Antony Blinken, de Madeleine Albright à Hillary Clinton
  • lun, 08/08/2022 - 13:08

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1558|LUNDI 8 AOÛT 2022.

Une Secrétaire d’État américaine visite le Congo le 13 décembre 1997. C'est Mme Madeleine Korbel Albright. Elle effectuait une tournée de sept pays africains et Kinshasa comptait parmi ses escales. Le discours général à l’élite africaine portait sur le nouveau partenariat que les États-Unis d'Amérique voulaient développer avec le continent africain. Madeleine Albright a parlé des droits de l’homme et, bien sûr, quant à l’alternance au pouvoir sur le continent, elle préconisait le remplacement du «bullet» (la balle) par le «ballot» (l’urne).

Pour mettre le baume au cœur des ex-Zaïrois qui venaient à peine de sortir de trente-deux ans de dictature mobutiste qui a laissé le pays exsangue, elle a salué de départ de Mobutu et a promis quelques dizaines de millions de $US.

A l’époque, le coût de la reconstruction du pays était évalué à $US 9 milliards. Mais la secrétaire d’État américaine avait un message à glisser au président du pays, Laurent Désiré Kabila. Publiquement et officiellement, il mettait le régime au défit de pratiquer l’ouverture politique à l’opposition.

Cette visite se déroulait sur fond d’enquête des Nations Unies sur les massacres des centaines de milliers de Hutu rwandais pendant l’avancée de l’AFDL dont Laurent Désiré Kabila était le chef. L’enquête que le régime arrivait à bloquer grâce exactement aux Américains qui les avaient accompagnés, ou du moins avaient accompagné le leadership Tutsi lors de la conquête de l’Ouest. Il est clair que face à ses mentors, la position du Mzee était aussi fragile que celle au Rwanda de Bizimungu, hissé à la présidence rwandaise sans en être l’homme fort! A l’exception de la docilité...

Quelques mois plus tard, le 2 août 1998, les Américains fermaient leur ambassade à Kinshasa. Ce que d’aucuns appelleront la «première guerre mondiale africaine» avait débuté.
A l’époque, Susan Rice, devenue plus tard ambassadrice des USA à l’ONU sous l’administration Obama, occupait les fonctions de sous-secrétaire d’État aux affaires africaines de l’équipe Clinton.

Elle joua un rôle essentiel dans le montage de l’expédition audacieuse aéroportée à Kitona pour prendre Kinshasa en deux mois afin d’y effectuer un changement de régime par les armes (bullets) et non par les urnes (ballots).
Le régime du Mzee a beau promettre de tenir les élections (ballot) en 1999, l’option militaire, bien que très risquée fût levée.

Pourtant, l’expérience du Rwanda avec les tristes événements de 1994 aurait pu servir d’appel à la prudence. «Niet», le Mzee aurait raccroché le téléphone au nez de Madeleine Albright qui lui sermonnait des injonctions.

La population de Kinshasa se souvient avec horreur de ces événements d’août 1998, jours de détresse pour ses alors 6 millions d’habitants. Mais ce n’était qu’un début de la déshumanisation pour les populations congolaises frontalières du Rwanda et de l’Ouganda.

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Réagissant non diplomatiquement à une injonction que Madeleine Albright lui donnait, le président Laurent Kabila lui aurait lancé : «Il faudra attendre une autre génération, pas moi!». Une autre génération était arrivée au pouvoir à Kinshasa depuis lors facilitée par les pro-occidentaux.

De l’autre côté de l’Atlantique, après deux termes des Républicains avec George W. Bush à la Maison Blanche, les démocrates étaient de retour au pouvoir. Barack Obama apporte du sang neuf à l’establishment à Washington et son discours suscite des attentes presque messianiques partout dans le monde.

Jamais un candidat à la Maison Blanche n’a eu tant de connaissances et montrer tant d’intérêts à la cause congolaise. Sur son blog, on peut lire sa vision sur sa politique que son administration devrait appliquer:
«Ending the Conflict in Congo. Senator Obama revamped U.S. policy in the Congo to include a commitment to help rebuild the country, develop lasting political structures, hold accountable destabilizing foreign governments, crack down on corrupt politicians, and professionalize the military.

