- jeu, 20/03/2025 - 12:28
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1632|JEUDI 20 MARS 2025.
Cela se passe en plein le mois de mars, le mois consacré à la femme avec sa date du 8 mars célébrée dans nombre de pays dans le monde depuis son officialisation en 1977 par les Nations Unies qui en a fait la Journée internationale des femmes, incitant tous les pays du monde à fêter les droits des femmes.
C'est à cette période si opportune pour la femme particulièrement célébrée à travers le monde que trois sénatrices congolaises décident de se rendre en France, à Paris, pour ouvrir des portes, parler, mobiliser la société civile française mais aussi les autorités de l'Hexagone, des parlementaires, des membres du Gouvernement, sur la guerre d'agression que mène le Rwanda, pays voisin du Congo, contre le Congo.
Les trois parlementaires, Vicky Katumwa Mukalay élue de la province du Tanganyka, l'une des provinces du Grand Katanga, Arlette Bahati Tito élue de la ville-province de Kinshasa, originaire du Sud-Kivu en guerre, Madeleine Nikomba Sabangu, élue de la Tshopo, déjà sénatrice de la Tshopo, dans la Grande Orientale du 15 mars 2019 au 6 août 2022, gouverneure de la province du 22 août 2022 à avril 2024.
Trois femmes «de premier plan» accompagnées à leurs rendez-vous à Paris, par deux dames, Louisa Mezreb, experte en innovation sociale, Directrice Générale du groupe Facem, Nadia Bey, journaliste et grand reporter de la Radio Orient, animatrice des émissions Voies de Femmes et Sans Transition, propriétaire d'une chaîne de radio-télévision Fâme, présidente de l'association les Sans Voix, la Voix des Sans Droit.
PUNCLINES DE VICKY KATUMWA.
«La France ne dit pas un seul mot de la guerre d'agression menée par le Rwanda contre la République Démocratique du Congo. La France ne prend pas position. Elle est muette. Elle est trop silencieuse. La France ne peut pourtant pas se taire. Le silence est une forme de balle. Cela nous met mal à l'aise. Nous, République Démocratique du Congo, un grand pays francophone au cœur de l'Afrique (...).
Nous sommes venus en France expliquer à la société civile française, interpeller le Gouvernement français, déconstruire l'histoire ». C'est l’un des punchlines de la Sénatrice Vicky Katumwa Mukalay au cours de l’émission l'Entretien du Jour diffusée sur la chaîne de télévision Télé-Sud, l'une des interviewes qu’elle a accordées lors de sa visite en France. Une Vicky Katumwa Mukalay connue pour la puissance de son verbe, celle de sa verve oratoire lors des plénières dans les chambres parlementaires et où qu'elle prenne la parole, montant parfois le ton lors de cette interview voulant se faire mieux entendre, qui montre «la gravité de la situation que traverse notre pays».
Quand «les États-Unis d’Amérique prennent position, se prononcent, demandent au Rwanda qu'il arrête les massacres qu'il commet en République Démocratique du Congo, appellent au retrait de ses troupes du sol congolais, la France ne dit rien ; la France doit se prononcer», surenchérit sa collègue Arlette Bahati Tito sur le même média français.
Interrogée par la journaliste Télé-Sud sur l'appel du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à former un Gouvernement d'Union nationale et si cet appel a une chance d’aboutir en réglant un problème ou s'il ne s'agirait pas d'un simple jeu politique quand la guerre que le Rwanda mène au Congo appelle le Congo à aller plus loin dans les mesures à prendre par le Gouvernement, la sénatrice Vicky Katumwa Mukalay a ces mots : «notre Président (Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, ndlr) est un rassembleur.
C'est pour cela qu'il invite tous les Congolais, de tous les partis politiques sans exception, à adhérer à sa vision de mettre en place un Gouvernement d'Union nationale ».
Elle explique le but de sa présence en France en compagnie de ses deux collègues.
«La formation d'un Gouvernement ne va pas nous empêcher comme représentants du peuple de rechercher la paix. La question (de la guerre que le Rwanda livre au Congo, ndlr) concerne nos électeurs. Ceux qui nous ont élu. Nous avons été élues dans ces espaces-là. Nous sommes, comme vous l'avez si bien dit, issues des provinces proches, l'une vient du Kivu, l'autre de la Tshopo, et moi du Tanganyka.
Lorsqu'un malheur atteint le Kivu, cela m'atteint moi directement dans le Tanganyka, comme cela atteint directement nos frères et sœurs de la Tshopo», poursuit-elle. Et, avec puissance d'expliquer : « Nous avons résolu de venir ici en France pour rechercher la paix. Le Président va faire sa part.
