlent Congo et font devant les médias de la planète des déclarations électriques, ils n’estiment pas devoir inviter un officiel congolais ne serait-ce que pour prendre avis! Samedi 12 mai 2018, Parc de Kingakati, banlieue-est de la Capitale, devant des centaines de présidents des partis politiques membres de sa majorité, Kabila annonce une «menace réelle» qui pèse sur son pays et se lâche: «Menace sur la paix, la sécurité, la stabilité, l’unité. Le Congo Bashing a refait surface bien plus fort que jamais. Il suffit de lire un journal à Kin, d’écouter le matin telle radio (périphérique qu’il nomme), de regarder telle télé (périphérique qu’il nomme)! «Ils font tout pour noircir le pays. Ils trouvent que rien ne marche afin de donner des arguments à nos voisins voire aux enfants du pays».
«Vous pouvez chanter matin et soir «Élections! Élections!», que nul n’oublie cette menace sur le pays». Trop fort! «Il arrive qu’on entende: «ils vous menacent mais donnez leur ce qu’ils veulent»! Le problème est de savoir ce qu’ils veulent! «Il faut partager, partager» mais partager quoi? Nos richesses, semble-t-il! On l’a entendu de la bouche de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy à son passage à Kin, en mars 2009. Le problème est qu’ils ne veulent pas partager nos richesses. Ils veulent prendre le Congo et nous laisser des miettes!»
Kabila en veut pour preuve sa guerre face aux miniers déclenchée par le nouveau code minier. Un code promulgué le 9 mars qui a fait déplacer dans la Capitale trois jours durant sept patrons miniers du globe multi-milliardaires: RandgoldResources, Glencore, Ivanhoe Mines, Gold Mountain International, etc. Reçus ensemble par le Chef de l’État toute une après-midi, ils usent chacun de la menace, aucun n’est prêt à faire redécoller son jet sans avoir réglé le problème! Lequel? L’un d’eux pousse le bouchon plus loin afin qu’aucune équivoque n’existe plus: dès le lendemain de la mise en œuvre du nouveau code minier, dit-il au Président de la République devant des collaborateurs, le milliardaire laissera se déverser à l’Est du pays des groupes armés formés de ses employés jetés au chômage.
Il fallait le prendre au sérieux... Kabila l’a pris au sérieux.
ACQUITTE DONC!
Voici une épée de Damoclès suspendue au-dessus du pays, la justice internationale qui fait irruption quand on ne l’attendait pas, se déclenche comme un tonnerre basculant le cours de l’Histoire!
Par quelle magie la CPI condamne la CPI? Et pourquoi? Qui est à la manœuvre à la Chambre d’appel présidée - est-ce un hasard? - par la juge présidente belge anversoise, Christine Van den Wyngaert?
Le 21 mars 2016, Jean-Pierre Bemba avait été reconnu coupable par la Cour Pénale Internationale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Centrafrique et condamné à dix-huit ans de prison. La procureure de la CPI FatouBensouda avait fait appel de cette sentence la jugeant trop clémente mais Bemba avait également interjeté appel réclamant son acquittement pur et simple.
Invraisemblable! Vendredi 8 juin, àla majorité des juges, la CPI donne raison à Bemba, la Chambre d’appel, déclare.... la juge présidente belge anversoise «annule la déclaration de culpabilité de Jean-Pierre Bemba (...), met fin à la procédure pour ce qui est des actes criminels dont la Chambre de première instance a déclaré l’accusé coupable alors
même qu’ils débordaient du cadre des faits et circonstances de l’affaire. Pour le reste des actes criminels, la Chambre d’appel prononce l’acquittement de l’accusé car les erreurs relevées au chapitre des mesures nécessaires et raisonnables font entièrement disparaître sa responsabilité pénale».
