La France classe les bons et les mauvais coups d'Etat
  • lun, 04/09/2023 - 23:21

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1592|LUNdi 04 SEPTEMBRE 2023.

 

La France ne s'est jamais trompée d'ennemis. C'est la leçon à retenir dans les jugements que l'on se fait à Paris sur la situation entre Niamey et Libreville. Certes, Paris a annoncé suspendre ses activités de coopération militaire avec le Gabon mais c'est seulement «en attendant que la situation politique se clarifie». Pas plus. Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a fait cette annonce dans le quotidien français Le Figaro alors que 400 soldats français sont stationnés en permanence au Gabon. Le général Brice Oligui Nguema, nouvel homme fort du pays, a fermé la porte à l’ancienne opposition qui lui demandait de remettre le pouvoir aux civils. L'homme qui a renversé le président Ali Bongo Ondimba, a promis, vendredi 1er septembre, des institutions « plus démocratiques » et respectueuses des « droits humains », mais sans « précipitation ». Il doit prêter serment en tant que « président de la transition » lundi 4 septembre.

Lors de rencontres menées à un rythme effréné avec « les forces vives de la nation », des partis, le corps diplomatique, les organisations internationales et les bailleurs de fonds, le militaire a insisté sur le fait qu’il voulait rassurer à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Il a également ciblé « la corruption » de l’ancien pouvoir de M. Bongo, dont la famille dirigeait ce petit État d’Afrique centrale riche de son pétrole depuis plus de 55 ans. Mais en promettant une nouvelle Constitution et un nouveau code électoral, le nouvel homme fort du Gabon a aussi fermé la porte aux principaux partis de l’ancienne opposition qui l’exhortaient à rendre le pouvoir aux civils. Ils lui demandaient de le confier à Albert Ondo Ossa, officiellement arrivé deuxième à la présidentielle du 26 août, mais qui revendique la victoire, accusant l’ancien régime de fraudes.

 

MÊME TON SUR LES MÉDIAS FRANçAIS.

L’armée dit d’ailleurs avoir perpétré son putsch mercredi parce que les résultats proclamant M. Bongo réélu avaient été truqués. La junte a fustigé la «gouvernance irresponsable et imprévisible» du président déchu. Le général avait convié vendredi le corps diplomatique et les organisations internationales, mais les pays, occidentaux et africains notamment, qui avaient condamné le coup d’État, n’ont pas dépêché leurs ambassadeurs mais des diplomates de rang inférieur.

Le ministre français des Armées différencie les coups d’État au Gabon et au Niger. « La France condamne tous les coups de force (…) Pour autant, nous ne pouvons pas mettre sur le même plan la situation au Niger, où des militaires illégitimes ont destitué un président légitimement élu, et celle du Gabon, où le mobile avancé par les militaires est précisément le non-respect de la loi électorale et de la Constitution. Car de fait, et, je pèse mes mots, il existe des doutes sur la sincérité des élections dans ce pays », a souligné le ministre français.

Même ton sur les médias français qui condamnent avec véhémence le coup de force de Niamey, appelant publiquement l'intervention armée française aux côtés des troupes de la Cédéao mais soutiennent le putsch des militaires de Libreville qui d'ailleurs ont rouvert France 24, TV5 et Rfi fermées par le président déchu.

Le leader du putsch a affirmé que la dissolution des institutions était «temporaire», assurant qu’il s’agissait d’en faire « des outils plus démocratiques », notamment en « matière de respect des droits humains, des libertés fondamentales, de la démocratie et de l’État de droit, mais aussi de la lutte contre la corruption qui est devenue monnaie courante dans notre pays ».

Devant la société civile, le général Oligui, chef de la toute-puissante garde prétorienne de la famille Bongo, a promis une nouvelle Constitution, et un nouveau code électoral, mais sans « confondre vitesse et précipitation ». « Qui va lentement, va sûrement », a-t-il asséné.

  1. Bongo est en résidence surveillée à Libreville depuis le coup d’État. Sylvia Bongo, son épouse, franco-gabonaise, est détenue au secret, ont indiqué ses avocats vendredi en annonçant avoir déposé une plainte en France pour détention arbitraire. Lors d’un discours jeudi, mais retransmis vendredi par les télévisions d’État, le général Oligui a sermonné plus de 200 chefs d’entreprises gabonaises en accusant certains d’avoir alimenté la corruption au sommet du pouvoir.

Le regard noir, le militaire leur a reproché un manque de « patriotisme », les a sommés de « se remettre en cause » et de « stopper » la pratique répandue de la « surfacturation » dans les contrats avec l’État, donnant lieu à des rétrocommissions à de hauts responsables. Il a agité la menace de poursuites.

Au même moment, les télévisions publiques diffusaient des images de l’un des fils du président déchu, Noureddin Bongo Valentin, et d’autres jeunes proches de lui « et de la première dame », hauts responsables du cabinet de M. Bongo, tous arrêtés le jour du putsch. Ils étaient montrés devant des malles, des cartons et des sacs débordant de liasses de billets de banque pour des « milliards de francs CFA » (millions d’euros).

Les putschistes les accusent - Noureddin Bongo inclus - de « haute trahison », « détournements massifs de deniers publics » et « falsification de la signature » du chef de l’État. À Paris, vendredi, les avocats de l’ex-première dame Sylvia Bongo ont déposé plainte pour « détention arbitraire » avec un autre de ses fils, Jalil. « Elle est retenue dans un endroit indéterminé au Gabon», a assuré dans la capitale française Me François Zimeray. Les avocats « exigent » l’autorisation de « visites » de membres du Consulat général de France à Libreville. Sylvia Bongo et son fils Noureddin étaient les cibles, ces dernières années, d’accusations de l’opposition, de la société civile et de médias affirmant que, depuis un grave AVC en 2018, Ali Bongo était affaibli et « manipulé » par certains de ses « proches ». Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père, Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans et constituait l’un des piliers de la « Françafrique », puis réélu difficilement en 2016, dans un scrutin que l’opposition dénonçait déjà comme truqué.

avec AGENCES.

 

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