La compagnie belge ne valait qu’à peine 2 millions d’euros
  • ven, 30/09/2016 - 01:01

La deuxième mort de la Sabena en voie d’être transformée par les Allemands en compagnie low cost.

Lufthansa a annoncé mercredi qu’il allait racheter les 55% de la compagnie belge Brussels Airlines qu’il ne détenait pas encore. «Le conseil de surveillance de Lufthansa a approuvé l’exercice d’une option pour acquérir les 55% restants de SN Airholding, la maison mère de Brussels Airlines», a indiqué dans un communiqué le groupe aérien allemand, qui détient déjà 45% de la compagnie belge depuis 2009. Aucun prix pour ce rachat n’a été communiqué.
Lufthansa qui détient déjà 45% de Brussels Airlines devrait décider mercredi 28 septembre si elle rachète les 55 % du capital restant, une opération qui ne devrait pas lui coûter cher, rapportent plusieurs médias belges dont Le Soir et L’Echo. En 2009, Lufthansa a acquis 45% de Brussels Airlines et a, selon une clause signée entre les deux compagnies aériennes, jusqu’à fin 2017 pour exercer ses droits d’option sur le solde restant, détenu par une trentaine d’actionnaires.

UNE SOMME DERISOIRE.
Les négociations sur le sujet durent depuis plusieurs années et étaient proches d’aboutir quand les attentats terroristes de l’aéroport de l’aéroport de Bruxelles Zaventem le 22 mars dernier ont remis en question l’ordre du jour. Brussels Airlines, durement touchée par la fermeture de son hub bruxellois, devait se concentrer sur son activité opérationnelle.
«Nos collègues chez Brussels Airlines consacrent leur énergie et leurs ressources à rétablir un programme de vols stable sur leur base principale suite à ces terribles attaques», avait expliqué le PDC de la compagnie nationale allemande Carsten Spohr, un «défi majeur» vu les mesures de sécurité actuelles, et cela «doit maintenant être la priorité».
Le rachat revient donc à l’ordre du jour six mois après, la décision finale était désormais attendue mercredi 28 septembre avec la réunion de la direction de Lufthansa.
Le prix pour ses 55% de participations ne devrait pas gêner la trésorerie de la compagnie allemande puisque les médias locaux annoncent qu’il lui faudra sortir 2,6 millions d’euros, une somme dérisoire. «Le prix sera fixé en fonction de la convention conclue en 2008 dont une clause prévoyait le cas de figure où Brussels Airlines serait endettée au cours de l’exercice où a lieu cette évaluation», selon une source citée par un site belge. Or, Brussels Airlines a aujourd’hui une dette de 45 millions d’euros vis-à-vis de Lufthansa. Or, Brussels Airlines avait renoué en 2015 avec les bénéfices, pour la première fois depuis des années. La presse allemande prêtait il y a six mois l’intention à Lufthansa de rattacher par la suite Brussels Airlines à sa filiale low cost Eurowings, qui ambitionne de devenir le n°3 européen du low cost derrière les Ryanair et easyJet. Le groupe Lufthansa possède aussi, outre Eurowings, Swiss Airlines et Austrian Airlines. La compagnie Lufthansa a confirmé qu’elle était prête à acquérir l’intégralité du capital de sa filiale Brussels Airlines, mais seulement si la compagnie nationale belge était transférée à la low cost Eurowings.
Eurowings, qui a déjà avalé Germanwings, doit reprendre tout le marché point-à-point de la compagnie de Star Alliance, à l’exception des lignes alimentant ses deux hubs long-courrier dans les aéroports de Francfort et Munich. Et Brussels Airlines n’est pas la seule compagnie visée par Lufthansa pour en renforcer l’efficacité: SAS Scandinavian Airlines et Condor (groupe Thomas Cook, auparavant détenue par Lufthansa) font aussi l’objet de discussions, éventuellement via des prises de participation, au nom des consolidations dans le transport aérien qui semblent «urgentes en Europe» selon Carsten Spohr. La compagnie scandinave opèrerait plutôt des vols en franchise (Lufthansa aurait un siège au Conseil d’administration), mais la belge pourrait être «fondue» dans Eurowings. Celle-ci pourrait alors atteindre une taille suffisante pour affronter les géantes low cost que sont easyJet et Ryanair
Rappelons que Brussels Airlines est issue de la faillite de la compagnie aérienne belge Sabena.

