Le ministre Sakombi fait montre de détermination en œuvrant à faire restituer à l’Etat ses biens spoliés
  • jeu, 22/10/2020 - 17:37

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1503|MARDI 20 OCTOBRE 2020.

Restaurer l’autorité de l’Etat ne saurait se limiter aux poursuites judiciaires, à la chasse aux exonérations de complaisance ou encore aux compensations, comme le fait certes l’IGF, l’Inspection Générale des Finances pour qui, «les recettes de l’Etat sont désormais, peu à peu, libérées des pesanteurs négatives » passant pour la DGDA (douanes et accuses) à 205 milliards de CDF contre 174 milliards un mois auparavant. Si, en août 2020, les recettes publiques réalisées étaient de CDF 567 milliards, elles sont passées à 676 milliards en septembre, soit une augmentation de 20%. Mais restituer à l’Etat ce qui lui appartient de droit, en l’occurrence, ses biens immobiliers, est le premier devoir du Gouvernement...

AUCUN MINISTRE
N’A SURVECU A PAREILLE ENTREPRISE.

Mais cela, au Congo démocratique, n’est pas moins laborieux et risqué. Depuis 1960, aucun ministre du secteur n’a survécu à pareille entreprise.

Le ministre des Affaires foncières, le CACH-UNC Aimé Sakombi Molendo veut pourtant affronter cette déferlante logique de mort ministérielle en martelant que tous les biens immobiliers des entreprises publiques, seront assortis des titres fonciers et ce, sur toute l’étendue du territoire national! En déduire que tous les biens fonciers et immobiliers du domaine privé de l’Etat spoliés et/ou illicitement désaffectés seront récupérés et protégés par des titres ad hoc.

A cet effet, le ministre Sakombi Molendo et son collègue du Portefeuille, le FCC Clément Kuete Nyimi, ont signé à la date du 16 octobre 2020, un arrêté interministériel (n°009 CAB/MINPF/CK/2020/ et 0206/CAB/MIN/AFF.FONC./ASM/JMI/2020) portant création, composition, organisation et fonctionnement d’une commission chargée de la titrisation des biens fonciers et immobiliers sous affectation des entreprises publiques.
La commission aura pour mission de suivre le processus de la titrisation des biens fonciers et immobiliers sous affectation des entreprises publiques à travers tout le pays.

La commission «dispose ainsi des pouvoirs des plus larges pour atteindre cette mission», précise l’arrêté interministériel. Elle analysera les différents rapports détaillés de tous les biens, procédera à la contre-vérification de ces états immobiliers et fera rapport aux ministres compétents. Elle dressera le rapport, après contre-vérification, de tous les biens non litigieux de ces entreprises publiques (cfr. arrêté en annexe à la page 10).

TSHISEKEDI ET
ILUNKAMBA COUVRENT SAKOMBI.

La tâche est loin d’être une sinécure, les réseaux maffieux recourant aux moyens de l’Etat pour combattre l’Etat, selon l’expression d’un observateur en charge du dossier.
La justice (les magistrats voire les plus hauts), les forces de sécurité (généraux de l’armée et de la police et les patrons des services des renseignements) voire certains agents du ministère des Affaires Foncières font feu de tout bois. Imitation des signatures, vrais faux arrêtés, décrets, ordonnances, etc., tout passe. Les contrats et sceaux sont antidatés alors qu’ils sont en réalité fraîchement fabriqués pour le besoin de l’entreprise criminelle.

C’est sur cette base que l’un des fils Mobutu, Nzanga Mobutu alors Vice-premier ministre, assista impuissant à un déguerpissement sauvage d’un immeuble, propriété de l’Etat, en plein centre des affaires, dans la capitale, des services du ministère de l’Agriculture dont il avait la charge.
«En constatant l’émiettement de l’actif foncier et immobilier des entreprises publiques constituées sous la colonisation, on mesure la portée du patrimoine dilapidé au préjudice de l’Etat !», assène le ministre des Affaires foncières dans une note d’information adressée à ses pairs lors du Conseil des ministres, tenu le 5 juin 2020 et dont le Soft International a pris connaissance.

