Quel sort pour Bemba
  • lun, 24/11/2014 - 02:14

Ce que va dire le juge après les ultimes affrontements à la CPI. Analyse.

L’affaire opposant la procureure de la CPI à l’ancien Vice-président en charge des questions économiques a été prise en délibéré. Jean-Pierre Bemba Gombo a regagné sa cellule de Scheveningen, banlieue de La Haye où il attend désormais l’énoncé de son verdict - mais lequel? - qui pourrait être annoncé avant trois à six mois, soit au plus tard en juin 2015. Ses partisans ont toujours cru à son innocence. Ils croisent les bras et parient sur l’acquittement. «Il va être libéré, va revenir au pays, va retrouver sa vie et son parti», assurent-ils. Ils voient déjà leur Madiba candidat Président de la République et, assurent-ils, nouveau locataire du Palais de la Nation. Analyse.
Certes, tous ceux qui ont suivi mi-novembre les ultimes affrontements entre la procureure de la Cour Pénale Internationale et la défense de l’ancien VIPI congolais, 52 ans, sont restés perplexes. Si mercredi 12 novembre, l’accusation avait décidé de corser l’attaque, en ne faisant aucun quartier dans les charges qu’elle souhaitait retenir contre l’ancien homme fort de la rébellion du MLC en Equateur, devenu l’un quatre vice-présidents à Kinshasa au lendemain du dialogue inter-congolais de Sun City, la défense ne s’est pas laissé impressionner par la gravité des attaques quand le tour de la réplique est arrivé le lendemain 13. .

INTERETS DES ETATS.
Phrase par phrase, elle a traqué puis démonté les arguments de la procureure gambienne Fatou Bom Bensouda au point où Jean-Pierre Bemba Gombo assis dans son fauteuil s’est surpris en amusement ne s’empêchant pas, à certains moments, d’arborer un large sourire et de faire des signes de mains en direction de ses partisans venus assister à l’étape cruciale de ce procès.
Aujourd’hui, Le Soft International est en mesure de confirmer ce qui se bruissait dans tous les salons ouatés qui suivent cette affaire. L’ex-VIPI n’a jamais été mis aux arrêts à la suite d’un règlement de comptes politique quelconque en interne à Kinshasa, comme cela se raconte jour et nuit sur les réseaux sociaux congolais. L’ancien Vice-président de la République en charge du secteur économico-financier du régime 1+4 où il régnait en maître absolu, s’est fait menotter le 24 mai 2008 par la police belge et fut transféré sous bonne garde au tribunal de La Haye dans un dossier politico-financier technologique et hautement stratégique où des intérêts des Etats sont mêlés. Il était pisté depuis son séjour au Portugal où il dispose d’une villa dans la ville touristique de Faro, chef-lieu de l’Algarve, et s’apprêtait à passer quelques jours dans sa villa de la commune flamande de Rhode-Saint-Genèse à la périphérie de la commune francophone de Waterloo. L’alors candidat malheureux à la Présidentielle qui venait de ferrailler en pleine ville de Kinshasa face aux hommes de GR se préparait à rejoindre sa femme et ses enfants dans un restaurant de la banlieue bruxelloise...

«BALBUTIEMENT DU PROCUREUR».
Depuis, après de longues années de procédure à La Haye, les charges ont souvent évolué. Quand Bemba est arrêté en 2008, le dossier doit encore à être constitué. «Il est vide», attaque Me Aimé Kilolo Musamba, ancien conseil de Bemba, tombé dans la nasse de la procureure, avec d’autres pro-Bemba, dans l’affaire de subornation des témoins.
«Le procureur n’avait pas suffisamment d’éléments de preuve. Ce n’est qu’après l’arrestation que l’accusation a véritablement commencé des enquêtes pour tenter de charger Jean-Pierre Bemba. Cela a pris du temps». Me Kilolo accuse le bureau du procureur d’avoir utilisé à l’époque des «artifices juridiques» pour obtenir l’arrestation de Bemba. «Il prétendait que mon client s’apprêtait à aller s’installer dans un pays qui n’a pas souscrit au statut de Rome et que c’était l’occasion ou jamais de l’arrêter». Le 3 mars 2009, les juges demandent au procureur de «requalifier les faits».
Poursuivi à l’origine pour sa «responsabilité individuelle» dans les exactions qu’auraient commises ses hommes contre des civils en Centrafrique, entre 2002 et 2003, alors qu’ils y étaient envoyés pour soutenir les forces loyales au président centrafricain Ange-Félix Patassé faisant face à la rébellion de François Bozizé, Bemba est désormais seulement soupçonné d’être responsable des crimes de ses troupes «en tant que chef militaire ou supérieur hiérarchique».
Même à ce niveau, les lignes paraissent également avoir bougé. C’est ce que Me Kilolo appelle «le balbutiement du bureau du procureur». «On est passé d’un Bemba chef militaire qui savait que ses troupes commettaient des exactions en Centrafrique à - faute de preuves suffisantes - un Bemba qui aurait dû savoir», souligne-t-il, notant que du coup, «l’accusation s’est amoindrie».

CONDAMNE POUR NEGLIGENCE?
Et les partisans du «Chairman» se mettent à rêver du grand soir. C’est croire que ceux qui l’auraient fait prendre, auraient laissé prise. «Après tant d’années de prison où il fut présenté comme «High Value Target» (cible de grande valeur, en clair ennemi public n°1), croire que l’ancien «fils à papa» pourrait être remis à l’air libre avec des excuses de la CPI est faire montre de naïveté. Ce serait discréditer totalement la justice internationale qui aura dépensé des centaines de millions de dollars pour rien! «Ce procès n’est pas un procès simple: autant il n’est pas évident pour le procureur de démontrer, au-delà de tout doute, que les troupes du MLC envoyées en Centrafrique répondaient au commandement de Jean-Pierre Bemba, autant il n’est pas évident non plus pour la défense de démontrer que son client ne savait pas ce que ses hommes faisaient là-bas», rapporte un newsmagazine transafricain basé à Paris, citant une source proche du dossier.

INDEXE PAR LA LOI ELECTORALE.
«Il n’est donc pas impossible que la CPI le condamne pour négligence, c’est-à-dire pour n’avoir pas pris la décision à temps pour arrêter ces exactions» que commettaient ses hommes, selon une source proche du dossier. Me Kilolo positive sur les chances de son client. «Nous ne sommes pas loin d’un acquittement», expliquant que dans les déclarations finales de l’accusation le 12 novembre, les trois éléments constitutifs du commandement - un état-major des opérations dirigé par Bemba, la conduite des activités militaires, la fourniture des matériels - n’ont pas pu être démontrés». Puis: «Le procureur est aux abois: il n’a pas hésité à s’arranger pour faire arrêter le principal avocat de l’accusé, espérant mettre ainsi en difficulté la défense», faisant allusion aux poursuites qui pèsent contre lui dans l’affaire de subornation des témoins. Accusé de deux chefs de crimes contre l’humanité (viol et meurtre) et de trois chefs de crimes de guerre (viol, meurtre et pillage d’une ville ou d’une localité), s’il est reconnu coupable et condamné, le chef du MLC ne saurait concourir à une élection, selon la Constitution congolaise (art. 102) et par la loi électorale.
T. MATOTU.


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