Si la Chambre d’appel relève qu’en cas d’acquittement, la personne concernée est censée être immédiatement remise en liberté, Bemba déclaré coupable par cette Cour dans une autre affaire portant sur la subornation des témoins, n’est pas «immédiatement» libéré mais la juge belge demande à la Chambre de première instance concernée «de déterminer d’urgence si le maintien de Jean-Pierre Bemba en détention demeure justifié dans le cadre de l’affaire dont elle est actuellement saisie». Acquitté donc!
L’ancien-vice président du régime peut désormais quitter repartir dans son pays, prendre la course de la Présidentielle... En clair, narguer Kabila... trop inflexible aux yeux des Occidentaux?
Tremblement de terre au Congo! Que l’on appartienne à la majorité ou à l’opposition, on essuie les larmes de peine ou de joie...Rien ne sera plus jamais comme avant. Sur la scène politique, nouvelle redistribution des cartes. Si le Kasaï a toujours son Tshisekedi désormais démonétisé, le Grand Equateur voit son Mobutu de rêve - mais avec plus de férocité - de retour, Katumbi n’est plus désormais que l’ombre de lui-même. Sans aucun doute, l’étranger a joué... dans le chaos congolais qu’il a aidé à installer. Reste que la politique a de ces retournements. Elle est loin d’avoir dit son fin mot!
Comment expliquer une aussi longue procédure et une aussi longue détention - dix ans - qui aboutit à un non-lieu? Les premiers juges étaient-ils vraiment si... cons?
Le 8 juin 2018, à la lecture de l’arrêt de la Chambre d’appel par la juge présidente belge anversoise Christine Van den Wyngaert, comment ne pas croire?
Quelle douche froide pour la Chambre de première instance III avec son jugement du 21 mars 2016? Dans l’arrêt de la Chambre d’appel lu par la juge belge flamande, il n’y a que «la Chambre de première instance a commis une erreur de droit», «la Chambre d’appel relève que le jugement ne contient même aucune indication du nombre des actes criminels particuliers constitutifs de meurtre, de viol et de pillage que la
Chambre de première instance a jugés établis», «la Chambre de première instance a eu tort de déclarer Jean-Pierre Bemba coupable de ces actes», «la Chambre de première instance a eu tort de conclure qu’il (Bemba)n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou réprimer les crimes commis par les troupes du MLC, ou pour en référer aux autorités compétente», «la majorité des membres de la Chambre d’appel (...) a relevé d’importantes erreurs dans l’examen qu’a fait la Chambre de première instance», «la Chambre d’appel conclut que la Chambre de première instance a versé dans l’erreur...», «la Chambre de première instance a eu tort...», «la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant...», «la Chambre de première instance a eu tort de fonder son appréciation...», «la Chambre de première instance a eu tort de considérer...», «la Chambre d’appel conclut que ces erreurs ont sérieusement entaché la conclusion de la Chambre de première instance...». Etc. Etc.
L’affaire JP Bemba était-elle à ce point politique et son dénouement est-il par conséquent politique?
La «mesure appropriée» donnée par la juge belge flamande est sans appel: «La Chambre d’appel, à la majorité de ses juges, annule la déclaration de culpabilité de Jean-Pierre Bemba, met fin à la procédure pour ce qui est des actes criminels dont la Chambre de première instance a déclaré l’accusé coupable alors
même qu’ils débordaient du cadre des faits et circonstances de l’affaire. Pour le reste des actes criminels, la Chambre d’appel prononce l’acquittement de l’accusé car les erreurs relevées au chapitre des mesures nécessaires et raisonnables font entièrement disparaître sa responsabilité pénale».
Au fond, quel crime avait-il commis et contre quels intérêts pour que ce Congolais ait pu être gardé aussi longtemps dans une cellule loin des siens et pourquoi le libère-t-on aujourd’hui et pour servir quels intérêts? La justice et, en l’espèce, la justice internationale en sort-elle indemne? Depuis la divulgation des affaires libyennes par le site français d’investigation Médiapart, on savait que l’ancien procureur argentin de la Cour Pénale Internationale Luis Moreno Ocampo était loin d’être au-dessus de tout soupçon... Qui a-t-il servi?
D. DADEI.