Pour emporter la décision du Conseil des ministres présidé par le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, il surenchérit en expliquant qu’«il y a urgence d’arrêter la cascade des faits et actes de spoliation des biens des entreprises publiques». Puis : «Les immeubles relevant du domaine privé de l’Etat confiés aux entreprises publiques au moment de leur constitution ou au cours de leur exploitation, ont été exposés à des actes de spoliation au profit des intérêts particuliers».

Le ministre se dit rasséréné par la détermination du Président de la République qui a dit, lors de son discours le 13 décembre 2019 devant le Congrès (les deux Chambres législatives réunies), vouloir mettre en œuvre une véritable politique d’assainissement et de protection du patrimoine. Le chef du Gouvernement, Sylvestre Ilunga Ilunkamba l’a à son tour réitéré lors de son discours programme devant l’Assemblée nationale exigeant aux ministres qui assument une tutelle sur les entreprises publiques «d’obtenir endéans trois mois, des certificats d’enregistrement des concessions ordinaires devant établir les droits de jouissance sur le fonds et de propriété sur les biens immobiliers y érigés au bénéfice de ces entreprises».

Cependant, le ministre qui déjà connaissait le secteur avant son entrée au Gouvernement lundi 26 août 2019, sait qu’il va devoir défier des «puissants lobbies politiques» dont les influences ont toujours survécu, dans notre pays, à tout changement de régime, et pourraient, par ricochet, susciter de nouvelles querelles au sein d’une coalition au pouvoir qui demeure fragile. Jusqu’où iront les 12 membres permanents de la future commission chargée de la titrisation des biens fonciers et immobiliers sous affectation des entreprises publiques ?

Au Congo, ministres et mandataires de l’Etat sont dans l’obligation de déclarer leurs biens. Hélas, ni la Justice ni la DGRAD, la Direction des recettes domaniales et administratives) ne les ont jamais rendus publics couvrant ainsi des présomptions des forfaits perpétrés au détriment de l’Etat. En l’espèce, le PALU Godefroid Mayobo Mpwene Ngantien, alors ministre délégué près le Premier ministre d’Antoine Gizenga Funji a un témoignage à porter. En 2006, le Premier ministre Gizenga crée une structure, une commission - la CRITE - en charge de récupération des immeubles et terrains de l’Etat. La commission fut combattue par ceux-là qui auraient dû la porter, l’impulser, singulièrement les ministres.
Des sources crédibles rapportent que la CRITE a été empêchée par le Gouverneur de l’ex-Katanga Moïse Katumbi Chapwe de déployer ses missi dominici dans l’ex-province du sud. La commission a cessé d’être alors qu’elle n’a jamais été dissoute.

Ignore-t-on le fameux OBMA, l’Office des biens mal acquis mis en place par feu Laurent-Désiré Kabila, puis le CORPAREP, le Comité de récupération des patrimoines résiduels des entreprises publiques dissoutes et liquidées de la COBISCO, la Commission des biens saisis et confisqués, etc., des structures poussées à la disparition avant même d’avoir commencé.

Dans un passé lointain, il y a eu des ministres qui ont désaffecté des biens de l’Etat par simple arrêté «jusqu’à 100 maisons de l’Etat», les mettant en vente sans autre procès.
Ministre des Infrastructures du Gouvernement Matata, Fridolin Kasweshi avait, en avril 2014, devant l’Assemblée nationale réunie en plénière, avoué des cas de «spoliation à grande échelle» du patrimoine immobilier de l’Etat sans que rien n’ait pu être fait. Expliquant que ce sont des agents de l’administration publique ainsi que des cadres de l’armée et de la police qui étaient à la manœuvre.