The bill also authorizes $52 million in U.S. assistance for the Congo, calls for a Special U.S. Envoy to resolve ongoing violence, and urges the administration to strengthen the U.N. peacekeeping force».
Le sénateur Obama a remanié la politique américaine envers le Congo pour y inclure:

(1) un engagement à aider à la reconstruction de ce pays,
(2) à développer des structures politiques durables,
(3) à tenir responsables les gouvernements étrangers qui déstabilisent le pays,
(4) à sévir contre les politiciens corrompus ;
(5) à professionnaliser l’armée; il en appelle ;
(6) à un Envoyé spécial des États-Unis pour résoudre le problème de la violence qui se poursuit, et demande instamment à l’administration américaine de renforcer la force de maintien de la paix des Nations Unies.

Devlin, chef de l’antenne de la CIA à Léopoldville en 1960 a avoué avant sa mort (en décembre 2008) qu’il avait reçu de Washington l’ordre d’organiser l’élimination physique de Lumumba, Premier ministre de la jeune démocratie naissante au cœur du Continent. Allan Dule, adjoint au directeur de la CIA explique comme suit la motivation : «Il avait les qualités de devenir un Fidel Castro africain».

A l’époque, dans la presse occidentale, la version officielle du drame présentait les factions congolaises qui se battaient pour le contrôle de la jeune nation. C’est un camouflage. Si la Russie était présente à la Conférence de Berlin qui consacra la liberté de commerce dans le bassin du Congo par les multinationales de l’Europe impériale, elle ne s’est pas manifestée sur le terrain lors de la course au pillage international qui s’en suivit.

Devenue une puissance grâce à la formation de l’URSS, elle s’invitait dans la scène congolaise dans le sillage du vent de la décolonisation de l’Afrique, ses nouveaux besoins en minerais stratégiques justifiant cet intérêt tardif.

Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila est assassiné, quelques jours à peine avant le départ de l’équipe Clinton de la Maison Blanche qui venait de céder la place à George W. Bush. La nouvelle équipe est moins dure à l’égard du Congo mais poursuit la politique de Clinton. Le nouveau président américain a clairement affiché son intention de revoir la politique de Washington de ces dernières années envers le Congo, une politique ayant causée la guerre la plus meurtrière depuis la deuxième guerre mondiale !

Les viols au Congo sont le résultat de cette guerre pour l’accès aux minerais stratégiques par les firmes occidentales qui se comportent dans ces pays en véritables terroristes au col blanc. Autrement, pourquoi déplorerions-nous ces exactions dans les zones convoitées seulement? Il est très probable que dans la délégation de Mme Clinton, les représentants des associations de ces compagnies seront présents.

Le président Barack Obama, dans ses intentions d’en finir avec la guerre au Congo préconisait que l’on tienne les pays qui déstabilisent le Congo responsables de cet l’holocauste silencieux.
Cependant, la présence des militaires et camps d’entraînements américains au Rwanda relie ce pays et les États-Unis parmi les pays qui déstabilisent le Congo.

Lors de son passage à Kinshasa, Mme Hillary Clinton aura quelques mots sur le sujet de la corruption qui gangrène la sphère publique congolaise et empêche toute action coordonnée susceptible de créer une synergie interne dans le sens de bâtir une nation puissante et prospère au cœur de l’Afrique.

Cela remonte à l’époque de Mobutu et on sait comment cette classe politique a été créée et mise en place par l’Occident qui, au besoin, venait à sa rescousse pour brimer le peuple qui voulait mieux.

Si Hillary relit les notes du discours officiel que Madeleine Albright a tenu en décembre 1997 envers Laurent Désiré Kabila, moyennant quelques adaptations, elle peut le répéter à son fils Kabila dans quelques jours puisque, entre le passage de Mme Albright et celui de Mme Clinton, l’Amérique n’a pas délivré sa promesse.

Madeleine Albright avait parlé de démocratie, de remplacer le «bullet» par le «ballots».
Sans maître politique, pas de vision à long terme en matière d’infrastructure, rien pour garantir la protection de la population et de ses intérêts, la présence européene se limitant à l’exploitation de ressources.
Congoforum.be
Le Soft International, N°1447 |mercredi 13 mars 2019.


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