Dans l’affaire Minembwe, un ministre du Sud Kivu assène un coup de grâce au ministre Ruberwa
  • jeu, 22/10/2020 - 18:02

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1504|JEUDI 22 OCTOBRE 2020.

Un ministre provincial de l’Intérieur du Sud-Kivu a contredit étonnamment les dépositions publiques du ministre national Azarias Ruberwa Manywa faites devant les députés nationaux - donc devant la Nation qu’ils représentent - qui l’interrogeaient lundi 19 octobre sur l’installation d’un bourgmestre de commune, celle de Minembwe, sur les Hauts Plateaux du Sud-Kivu, dont il est lui-même originaire. Une tentative de passage en force pour le ministre en charge de la Décentralisation et des Réformes institutionnelles.

UNE EXCEPTIONNELLE
LONGEVITE POLITIQUE.
Une véritable catastrophe de gestion de l’image... Certes, les Congolais ont déjà vaincu le Rwanda. Sous Juvénal Habyarimana accusé de génocide anti-Tutsi, la force d’élite mobutiste DSP fit fort dans les bananeraies rwandaises.
Le 2 octobre 1990, dès les premiers assauts, elle stoppait une colonne du FPR venue de l’Ouganda voisin contrainte de faire demi tour.

Saint-Cyrien, combattant de première force, feu général Donatien Mahele Lieko Bokungu assassiné le 16 mai 1997 à la veille de l’entrée des forces de l’Afdl à Kinshasa, conduit un contingent de la DSP, la Division Spéciale Présidentielle, inflige au FPR, dès le premier jour des combats, une cinglante défaite qui coûte la vie au commandant en chef et fondateur du FPR, Emmanuel Gisa dit Fred Rwigyema. Rwigyema célébré désormais au Rwanda tous les 2 octobre, comme un héros, se trouvait à la tête d’une colonne armée de 10.000 hommes.

Démoralisé, le mouvement anti-Habyarimana doit faire appel à Paul Kagame en formation dans une académie militaire aux Etats-Unis pour reprendre la main de la lutte armée qui allait enfin voler de victoire en victoire.
Mais Mobutu malade, délaissé par ses soutiens occidentaux - la conférence nationale souveraine et les demandes démocratiques l’a affaibli - le pays va perdre face à la rébellion de l’Afdl soutenue par le Rwanda qui le chasse du pouvoir le 16 mai 1997. Une revanche pour le Rwanda qui enregistre une autre victoire, infligée contre le chef de l’Afdl Laurent-Désiré Kabila qu’il avait porté au pouvoir. Le Rwanda soutient alors une myriade de rébellions, le RCD-Goma et ses tentacules (RCD-KML, RCD-Kisangani, KCD-L, etc.).

Certes, l’assassinat du président congolais le 16 janvier 2001 dans le bureau de sa résidence officielle reste à élucider. Mais, face au Congo, le Rwanda mène par deux victoires contre une et les Congolais volontiers réclament un match retour alors qu’entre Kigali et Kinshasa, on vit un moment de réchauffement des relations depuis l’avènement de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Mais voici que survient le dossier Minembwe qui ne pouvait trop mal tomber pour celui qui fut Afdl, fut président du RCD-Goma case rébellion, est président ou Autorité morale du RCD muté en parti politique...

En politique, c’est le langage des signes qui prévaut toujours. Le ministre Azarias Ruberwa Manywa a beau s’expliquer avec brillance, des heures durant - « ma mission (à Minembwe) était nationale, et je l’ai exécutée en âme et conscience ; il n’est pas juste qu’un ministre que je suis au niveau national réponde des actes posés en présence du gouverneur, par le ministre compétent qui a la question dans ses attributions» - ; il a beau montrer sa bonne foi, des heures durant - «pour ce qui est de la balkanisation, il s’agit d’une accusation sans fondement; je ne me reconnais ni de près, ni de loin dans ce concept ; dans tous les cas, à mon égard, il s’agit d’une pure invention; il n’y a pas eu de députés nationaux, ou des ministres au niveau national, qui soient partis pour l’installation du bourgmestre; ils n’ont pas procédé à l’installation, à moins d’extraire le terme coïncidence de la race humaine ».

Que cela soit devant la représentation nationale comme cela l’a été lundi 19 octobre à la suite de l’interpellation (question orale avec débat) du député d’opposition lamukiste proche de l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe, élu du Nord Kivu, Muhindo Nzangi Butondo, devant les partis de la plateforme FCC, devant ses collègues ministres du Gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba, devant mille médias, radios, télévisions, sites en lignes congolais et étrangers, sur YouToube, etc., comment croire lorsqu’il s’agit de celui qui, quand ses rébellions Afdl et RCD avaient franchi la frontière congolaise par Gisenyi vers Goma ou par Cyangugu vers Bukavu, disait qu’il n’en était absolument rien, que tout cela était de la simple mystification congolaise?

Dans ce nouveau débat qui fait rage, n’a-t-il pas compris qu’il ne s’agit ni de Minembwe, ni des Banyamulenge, ni des Tutsis congolais, mais de lui?
Celui qui dirigea l’une des vice-présidences du régime 1+4 quand trois de ses collègues sont aujourd’hui des has been, ont quitté la scène et la terre - Abdoulaye Yerodia Ndombasi, Arthur Z’Ahidi Ngoma mais aussi Jean-Pierre Bemba Gombo, celui-ci mis hors circuit politique par la CPI où il passa 10 ans pour des crimes de guerre perpétrés en Centrafrique - comment expliquer, justifier, la résilience, mieux, l’exceptionnelle longévité politique de Ruberwa?

