- ven, 19/06/2020 - 01:31
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1489|VENDREDI 19 JUIN 2020.
Dans le conflit qui envenime comme sans doute jamais auparavant la coalition CACH-FCC au pouvoir après une rixe le 25 mai opposant des députés en plein vote dans l’enceinte de la Chambre basse suivi de la déchéance à la hussarde du 1er Vice-président du bureau, le CACH-UDPS Jean-Marc Kabund-a-Kabund, hors de toute existence sur papier et donc légale de la plate-forme présidentielle CACH, le dossier se trouvant sur la table du Président de la République, autorité morale de celle-ci, les diverses positions exprimées par le patriarche Kitenge Yesu au titre de Haut-Représentant du Président de la République doublé d’Envoyé Spécial, depuis l’éclatement de ce conflit, auront servi de marqueur pour les observateurs avisés.
Dans une présentation attachée à son compte Twitter @KitengeYesu, l’homme de longue et grande expérience politique de l’Etat depuis les années Mobutu quand il fut un très influent ministre des PTT puis de l’Information, ici tenant le porte-parolat, surtout aux dernières années d’un Maréchal où il occupait une position centrale, arbitrant sautes d’humeur et conflits entre politiques et généraux de l’armée, a étalé sa perception, lundi 15 juin, en plein affrontement à fleurets mouchetés CACH-FCC.
Dans ce texte en onze points intitulé «à propos du bouclage du pourtour de l’Assemblée nationale ce 12 juin 2020», il apprécie «hautement, à sa juste valeur, la démarche de Mme Mabunda» qui venait de se rendre ce même jour auprès du Président de la République «et la solution d’apaisement qui a été trouvée. Le Congo est à nous tous. Un seul Président : Fatshi. Une seule Nation: RD. Congo. Une seule Assemblée : l’Assemblée Nationale et c’est pour cela qu’elle se nomme ainsi car elle assemble nos Honorables Députés de toutes origines et de toutes couleurs, de toutes colères».
De poursuivre : «Quand des situations semblent se compliquer, la politique doit toujours avoir le dessus sans porter préjudice à la Loi du Dialogue, même des signes. Quant aux noms d’oiseaux dont on affuble le Président, Il a le dos assez large, une carapace épaisse. Faire du tac au tac, c’est amplifier et prolonger des œuvres inutiles. De plus, beaucoup font leur apprentissage démocratique, la vraie, après 50 ans de tâtonnements entrecoupés par des faux semblants».
Il poursuit son texte, se référant, comme à son habitude, à un proverbe, cette fois, chinois (l’un des pays qu’il connaît pour y avoir séjourné des années durant pendant les années d’opposition anti-Mobutu, avec Confucius, sage philosophe, premier éducateur de la Chine) : «Un bon chef de famille, c’est celui qui se montre un peu sourd».
ARDENT APPEL
A LA TEMPERANCE.
De repartir : «Mais, n’exagérons pas car Il est le symbole de la Nation: le Seul. Comme le drapeau, même quand il arrive que des inciviques le brûlent, ils ne peuvent en créer d’autres. Il ne se défend pas, le Drapeau, il s’impose à tous, tout comme l’hymne national. C’est la trilogie : Président-Drapeau-Hymne». Puis : «Les architectes de l’Alternance sont ceux-là mêmes de la Coalition. Ils ont réussi là où c’était impossible. Dès lors ont-ils le droit ou l’intérêt d’étouffer leur enfant? La Nation les condamnera pour infanticide national ou violation du droit à la vie des Congolais»!
Dans ce dossier, le Haut-Représentant et Envoyé Spécial avait dès le 29 mai, montré un cap, recourant à la plate-forme de communication de prédilection Tweeter, à l’instar de l’Américain Donald Trump, sans toutefois chercher à en abuser.
Il écrit : «La destitution du 1er VP de l’AN est une mauvaise idée. La colère, mauvaise conseillère ; mais, contrôlée, elle peut être une force quelque part. La priorité c’est l’état des lieux franc de la coalition. Je suggère humblement au SG de geler le point 3 de sa déclaration du 28».
Il exhortait avec force et conviction, mais avec respect, à la tempérance, les camps CACH et FCC. Surtout ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Après l’arrêt de procédure du Conseil d’Etat rendu public le 10 juin qui venait de bloquer le processus de remplacement au bureau de la Chambre du 1er Vice-Président Jean-Marc Kabund-a-Kabund par la mise aux voix de la candidature de la députée CACH-UDPS Patricia Nseya Mulela prévue pour vendredi 12 juin et choisie avec le consentement de l’Autorité Morale de la plate-forme CACH - le Président de la République lui-même - et présentée à l’administration de la Chambre, par le Secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya Tshilumba, la Cour constitutionnelle, en venant au fond, a rejeté mercredi 17 juin la requête du président a.i de l’UDPS qui réclamait l’annulation de la décision de la plénière de l’Assemblée nationale prise le 25 mai ouvrant du coup la voie au plébiscite de l’élue de Likasi, au Haut-Katanga.
