Le Congo se réaffiche au monde
  • sam, 11/12/2021 - 20:18

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1541|VENDREDI 10 DÉCEMBRE 2021.

La fin justifie-t-elle les moyens? Oui, selon une phrase souvent attribuée à Machiavel. Faux, à en croire Patrick Boucheron, l'auteur d'un Un Été avec Machiavel (Paris, Editions des Equateurs, 2017).

«Pour Machiavel, lorsque l'on agit, on le fait toujours dans l'ignorance des fins. La décision politique se fait dans l'aveuglement», écrit ce professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Histoire des pouvoirs en Europe occidentale.

Pour Patrick Boucheron, le penseur italien (3 mai 1469-21 juin 1527) recommande plutôt de calculer les effets prévisibles au moment où l'on décide.
«C'est une manière d'être prudent, ce qui ne veut pas dire timoré».
Mais, précise-t-il, «il peut être prudent d'être audacieux».
Peut-on dire que le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo est du genre «prêt à tout, même à faire usage de moyens condamnables, pour atteindre un but»?

Réponse : faisons confiance à l'Histoire, avant de porter un jugement, avec le nécessaire recul qu'elle permet...
Pourtant, que de critiques sur les voyages à l'étranger du président de la République, débutés dès le lendemain de sa prise de fonctions, le 24 janvier 2019 ! En deux ans, certains comptent plus de 115 déplacements, puis en donnent le coût financier : des centaines de millions de $US dépensés, sans en préciser la source.

A l'écoute de ces critiques, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo profite d'une tribune à l'étranger, face à la diaspora congolaise, pour déclarer que ses multiples voyages «ne sont pas une source de dépenses» ; qu'au contraire, « ils ont déjà ramené plus d’un milliard et demi de $US au Congo ».

Dans un pays où la confiance est peu placée aux sources officielles, des justifications après coup pourraient avoir quelles influences dans l'opinion publique ? Ne faut-il pas voir ailleurs? En clair, se focaliser sur la fin de l'histoire, elle qui justifie les moyens, rend justice en effet, quand le but est atteint ?

Alors que le Président de la République va prononcer son troisième discours sur l'état de la Nation - lundi 13 décembre, dans deux jours, devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès - voyons le regard que le monde porte désormais sur le Congo, trois ans après l'avènement de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

CES PAROLES ENTENDUES ET ECHANGEES.
Certes, l'insécurité est toujours aussi grande dans le pays malgré l'état d'urgence au Nord Kivu et en Ituri.
Face à cet état, un chef militaire au front à l'est dresse un constat dramatique : « Comme elles l'avaient fait avec Mobutu, avec les FAZ, avec l'AFDL, avec les FAC, les FARDC continuent, comme d'habitude, à comploter, à se saboter, les unes les autres ».

Donc, si la force militaire a toute sa place dans la défense du pays, il y a certainement plus : la diplomatie, l'entente aux frontières, des partenariats privilégiés surtout, en l'espèce, à l'est et le sud miniers.
Pour en arriver là, il faut parler, en présentiel, en tête-à-tête, en distanciel, au téléphone, en visio-conférence, nouer des rencontres stratégiques lors des sommets avec les maîtres du monde, avec les décideurs planétaires.

Singapour, Corée du Sud, Taïwan, Syrie, pays d'Afrique de l'ouest et d'Afrique centrale, etc., existent aujourd'hui, en dépit de l'insécurité, grâce à des parapluies. Que seraient la France, l'Allemagne, la Grande Bretagne, la Belgique, l'Europe, etc., aujourd'hui sans l'OTAN?

Nul doute, Tshisekedi a voyagé à l'étranger et, en interne, des provinces qu'il n'a pas (encore) visitées : espace Équateur, espace Bandundu, espace Kasaï, le sien biologique. Croire que cet espace de l'ouest ne présente aucun intérêt à ses yeux, c'est faire mauvaise analyse. Comme l'écrit Boucheron, citant Machiavel, si «la fin justifie les moyens», «il faut plutôt calculer les effets prévisibles au moment où l'on décide».
C'est le deuxième souci: la destruction économique du Congo.

En l'espèce, le meilleure exemple est l'arrière-pays, les provinces de l'ouest ci-haut citées.
L'absence tragique d'infrastructures - routes, écoles, hôpitaux, etc. - mêlée à l'atroce dégradation de la vie, est telle qu'il faut avoir débuté des projets avant de penser s'y rendre. Comment y aller, avec la crédibilité nécessaire, sans commencer par le commencement?

D'où le retour de l'Inspection Générale des Finances, IGF en sigle, l'action de lutte pour la mobilisation des recettes publiques, contre la corruption, même si les couacs restent entiers, que le pouvoir judiciaire n'aide pas toujours...
Il y a toujours ce haut galonné : « Une guerre de vingt ans que l'on termine en trois mois ?

Les Américains partis en Afghanistan pour un mois, ont fait quinze ans, en s'y retirant », dans le parfait désordre...
« La haine, la jalousie, la manipulation ne construiront jamais le Congo. L'avenir nous dira quoi... ».

L'avenir? Ce sont ces rencontres avec les décideurs du monde, ces paroles entendues et échangées. Avec le président américain Joe Biden, avec le premier ministre britannique Boris Johnson, avec l'ex-chancelière allemande Angela Merkel, avec les pays africains, avec nos voisins, avec la Directeure Générale du Fonds Monétaire International, qui, à l'invitation du président Tshisekedi, n'a pas tari d'éloges, à Kinshasa, à la nouvelle gouvernance congolaise.

DÉFICIT DE NOTORIÉTÉ INTERNATIONALE.
Si le président de la République salue la visite au Congo d’une délégation de haut niveau du Fonds Monétaire International, Kristalina Georgieva souligne, face aux médias, que «le Congo est le premier pays africain qu’elle visite depuis l’avènement de la crise du Covid-19».

Cela en dit tout de la considération et de l'attachement qu'elle a pour notre pays. Pense-t-on que ceci soit le fruit du hasard?

L'économiste bulgare souligne les bonnes perspectives économiques du Congo qui affiche, pour 2021 et 2022, des prévisions de croissance «au-dessus de la moyenne africaine».

Et, dès le lendemain, jeudi 9 et vendredi 10 décembre, voici le président congolais être invité par le président américain démocrate au sommet sur la démocratie, qui fut au centre de sa campagne, auquel prennent part 110 pays et territoires, dont les alliés occidentaux des États-Unis, le Brésil dirigé par un président d'extrême droite.
Certes, la présidence de l'Union Africaine y est aussi pour beaucoup mais qui s'empêcherait de tirer parti d'une telle situation pour son pays ?

«Le Chef de l'État est en train d’effectuer son travail. Il se déplace à l'étranger pour combler le déficit de notoriété internationale dont souffrait le pays avait autrefois. Des voyages qui coûtent beaucoup à la République mais qui rapportent beaucoup plus à la République en termes de notoriété internationale, de crédibilité et même sur le plan financier», achève, le 11 novembre 2021, l'Inspecteur Général des Finances, Jules Alingete Key.

«Les relations avec les Institutions internationales s'améliorent et, en 2022, nous allons reprendre la coopération activement avec la Belgique et avec beaucoup d'autres pays qui, aujourd'hui, refont confiance au Congo», poursuit-il.
Au fond, qu'avec ces contacts à l'étranger, le Congo retrouve sa place longtemps perdue dans le concert des nations, à qui cela fera donc mal?
T. MATOTU.


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