- ven, 25/03/2016 - 04:12
Son redoutable chef reconnu coupable des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, l’ex-rébellion en voie de tirer sa révérence.
La responsabilité du commandant hiérarchique!
Pour la première fois dans l’histoire, un chef militaire est condamné pour viol comme crime de guerre. Il est condamné aussi sur la base de ses responsabilités de chef hiérarchique. «Jean-Pierre Bemba était en contact constant avec ses troupes. Il avait une ligne directe de communication, il pouvait donner des ordres», a soutenu la juge Sylvia Steiner, se basant sur des témoignages de ses anciens camarades de la rébellion du MLC, en réponse aux avocats de la défense selon lesquels, il n’existe aucune preuve d’un ordre donné par Jean Pierre Bemba à ses troupes envoyées en Centrafrique.
Pour Amnesty International, «ce jugement historique est un message clair que l’impunité pour les violences sexuelles en tant qu’outil de guerre ne sera pas tolérée». Human Rights Watch évoque l’important besoin de justice pour ces crimes en République démocratique du Congo d’où Jean Pierre Bemba est originaire.
Pour les défenseurs des droits de l’homme, il s’agit d’un message clair adressé à tous les chefs militaires et les leaders politiques qui n’empêchent pas leurs subordonnés de commettre de tels crimes. Le Soudan du Sud est particulièrement concerné par le message délivré à la CPI. Là bas, «des groupes alliés au gouvernement sont autorisés à violer les femmes en guise de salaire», selon un rapport publié par le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.
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AU PIRE LA PERPETUITE.
Quelque soit le niveau de peine que les juges de la Cour Pénale Internationale vont lui infliger «dans quelques semaines», le sort de l’ancien Vice-Président congolais du régie 1+4 en charge de l’Economie et des Finances est d’ores et déjà scellé. L’avenir de l’ancien chef de guerre qui a déferlé dans le nord du pays en Equateur et dans une partie de l’ex-province Orientale, après avoir rejeté l’offre de ses mentors ougandais et rwandais de rejoindre les Kivu ravagés par une précédente rébellion - celle du Rassemblement Congolais pour la Démocratie - est désormais plombé.
Après le oui des juges de la Haye unanimes aux cinq chefs d’accusation retenus contre lui, le fils gâté de Jeannot Bemba Saolona lui-même richissime homme d’affaires du régime Mobutu, né avec une cuillère d’argent dans la bouche, devient politiquement un has been. Reconnu coupable des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, il est pour la vie infréquentable.
L’homme devant qui son entourage se prosternait, dans une attitude à la fois d’adoration et de crainte, a à ce point vécu le prononcé du jugement comme une déchéance que cela s’est clairement vécu sur son visage et son épouse Liliane présente ne s’est pas trompée en s’effondrant en larmes. «Sa silhouette, toujours imposante n’a pas bougé.
Tout juste quelques regards ont trahi un désarroi ou un accès de colère lors de l’annonce du jugement», témoigne un journaliste du Monde à Paris présent dans la salle. Qui poursuit: «Après huit ans de détention, le visage poupin de Jean-Pierre Bemba s’est creusé de quelques rides mais le «Chairman» - comme l’appellent ses partisans, n’a pas laissé transparaître ses émotions lorsque la juge Steiner lui a signifié «la décision prise à l’unanimité de la chambre».
IL DISPARAIT DES RADARS.
Ou le tout puissant homme de l’ex-province de l’Equateur qui se prenait pour l’héritier naturel de Mobutu va écoper de trente ans de prison ferme ou, pire, estiment des proches du dossier, la perpétuité.
Quoi qu’il en soit, il disparaît des radars politiques et, s’ensuit, un avenir incertain pour son ex-rébellion transformée en parti politique. D’ores et déjà, le MLC déjà déserté est menacé d’implosion.
Il survivait encore suite à une propagande qui faisait rêver d’un nouveau Madiba sortant de Robben Island quand Nelson Mandela - costume gris rayé, chemise blanche, pochette et cravate - tenant son épouse Winnie par la main, sort de prison - à soixante kilomètres du Cap, le 11 février 1990.
Coupable et condamné par la CPI, Jean-Pierre Bemba se verra appliquer le Droit congolais pour qui «les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois (du pays)» (art. 215 de la Constitution). Or, le Congo a ratifié le Traité de Rome de 1998 qui crée la Cour Pénale Internationale, ce qui fait que les Congolais sont justiciables devant cette Cour.