LIENS AERIENS AVEC LE CONGO.
Créée le 23 mai 1923, elle fut déclarée en faillite le 7 novembre 2001. À cette date, la Sabena, acronyme pour Societé Anonyme Belge d’Exploitation de la Navigation Aérienne, était la compagnie aérienne nationale belge. Elle constituait l’une des plus anciennes compagnies aériennes, juste derrière KLM et Avianca créées en 1919. À la fin de la Première Guerre mondiale, le SNETA (Syndicat national pour l’étude du transport aérien) envisage la création de lignes commerciales en Europe et en Afrique. Une initiative qui passe du projet à la réalité dès 1920, depuis l’aérodrome de Haren (au nord-est de Bruxelles), avec le lancement d’une flotte aérienne constituée d’appareils militaires reconvertis en transporteurs civils, qui sillonnent l’Europe (liaisons Bruxelles-Londres et Bruxelles-Paris) mais aussi la colonie du Congo (ouverture d’une section Léopoldville-Stanleyville). Fort des succès engendrés lors de cette première étape, le SNETA favorise l’adoption par le gouvernement belge d’un projet de création d’une compagnie nationale chargée de reprendre l’héritage aérien présent et de le développer. Une initiative qui se matérialisera sous le nom de Sabena à laquelle on assigne une nouvelle mission: assurer des liens aériens entre la Belgique et le Congo.
À cet égard, le 12 février 1925, les aviateurs Edmond Thieffry et Joseph De Brycker réussissent l’exploit de convoyer leur biplan surnommé «Princesse Marie-José», de Bruxelles à Léopoldville. Une opération aérienne qui sera l’antichambre du développement futur des liaisons aériennes très importantes entre la Belgique et le Congo. En 1929, la Sabena se voit équipée notamment d’appareils de type Fokker pour l’exploitation européenne de son réseau, ainsi que des Savoia-Marchetti pour ce qui concerne l’Afrique. Avant la IIe Guerre mondiale, elle étend sa flotte avec l’introduction du célèbre DC-3 Dakota. Toutefois, il faudra attendre la fin du conflit pour que ses activités reprennent et ce, dans le schéma d’une évolution très importante du transport aérien commercial. En sus de la généralisation des hôtesses à bord, la compagnie se dote de DC-4, DC-6 et DC-7 puis entre dans l’ère des moteurs à réaction avec le Boeing 707, suivi du Boeing 747 et du DC-10. Elle a même à un moment eu le projet d’acheter des Concorde.

UNE TRADITION AFRICAINE.
Dans les années 1950, la Sabena développe un parc d’hélicoptères qui desservent les principales villes du royaume, Bruxelles, Anvers, Liège, Ostende… Puis le réseau va s’étendre au-delà des frontières vers la France, les Pays-Bas et l’Allemagne. En 1958, elle mise gros sur l’exposition universelle. Elle assure des liaisons directes vers le plateau du Heysel. De 1956 à 1964, la compagnie entretient une ligne d’hélicoptères entre Bruxelles et Paris et retour. Les héliports étaient situés en pleine ville, à Bruxelles à l’Allée Verte, soit à 10 minutes de la place de Brouckère, à Paris sur l’esplanade des Invalides. La compagnie met ses hélicoptères à la disposition de la régies des postes belges. Elle achemine le courrier dans les coins les moins accessibles du royaume, parfois quand les liaisons terrestres sont difficiles (en hiver en Ardenne belge). Lors des graves inondations de 1953 aux Pays-Bas, les appareils de la compagnie avec des équipages civils belges vont participer aux secours et à la reconstruction des digues. De 1946 à sa déclaration de faillite, la compagnie nationale belge n’a cessé d’étendre son réseau sur les quatre continents, avec un accent particulier sur les liaisons africaines (Léopoldville-Kinshasa, Dakar, Entebbe, Douala, Kano, etc.) qui ont constitué sa marque de référence et une part très importante de son marché en plus de la ligne Bruxelles-New-York. L’Asie restera toujours le maillon faible du réseau. À part Tokyo et l’Inde la compagnie n’a pas développé de réseau sur ce continent.
Aux Comores, les Comoriens de Madagascar furent rapatriés par la compagnie belge après des émeutes à Majunga en 1976. Toutefois, en dépit de ses nombreuses activités, la Sabena n’a jamais été une entreprise commerciale véritablement rentable. Afin d’assurer sa survie (situation de crise et de concurrence sévère dans le domaine aérien) et de désengager les finances publiques des comptes de l’entreprise, sous la houlette du ministre Elio Di Rupo, en 1995, le gouvernement belge cède 49,5% du capital de la société à l’actionnaire SAirGroup. En sus de la reprise du contrôle des activités par un groupe privé, cette période est aussi marquée par l’introduction complète d’une flotte d’appareils Airbus au sein de la compagnie ainsi que l’inscription de celle-ci dans le réseau stratégique nommé «Qualiflyer» (TAP, AOM, Air Liberté, Sabena, Swissair).
En dépit des nombreux efforts pour redresser la situation économique de la Sabena, en réalisant des coupes budgétaires et en termes de ressources humaines, l’entreprise sera incapable de résorber ses dettes et sera déclarée en faillite le 7 novembre 2001. Peu avant, son principal partenaire, la compagnie Swissair se déclarait en faillite également. À la défunte compagnie a succédé en 2002 SN Brussels Airlines, qui a repris sa désignation IATA et son logo en forme de «S» stylisé. En novembre 2006, cinq ans après la faillite de la Sabena, SN Brussels Airlines et Virgin annoncent leur «mariage» pour former la «Brussels Airlines».


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