Qui veut brûler le Grand Bandundu
  • mar, 20/09/2022 - 04:40

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1560|LUNDI 19 SEPTEMBRE 2022.

Espace qui plongea tôt dans la rébellion et dans l'horreur absolue au lendemain des troubles survenus à Léopoldville après l'assassinat en janvier 1961 du premier ministre Lumumba suivi de la désertion du vice-premier ministre Gizenga, puis de son incarcération à la prison de Bula Mbemba, le Bandundu fut longtemps épargné par les tensions politiques récurrentes de la Capitale.

Grâce à l'esprit de cohabitation entre ses ethnies, grâce à son élite politique soucieuse de paix.

DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX.
Lors de «la jeunesse muleliste», la rébellion Simba, qui fit fureur de 1961 à 1964 particulièrement dans les territoires de Gungu et d’Idiofa, sur la route nationale n°1, des contrées du Kwilu aidèrent à sauver la capitale et le régime d’une chute programmée en érigeant des barrières infranchissables à leurs frontières.

Cette paix est-elle en train de s'écrouler avec la tragédie qui se déroule à Kwamouth, à une centaine de kilomètres de Kinshasa, dans le Maï-Ndombe qui oppose, depuis août, les communautés Teke et Yaka et qui, depuis peu, migrerait vers le Kwilu, dans les territoires de Masimanimba, Bagata et Bulungu, opposant, cette fois, les peuples frères Mbala et les Yansi ?

Dans le Maï-Ndombe, où plusieurs établissements ont arrêté de fonctionner, un récent comptage macabre fait état des centaines de personnes horriblement tuées ou gravement blessées à l’arme de guerre ou à la machette. Des sources auraient compté 200 personnes tuées, souvent décapitées et dépecées parmi lesquelles des femmes et des enfants, des chefs coutumiers emblématiques, plus de 20.000 personnes déplacées dont près de 300 enfants et de nombreux villages incendiés. Parmi les personnes tuées, on compterait des militaires «envoyés par le gouvernement provincial pour rétablir l’ordre», déclare un élu, Guy Musomo.

Le chef coutumier Patrice Isiala Ipali dit Depacha fait état de 100 personnes tuées le 13 septembre au village Fadiaka.
Si, entre les peuples des provinces de Maï-Ndombe et du Kwango, le conflit aurait pour origine la « redevance coutumière» qu'exigeraient les Teke originaires et propriétaires des terres aux Yaka, acquéreurs des terres arrivés du Kwango, ce que les Yaka n'auraient pas acceptée - redevance coutumière passée «d'une cinquantaine de mesurettes de maïs à 150 mesurettes et d'un sac de cossette de manioc à cinq sacs» -, qu’est-ce qui explique que la province voisine du Kwilu restée paisible prenne feu à son tour?

En dehors d'une communication officielle, à l'ère des réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook, Twitter, Messenger, Telegram, Instagram, Space, TikTok, etc.) qui, trop souvent, recherchent le buzz, des images, des audios, des vidéos souvent manipulés, comment désormais rationnellement se retrouver ?

Quand des postings bien agencés parlent « d'avions A320 (d'une compagnie aérienne...) qui, pendant des mois, auraient déversé dans la capitale des tueurs aux silhouettes élancées facilement reconnaissables (...)», qui «auraient suivi un cycle d'apprentissage en dialectes bantous dans un centre spécialisé ouvert et fonctionnant discrètement (…)», outre «des vaches zébu menées par des bouviers aux apparences innocentes», comment démêler le vrai du faux sans une capacité de communication officielle structurelle ?

LE SPECTRE DE YUMBI.
Comment ne pas y voir une main noire, politique ou financière, mais laquelle et pour quel but ? En l'espèce, où sont (que font) nos services d'intelligence en charge d'anticipation? Que fait la Justice ? Où est l'État ?

Comment ne pas rappeler les événements de Yumbi, dans le même Maï-Ndombe, opposant les Batende et les Banunu où, à la veille des élections présidentielle et législatives, entre 3.00 et 4.000 hommes armés ont attaqué la cité, massacrant au moins 890 personnes entre le 16 et le 18 décembre 2018 et qui firent, selon un rapport documenté des Nations-Unies, 535 morts et 111 blessés et qui attend l'épilogue ?

À l'origine de ce qui fut l'un des plus grands carnages dans l'histoire récente du Congo, les Banunu accusés d'avoir voulu enterrer un de leurs chefs coutumiers sur une terre ancestrale interdite…

Des événements tragiques sur lesquels le gouvernement ne semble avoir aucun contrôle, sont-ils pour rassurer les populations alors que, dans un an, le pays retourne aux élections ?
D. DADEI.

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