DES CACIQUES
DE L’EX-PARTI PRESIDENTIEL.

«S’il se trouve qu’un bénéficiaire n’a pu payer ce qu’il doit à l’Etat - une désaffectation se déroulant toujours à titre onéreux sauf si elle est faite par le Président de la République ou qu’une opération de désaffectation s’est faite dans l’illégalité, alors là, à chacun d’en tirer des conséquences», a expliqué un proche du dossier.

Or, en l’espèce, un haut fonctionnaire du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat a, dans, une «plainte contre inconnu» (datée du 14 juillet 2020, réf. MIN.URB.HAB/SG/DIV.UN/440/JBB/2020) que Le Soft International a pu consultée, l’ingénieur Adolphe Mabulena-Massamba alerte la justice et réclame une enquête «sur le Partenariat Public-Privé signé par l’autorité ministérielle de l’Urbanisme et Habitat de l’an 2000 à 2007 avec les partenaires privés concernant les immeubles du Domaine Privé de l’Etat congolais situés dans les communes de Limete et de la Gombe en vue de rétablir l’Etat congolais dans ses droits selon les clauses conclues dans lesdits partenariats ». Interrogé en août par un magistrat du parquet général à Kinshasa qui lui demandait s’il confirmait sa plainte, le haut fonctionnaire du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat na va pas par quatre chemins.

«Le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat gère plusieurs immeubles privés appartenant à l’Etat congolais et ce, au travers tout le pays. Il s’avère que certains de ces immeubles donnés en location ont été spoliés par les locataires. Nous demandons à la justice de mener des enquêtes afin de rétablir l’Etat dans ses droits».

Pour le ministre Sakombi Molendo, «les actes constitutifs originels ou consécutifs des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales, portent tous une disposition d’affectation générale des biens, des fonds, matériels, inhérents à la classe « immobilisation » qui doit être sous-tendue en annexe par un listing d’inventaires suffisamment détaillé».
«Il appert dans le cas d’espèce que les inventaires d’affectation des biens fonciers et immobiliers n’ont pas été formellement organisés, quant à leur localisation et leurs spécifications.

Il est en effet relevé une absence de décrets régissant les inventaires des biens fonciers et immobiliers affectés aux entreprises publiques transformées », explique-t-il.
Ainsi la SCFU-F, la Société des chemins de fer de Uélé-Fleuve, propriétaire entre autres, du port de Bumba et de nombreux bâtiments à Isiro, Buta, etc, a vu son capital social chiffré à juste 1 (un) CDF.

En avril 2018, les mandataires publics ont été conviés à signer un contrat de mandat par lequel ils avaient l’obligation de veiller à la «protection et à la sauvegarde de tous les biens sociaux de l’entreprise ». Ce contrat leur interdit de prendre une décision ayant pour effet de réduire la valeur patrimoniale des entreprises ou de rendre un bien immobilier de l’entreprise indisponible pour une longue durée. Hélas ! Plusieurs mandataires publics font fi de cette disposition.
Au Conseil Supérieur du Portefeuille, on n’en parle plus, on ne se focalise plus que sur le processus de désengagement de l’Etat de ses entreprises qui serait en cours et porté par structure dénommée Commission de Liquidation des Entreprises du Portefeuille.

Sakombi Molendo veut donc mettre de l’ordre dans un capharnaüm entretenu.
De l’avis des Experts, le point faible de l’arrêté interministériel dont question est qu’il n’est pas assorti des sanctions. La campagne que mène le ministre Molendo est de longue haleine, et sera marquée des reniements et des ralliements. Son succès dépend de l’accompagnement du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo comme cuirasse et du Premier ministre Sylvestre Ilunga comme bouclier.
En tout état de cause, le ministre des Affaires foncières aura fait bouger des lignes et serait en passe de devenir titrisateur en chef de la République.
POLD LEVI MAWEJA.


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