Katumbi s’est envolé pour la Grande-Bretagne
  • lun, 30/05/2016 - 02:34

S’est-il jeté trop tôt dans une course de longue haleine?

Moïse Katumbi Chapwe s’est envolé d’Afrique du Sud pour l’Europe où il serait parti poursuivre ses soins, selon des proches. L’ex-gouverneur du Katanga a quitté l’Afrique du sud samedi 28 mai. Il avait été évacué le 20 mai de Lubumbashi par un avion médicalisé vers l’Afrique du Sud pour des soins.
Selon ses proches, les médecins sud-africains l’auraient conseillé d’aller poursuivre ses soins en Europe où il avait été soigné par le passé.
Poursuivi par la justice congolaise, Katumbi est accusé de recrutement des mercenaires étrangers. Il a été inculpé pour atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat et placé sous mandat d’arrêt provisoire avant d’être autorisé poar le Procureur général de la République de se faire soigner à l’étranger.
Katumbi n’aurait aucune intention de se soustraire à la justice.
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Même si on ne connaît pas encore l’ensemble du dossier dont dispose le Procureur de la République à l’encontre de M. Katumbi, l’impression qui prévaut est celle d’une escalade dangereuse, qui risque de transformer l’ancien homme d’affaires, au passé tortueux mais à la popularité indéniable, en martyr de la démocratie. Car les ennuis de M. Katumbi ont commencé le jour où il a osé dénoncer les «pénalties frauduleux» qui risquaient de marquer le troisième match électoral, rejoignant ainsi une opinion largement répandue...

TIENDRA-T-IL LA ROUTE?
(...) Le pouvoir a la main dure, il frappe d’abord, réfléchit ensuite, détruisant la confiance et la foi dans le système. Et tout ça pour quoi? (...).
Privé de la garde à laquelle a droit tout ancien gouverneur, se sentant visé par plusieurs tentatives d’attentat, ayant échappé en février à un accident qui semblait avoir été provoqué par des «cascadeurs» aussitôt récupérés par les services de sécurité, Moïse Katumbi va de déboires en déboires. La situation de l’ancien homme fort du Katanga s’est détériorée depuis que, le 4 mai dernier, il s’est déclaré candidat potentiel à la prochaine élection présidentielle, le mandat du président Joseph Kabila se terminant à la fin de cette année.Se présentant comme candidat de l’opposition, Moïse Katumbi ne s’est-il pas jeté trop vite dans ce qui sera nécessairement une course de longue haleine? RDC: arrêt de la Cour constitutionnelle,»pas un nouveau mandat» pour Kabila (ambassadeur d’Allemagne)
(AFP 27/05/16)
En effet, si les membres du G7, tous anciens dignitaires du régime, assurent qu’ils le soutiennent, rien ne dit qu’une opposition plus large, incluant le parti d’Etienne Tshisekedi, actuellement en pourparlers avec le pouvoir, rejoindrait ce front commun.
Mais surtout, est-il certain que Moïse Katumbi, harcelé, menacé, craignant pour sa sécurité, tiendra la route jusqu’à l’échéance électorale? (...)
Lorsque nous l’avions rencontré à son domicile en janvier dernier, il nous avait laissé l’impression d’un homme en danger, qui venait d’échapper à un accident de la route ressemblant fort à une tentative d’intimidation.
Il nous avait expliqué que, contrairement aux dispositions légales, les gardes du corpos dont il aurait pu disposer en tant qu’ancien gouverneur lui avaient été retirés et qu’il avait dû, à la suite de son accident, recourir à des «privés».
Des inconnus musclés, de haute stature veillaient effectivement devant sa résidence et l’accompagnaient lors de ses déplacements. Sans doute s’agissait il là des «mercenaires» découverts par le Parquet. Mais si M. Katumbi avait eu comme le croit le Parquet, plusieurs centaines d’hommes à sa disposition, il n’aurait pas eu besoin, voici quelques jours, de se placer sous la protection de la Belgique…
Alors que sa résidence de Lubumbashi était encerclée par les forces de sécurité, l’ancien gouverneur du Katanga, se disant «inquiet pour sa situation personnelle» dans les prochains jours, s’est présenté au consulat de Belgique à Lubumbashi pour y demander la protection de la Belgique. Selon les déclarations de Didier Reynders, qui se trouvait alors en Israël, Moïse Katumbi, inquiet «a été écouté» et le ministre belge des Affaires étrangères, qui se trouvait à Kinshasa voici huit jours, s’est aussitôt entretenu avec le Premier Ministre congolais Matata Mponyo et il aurait obtenu des assurances à propos de la sécurité de M. Katumbi. M. Reynders, comme il l’ avait fait lors de son récent voyage à Kinshasa, a également répété que «la responsabilité individuelle» des agents des services de sécurité était engagée.

DES RAPPROCHES TROP MUSCLES.
A la suite de cette intervention, M. Katumbi aurait regagné son domicile à Lubumbashi. Lundi, il devrait se présenter devant les autorités pour y être interrogé à propos d’une affaire qui défraie la chronique: selon les «services» congolais, M. Katumbi aurait engagé des mercenaires américains pour assurer sa protection et au Congo, un tel sujet est sensible entre tous…Parmi ces «mercenaires» qui se trouveraient dans son entourage figure un ressortissant américain (...).
Porte parole du gouvernement congolais, le ministre de l’Information Lambert Mende a précisé que «M. Katumbi est inculpé. Il ne jouit donc plus de sa liberté, ne peut plus faire n’importe quoi, il est sous le coup d’un mandat d’arrêt». En outre, «suivant l’appréciation de la justice», il pourrait être mis en résidence surveillée ou transféré à Kinshasa.
C’est le 4 mai dernier que les autorités congolaises avaient annoncé l’ouverture d’une enquête visant M. Katumbi après l’arrestation de quatre de ses gardes du corps, dont un citoyen américain.
D’après une source congolaise proche du Ministre de l’Information, les charges pesant sur M. Katumbi sont plus lourdes encore: «au lieu d’avoir simplement eu recours à une entreprise de gardiennage, l’ex gouverneur du Katanga aurait engagé du «personnel non conforme» pour constituer sa garde rapprochée». Cette dernière, assure notre interlocuteur, «serait beaucoup plus importante que les 4 ou 5 individus déjà sous les verrous: le procureur estime qu’il pourrait s’agir de 300 à 400 personnes, parmi lesquels des Congolais, mais aussi quelques Américains et un assez grand nombre de ressortissants sud africains».
Le mandat d’arrêt actuel est provisoire mais il prive M. Katumbi de sa liberté de mouvement. Or, l’ancien gouverneur du Katanga, naguère un proche de M. Kabila, avait commencé à faire campagne comme candidat de l’opposition pour les prochaines élections présidentielles, s’opposant à l’hypothèse d’un «glissement» c’est à dire d’un report de la date du scrutin pour lequel rien n’est encore prêt.
COLETTE-BRAECKMAN.


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