Si la requête a été jugée «recevable», la Haute Cour en est arrivée à la qualifier de «non fondée». Sur sept juges, 5 auraient voté contre la requête. Quel sort pour le député pétitionnaire MLC Jean-Jacques Mamba sous le coup d’une inculpation par le procureur général près la Cour de cassation? C’est un autre dossier qui pourrait rebondir lors des vacances parlementaires aujourd’hui interdites avec l’état d’urgence dû à la COVID-19.
Pendant un mois, l’affrontement Kabund-Mabunda aura mis à rude épreuve la coalition au pouvoir avec la montée en première ligne des politiques et des juristes souvent des professeurs d’université.
Quand certains voyaient de mauvais l’œil «l’intrusion des juges» en politique, parlant d’instauration inacceptable d’«un gouvernement des juges», de violation de lieu inviolable qu’est le siège du Parlement avec l’intervention des forces de l’ordre bloquant l’entrée des députés dans leur enceinte, craignant le retour d’un régime totalitaire, d’autres faisaient valoir le fait que «le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif» (art. 149); que «le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens»; que «les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi (art. 150); que, last but not least, «le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur des différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s’opposer à son exécution» (art. 151) outre le fait que le «Conseil d’Etat connaît, en premier et dernier ressort, des recours pour violation de la loi, formés contre les actes, règlements et décisions des autorités administratives centrales» (art. 155, al. 1).
Dans ce texte très élaboré, signe d’une situation politique volatile inédite et qui dénote d’un réel leadership, Kitenge Yezu commente également la décision du Conseil d’Etat qualifiée de conforme tant à la Constitution ainsi qu’aux lois et règlements du pays. Il explique que lorsque le Pouvoir législatif s’oppose à l’exécution d’une décision de justice, cet acte est qualifié de «rébellion» par le Code Pénal.
Puis, achève-t-il, «il appartient au Procureur général près le Conseil d’Etat, en tant que ministère public près ce dernier, d’accomplir tous les devoirs de son ministère notamment de veiller à l’exécution des décisions de cette haute juridiction (art. 35 Loi organique précitée), ce, au nom du Président de la République (art. 149 al. 4 de la Constitution)».
Récapitulant le conflit, le Haut-Représentant et Envoyé Spécial explique que le 25 mai 2020, l’Assemblée Nationale a voté une pétition de déchéance du Premier Vice-président «sans lui avoir donné l’occasion de présenter ses moyens de défense» (art. 19 + 61 de la Constitution) et sans que le vote ait atteint la majorité de deux tiers de présence exigée (art. 73, Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale).
L’intéressé a attaqué en référé-liberté devant le Conseil d’Etat, non pas le vote de déchéance lui-même (celui-ci étant attaqué plutôt devant la Cour Constitutionnelle), mais la décision de la la Présidente de la Chambre basse, Mme Jeannine Mabunda Lioko fixant le calendrier de l’élection et de l’installation du nouveau Premier Vice-Président de l’Assemblée nationale ainsi que la lettre-décision du Secrétaire général de cette institution demandant la restitution des clés, bureaux et biens de l’Assemblée Nationale.
En tant qu’ils sont pris par ces deux autorités administratives, la Présidente de l’Assemblée nationale agissant ici en tant qu’autorité administrative, ces deux actes administratifs sont de la compétence du Conseil d’Etat, juge desdits actes, et c’est à son droit que celui-ci a décidé de la suspension des effets des deux décisions précitées en attendant le futur arrêt de la Cour Constitutionnelle».
«Face à la décision de l’Assemble Nationale de critiquer et de refuser d’exécuter cette décision de justice (Cfr la déclaration inappropriée de son 2ème Vice-président la veille), le Conseil d’Etat, par son Procureur général, n’avait pas d’autre choix que de requérir la force publique en vue d’assurer l’exécution de sa décision, en empêchant l’Assemblée Nationale de tenir sa séance électorale».
Du coup, pour Kitenge Yesu, l’intervention des forces de l’ordre devant le Palais du Peuple est «conforme à la Constitution et aux lois du pays, et l’Assemblée Nationale n’a à exciper ni du principe de la séparation des pouvoirs (celui-ci n’excluant pas le contrôle des uns et des autres) ni du principe de l’inviolabilité de son siège (ce principe de rang réglementaire ne prévalant pas sur les principes supérieurs consacrés par la Constitution et par les lois)».
T. MATOTU.