Résiste-t-il en politique de droit - du fait de son poids politique au Congo mais lequel poids politique, celui des armes? - ou du fait d’être issu d’une minorité ethnique bannie - mais bannie par qui donc et où, au Congo ? - et cela serait écrit dans quel texte de loi ?

LE MINISTRE A MENTI AUX ELUS, A LA NATION.
Alors que nombre de ses collègues membres du FCC, le Front commun pour le Congo, vivent d’aumône quand le débat fait rage au sein de la plateforme politique kabiliste sur la gestion des ressources humaines et sur des poids décernés à la tête du client, comment expliquer le grand train de vie que mène Me Azarias Ruberwa Manywa, né le 20 août 1964 à Gisenyi, district de Rubavu, au Rwanda, diplômé de droit de l’Université de Lubumbashi en 1989, inscrit au barreau de Lubumbashi le 7 août 1990, Vice-président du pays en charge de la Commission politique, défense et sécurité de juin 2003 à décembre 2006, candidat Président de la République en 2006, présent dans tous les cénacles politiques nationaux, dans le très fermé Comité de suivi des accords FCC-CACH dont il serait l’un des gardiens du temple et pourquoi?

N’a-t-il pas profité de cet éternel statut pour jouer de l’influence et réquisitionner qui il veut, ministre de la Défense, Gouverneur de province, officiers de l’armée voire le chef d’état-major des forces armées et, pire, des diplomates étrangers dont le plus emblématique de Kinshasa, l’Américain Mike «Nzita» Hammer?

Comment expliquer que le poste au Gouvernement qui lui reviendrait de droit serait celui de ... la Décentralisation et des Réformes institutionnelles mais ce poste inamovible n’est-il pas en soi hautement suspect? Comment le membre d’une ethnie révendicative et, aux yeux de certains de ses corégionnaires, vindicative, peut-il se trouver des années durant à la tête d’un ministère de la Décentralisation et des Réformes institutionnelles comme si celui-ci avait été créé pour lui?

N’est-ce pas un message envoyé au pays, au monde, à l’Histoire que cet homme a mission de régler la question de sa communauté et, en même temps, comment ne pas comprendre ceux qui lui font le procès - en premier ses covoyageurs - disent qu’il les aurait piégés en faisant coïncider leur passage sur les Hauts Plateaux au sien, dans ce Sud-Kivu qui s’est toujours déchiré à chaque fois qu’approchent des échéances électorales, réel enjeu politique à l’Est?

Ce que d’ailleurs confirme le ministre provincial de l’intérieur du Sud-Kivu, Lwabanji Lwasingabo, qui note qu’à l’assemblée nationale, le ministre a «défaussé sur le gouvernement provincial du Sud-Kivu, une façon pour lui de refuser d’assumer ses responsabilités». « C’est le ministre de la Décentralisation Azarias Ruberwa Manywa qui a, alors que nous étions à table la nuit de notre arrivée à Minembwe, le 27 septembre 2020, demandé au gouverneur de province de procéder à l’installation du bourgmestre de cette commune.

C’était en présence du ministre de la Défense nationale», écrit-il dans un communiqué de presse diffusé aussitôt la séance parlementaire suspendue. « Le gouverneur de province a objecté poliment en relevant le caractère superflu de cette installation étant donné que le bourgmestre était déjà en fonction depuis février 2019. Le gouvernement provincial que dirige le gouverneur Théo Ngwabidje n’a été investi que le 10 juin 2019.

Qui plus est, cette activité ne figurait pas sur son agenda au départ de Bukavu. Le ministre d’Etat est revenu à la charge le lendemain matin tout comme la communauté Banyamulenge au cours de l’entretien que cette dernière a eu avec le ministre de la Défense nationale».

Catastrophe ! Le ministre a donc menti aux élus, à la nation congolaise. Le Chrétien, l’évangéliste, le préparateur des National BreakfastPrayers r-dcongolais voit son étoile s’en aller, en perd des grades...

LE RAPPORT MAPPING PORTE DENIS MUKWEGE.
C’est vrai, le hasard n’a jamais existé. Il n’y a donc pas que la petite commune rurale de Minembwe qui fait parler d’elle. Voilà qu’est ressuscité le Rapport Mapping, un document de plus de 550 pages du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme consacré aux violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises au Congo par des armées étrangères dont celle du Rwanda qui s’en défend à considérer les dénégations de l’ambassadeur du Rwanda à Kinshasa, Vincent Karega qui font encore défiler des grappes humaines dans nos villes et même à Kinshasa gênant le réchauffement récent des relations entre Kinshasa et Kigali.

Ces violations auraient été commises entre mars 1993 et juin 2003. Le rapport comprend une description de 617 incidents violents survenus dans le pays, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, violations du droit humanitaire international, qui appellent à des poursuites judiciaires, selon les Nations Unies alors que l’impunité persiste.
Un rapport qui a trouvé un parrain, le Prix Nobel de la paix, le célèbre gynécologue Denis Mukwege de l’hôpital Panzi, Sud-Kivu.

Difficile de prédire le sort de Ruberwa et nul ne sait ce qui pourrait lui arriver au Parlement. Ce dont il faut être sûr en revanche est que le ministre a déjà perdu la bataille de l’image, que la sanction qui lui sera infligée aujourd’hui ou demain sera politique, non juridique.
ALUNGA MBUWA.


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