Déjà, il verra son mandat de Sénateur interrompu. «Le mandat de Sénateur prend fin par (…)
9. Condamnation irrévocable à une peine de servitude pénale principale pour infractions intentionnelle» (art. 204 du Règlement Intérieur du Sénat, mars 2007).
Il ne saurait désormais dans tous les cas de figure ni être électeur, ni, du coup, être éligible et l’homme voit son destin présidentiel s’évanouir. «Nul ne peut être candidat à l’élection du Président de la République s’il ne remplit pas les conditions ci-après: (…)
3. jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques,
4. Ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale» (art. 72, Constitution de la République du 18 février 2006).
Que dit la loi électorale congolaise?
«Ne peuvent participer au vote les personnes qui se trouvent, le jour des élections, dans l’un des cas suivants: (…)
2. Les personnes privées par décision judiciaire définitive de leurs droits civils et politiques» (art. 7 de la loi n°15/001 du 1é février 2015 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011).
BENSOUDA DETERMINEE.
Puis: «Sans préjudice des autres cas d’exclusion prévus par la présente loi, nul ne peut être candidat à l’élection présidentielle, s’il ne remplit les conditions ci-après: (…)
3. Jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques» ((art. 103 de la loi n°15/001 du 1é février 2015 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011).
Puis: «Le candidat à l’élection présidentielle fait acte de candidature auprès de la Commission électorale nationale indépendante. (…) Sont jointes à la déclaration de candidature les pièces ci-après:
(…)
2. Un extrait de casier judiciaire en cours de validité (art. 104 de la loi n°15/001 du 1é février 2015 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011).
Puis: «Ne peuvent participer au vote les personnes qui se trouvent, le jour des élections dans l’un des cas suivants: (…)
2. Les personnes privées par décision judiciaire définitive de leurs droits civils et politiques» (art. 7 de la loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011).
Puis: «Sans préjudice des textes particuliers, sont inéligibles:
1. Les personnes privées de leurs droits civils et politiques; 2. Les personnes condamnées par un jugement irrévocable pour crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l’humanité,
3. Les personnes condamnées par un jugement irrévocable de chef de viol, d’exploitation illégale des ressources naturelles, de corruption, de détournement des deniers publics, d’assassinat, de torture, de banqueroute et les faillis» (art 10 modifié par l’art. 1er de la Loi n°11/003 du 25 juin 2011 modifiant la Loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011). Certes, en théorie, il reste encore à Bemba un semblant d’espoir. Jean-Pierre Bemba dispose en effet d’un mois - qui court depuis lundi 21 mars - pour faire appel du jugement. Encore faut-il qu’il accepte de se faire détrousser par des avocats qui n’auront aucun scrupule à le convaincre à interjeter appel. Qui n’ose rien n’a rien! Dans cette hypothèse, il faudra attendre la décision du juge d’appel.
AVEC QUI ET DANS QUELS BUTS?
Mais si l’impossible n’est pas possible, à considérer l’unanimité des juges, la détermination de la procureure Fatou Bensouda de faire de cette affaire un exemple - pour Amnesty International comme pour Human Rights Watch, il s’agit d’un message clair adressé à tous les chefs militaires et les leaders politiques qui n’empêchent pas leurs subordonnés de commettre de tels crimes - tout comme le contexte dans lequel se déroule ce procès, comment parier raisonnablement, sauf à être naïf, sur une relaxe possible de cet homme? En province de l’Equateur - son fief biologique - comme dans la Capitale Kinshasa - son autre fief - nombre d’élus ont déjà tourné la page du parti de l’insecte. Nombre ont rallié d’autres partis ou ont créé un autre parti… Sa secrétaire générale, la Députée (de Kisangani) Eve Bazaïba - une ancienne de l’UDPS - qui a annoncé depuis La Haye le 11 mars la convocation d’un Congrès extraordinaire du MLC sait de quoi elle parle. Alors qu’elle le voyait prendre la course d’une Présidentielle annoncée, l’élue écarte désormais la question. Le plus important aujourd’hui, «c’est sa famille, la politique passe après». Au Congrès, il s’agira de voir si par miracle le parti de Jean-Pierre Bemba peut survivre à son puissant et financier chef. Avec qui et dans quels buts? Ce serait une exception dans l’histoire des partis politiques africains…
D. DADEI.