À Kampala ça ne badine pas
  • ven, 06/10/2017 - 14:32

En pleine journée, face à une meute de caméras de télés et de journalistes diffusant en direct, des policiers armés jusqu’aux dents opèrent. Fusils d’assaut, canons en l’air, usant de la force et de brutalités, ils procèdent à des arrestations musclées des députés à leurs domiciles, dans la rue, à leurs lieux de travail, jetés par les grillages métalliques des «paniers à salades». C’est à Kampala, en Ouganda, mercredi 27 septembre 2017. Accusés d’avoir créé du désordre dans l’enceinte du Parlement lors de la lecture d’une motion autorisant un député du parti au pouvoir à préparer et présenter devant l’Assemblée nationale le projet de loi visant à amender la Constitution, ces Députés n’ont qu’un sort: la mise en état d’arrestation immédiate. La motion du parti au pouvoir propose de supprimer la limite d’âge de 75 ans pour une candidature à la présidence de la République. Si cette limite est supprimée - comme cela paraît évident - le président Kaguta Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, qui aura été à son prochain terme constitutionnel 35 ans au pouvoir, soit près de quatre plus de trois décennies, pourrait se présenter en 2021 et briguer pour la sixième fois consécutive la magistrature suprême du pays. Si Museveni fait tant usage de la force contre ses opposants, cela n’embarrasse point l’Occident qui ne s’empêche nullement de lui dérouler le tapis rouge à sa venue. Tel le lendemain des arrestations en masse de Kampala jeudi 28 septembre quand le Roi des Belges Philippe l’accueille en grande pompe au palais de Laeken à Bruxelles et l’accompagne jusqu’à son départ. Signe de grande convivialité.

Le chef de la police nationale ougandaise, le général Kale Kayihura a attribué ces arrestations à l’incident du Parlement. Justifiant les actes des forces de l’ordre, il a estimé, lors d’une rencontre avec la presse, que la faute doit être attribuée aux parlementaires violents qui ont désobéi aux ordres du Président de la Chambre.
Lors de ces violences, le Président du Parlement a demandé à la sécurité d’évacuer de la salle les vingt-cinq parlementaires de l’opposition (sur 400 membres qui composent le Parlement ougandais) qui refusaient de quitter la salle. C’est alors que les forces de l’ordre sont intervenues. «Nous ne pouvions pas laisser les 25 parlementaires suspendus interrompre l’activité du Parlement», a déclaré le Commissaire général de la police nationale selon qui, les élus de l’opposition «prévoyaient de faire brûler le Parlement en utilisant des véhicules garés au sous sol». Précisant que la Constitution le charge de maintenir l’ordre et de faire appliquer la loi dans le pays, y compris à l’intérieur du Parlement. Mais la séance parlementaire s’est transformée en pugilat. Des chaises qui volent, des ceintures qui claquent. C’est une bataille rangée au sens propre du terme qui s’engage entre députés de l’opposition et ceux de la majorité.
Il s’agit d’une tentative d’intimidation, estime Gilbert Oulanya, député de l’opposition. Mais pour lui, le combat continue. «Nous allons essayer autant que nous le pouvons de protéger la Constitution. à l’instant où nous abandonnons et que nous acceptons de supprimer l’âge limite de la Constitution, je vous le dis: ce pays est mort. à partir du moment où l’on accepte de s’incliner et de se laisser intimider», insiste-t-il. Après une suspension de séance, le retour au calme et l’essentiel des sièges de l’opposition sont vides. Le député Raphaël Magyezi fait la lecture de sa motion. Une victoire pour la majorité présidentielle. Si ce projet de loi émeut l’opposition, qu’importe! Yoweri Kaguta Museveni entend le faire passer, et va le faire passer. Avec le concours d’une majorité engagée...
Alunga Mbuwa.


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