Nous, nous faisons notre part comme élues, nous faisons notre part comme Sénat. Nous sommes en train d'expliquer l'histoire. Nous sommes en train de chercher à déconstruire l'histoire parce que le Rwanda a construit un mythe à travers le monde entier, expliquant aux uns et aux aux autres - à ceux-là qui veulent entendre - que le Rwanda est victime d'un génocide. Mais aujourd'hui, le Rwanda n'est pas victime, c'est la République Démocratique du Congo qui est victime parce que le Rwanda est sur notre territoire.
Le Rwanda est un bourreau parce que le Rwanda est sur notre territoire. C'est le Rwanda qui se bat contre l'armée de la République Démocratique du Congo. Ce n'est pas le M23 parce que cette milice n'est qu'un supplétif, comme on dit, cette milice est entraînée par les militaires rwandais qui mettent à l'avant-plan les marionnettes congolaises qui se battent et tuent leurs frères et sœurs. Les femmes sont tuées, Madame. Toutes les trois minutes, les femmes tombent. Toutes les trois minutes, les femmes sont violées (...)».
Cette mission de la femme et du Sénat a «trouvé une oreille attentive», déclare Vicky Katumwa Mukalay. «Il y a déjà un comité de justes pour la recherche durable qui est mis en place, constitué d'hommes et de femmes de la société civile qui veulent soutenir cette voix de la République Démocratique du Congo qui n'a jamais été entendue ».
Les trois sénatrices assurent qu'elles vont « porter encore plus haut cette voix à la France, pays de Marianne», figure de femme combattante coiffée du bonnet phrygien, qui brandit le drapeau tricolore sur les barricades, visage choisi pendant la Révolution française pour représenter la Liberté et la République, expliquant disposer de beaucoup de soutiens.
QUID DU DIALOGUE AVEC LES REBELLES.
Sur le dialogue avec les rebelles du mouvement M23, Vicky Katumwa Mukalay est sans concession, déclare que le dialogue ne va pas résoudre un problème.
«Nous avons besoin de la paix. Les armes ne vont rien résoudre. Le Congo a toujours dialogué. Nous n'avons jamais fermé la porte au dialogue. Le dialogue est notre mode opératoire. Nous Congolais, nous Africains, on ne ferme jamais la porte. Mais il y a eu dans le passé plusieurs dialogues, plusieurs accords signés.
Nous, nous voulons mettre fin aux négociations de façade qui ont donné lieu à des brassages après brassages, à des mixages, où ils font entrer leurs frères - des militaires rwandais - dans l'armée. Et, l'armée dispose de plus de Rwandais que de Congolais. Quand arrive un combat, ils ne fournissent aucun effort ; ils leur font prendre des villes. Avec ce Comité des Justes pour la recherche de la paix durable, nous ne voulons plus de brassages, de mixages où l'on prend des militaires que l'on injecte dans l'armée de la République Démocratique du Congo. Voilà qui fragilise notre armée», déclare la sénatrice.
Sur le ressenti dans le Sud Kivu, la sénatrice originaire du Sud-Kivu Arlette Bahati Tito explique.
«Actuellement, la situation au Sud-Kivu est tragique. Comme vient de le dire la collègue Vicky Katumwa Mukalay, c'est soixante viols par jour, des jeunes filles et des jeunes garçons. Nous avons suffisamment de preuves. Quand vous êtes une femme (s'adressant à la journalistes, ndlr), comment pouvez-vous accepter que votre fils couche avec vous, devant votre mari. C'est inhumain. Le viol est utilisé comme arme de guerre.
Cela doit être dénoncé avec fermeté. Les femmes sont devenues comme dans un champ de bataille. Elles sont en première ligne. C'est désormais au-delà des six millions de femmes violées dont on parlait. Il est important que la France prenne conscience.
Nul ne peut regarder ce qui se passe aujourd'hui dans les Kivu. Nul ne peut regarder une seule de ces horribles photos qui montrent continuellement les massacres des femmes. Nous, les femmes, nous sommes là pour en parler, pour dénoncer. Nous devons placer les mots qu'il faut afin que le public soit mobilisé. Nous devons faire bouger les lignes », poursuit Vicky Katumwa Mukalay.
«De retour au pays, nous allons faire le relais. Nous avons rencontré des jeunes français et les parlementaires. En France, la jeunesse est mobilisée. Le mouvement a commencé. Nous avons commencé. Nous sommes les membres à part entière de la Francophonie. Nous sommes dans le lobbying. Nous sommes ici parce que nous parlons la même langue. Et nous sommes à l'aise. Mais demain, nous nous rendrons à Bruxelles, puis à Londres. Nous sommes dans cette plaidoirie de reconstruction ».
Interrogée sur le lien tissé entre ce qui se passe entre Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et Donald Trump, il s'agit «du pouvoir discrétionnaire du Chef de l'État, mais le Parlement aura un mot à dire. Mais au moins l'Amérique prend position. Elle dit qu'on doit arrêter les massacres en République Démocratique du Congo».
D. DADEI.