Trois cents faux juges vont être révoqués et déjà trois magistrats sont derrière des barreaux
  • ven, 30/03/2018 - 07:58

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
On le connaît. C’est un homme de fer. Craint et respecté au sein de la magistrature, Alexis Thambwe Mwamba n’a jamais badiné quand il doit châtier. Sous Mobutu et aux côtés de Kengo - le même -, les Zaïro-Congolais l’ont connu comme patron des Douanes où il fit la pluie et le beau temps et sous le surnom de Tarzan sinon de Terreur. Un jour, il menaça dans des termes non équivoque, un fils Mobutu qui se jouait des douanes... («Ça ne marchera pas avec moi et je vous conseille d’aller dire à votre père de m’enlever d’ici, sinon...»). Aujourd’hui Garde des Sceaux de la République, poste qu’il occupe après un intermède intervenu après un passage remarqué au ministère des Affaires étrangères où le langage, devant les diplomates, fit le même, ATM est toujours ATM.

IL NE BADINE PAS.
Lors d’un conflit avec un avocat de l’Etat, le ministre n’hésite pas de faire «coffrer», puis, d’envoyer, pour plusieurs mois, en prison. A Makala! A ses confrères qui envisagèrent de faire montre de solidarité et de déclencher un mouvement de grève, il n’eût point besoin de leur brandir la menace de retrait de tout contrat avec le Gouvernement et, ipso facto, avec toute entreprise et service de l’Etat. Le respect était au rendez-vous! Il qualifie ses juges, devant eux, humiliés comme jamais, dans un discours officiel lors d’une rentrée judiciaire, de «Messieurs 3 V» (V comme Veste, V comme Voiture, V comme Villa). On sait qu’aussi vite qu’il a été nommé par le Magistrat Suprême, le juge congolais n’a en tête que le Grand Chelem... On s’attendait à une réaction musclée de la corporation, elle n’est jamais venue. Nul doute, ATM inspire respect... Il a donné la chasse aux faux magistrats - près de trois cents sont (presque) à la porte de sortie, pour faux diplôme, pour avoir été mal sélectionnés, mal engagés, etc. -, mais d’ores et déjà, trois magistrats croupissent derrière les barreaux de la prison centrale de Makala, le fameux CPRK de Kinshasa: Bienvenu Mananagi, Junior Bojabwa et Julbert Mwamba-Mwamba. Les deux premiers étaient, au moment de leur arrestation, juges au tribunal de paix d’Assossa à Kinshasa. Le 5 décembre 2017, les magistrats Bienvenu Mananagi et Junior Bojabwa membres d’une composition de la chambre VII, rendent un jugement portant condamnation d’un prévenu - un nommé Kabeya - à deux ans de servitude pénale principale. Le 26 février 2018, les mêmes juges rédigent un autre jugement dans la même cause, portant le même numéro dans lequel ils disent que Kabeya est condamné à sept mois de SPP.
Raison de ce deuxième jugement? Permettre la libération du condamné au 7 mars 2018 au lieu du 19 juillet 2019 date à laquelle le prévenu aurait à purger la première condamnation de deux ans.
Le secrétaire du parquet près le Tribunal de paix de Kinshasa/Assossa se rend à la prison muni du deuxième jugement - un faux - en vue d’exiger la libération urgente du condamné au motif qu’il est très souffrant.
Vérification faite sur le registre d’écrou, le directeur adjoint du CPRK constate l’existence du premier jugement du 5 décembre 2017 qui condamnait Kabeya à deux ans de jugement.
Le gardien de prison donne l’alerté au faux. Le Parquet général de la Gombe est sollicité. Une enquête est lancée pour faux en écriture et tentative d’évasion.
Le parquet traduit les deux magistrats devant la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. A la première audience, les deux magistrats sont placés en détention, interjette appel et restent jusqu’à ce jour en détention à Makala. Le troisième magistrat Julbert Mwamba Mwamba est substitut du procureur de la République. Accusé de faux et usage de faux.
Le magistrat avait approché deux de ses collègues Nsilu Diakieleka et Ntoto Mbikila en vue de leur faciliter un voyage aux Etats-Unis. Il leur réclame passeports de service, numéros matricule et le fameux relevé bancaire. Ces éléments avec lui, il falsifie les relevés bancaires de ses collègue, fait établir d’autres passeports de service avec les identités de ses collègues mais avec des photos d’autres personnes. Il introduit ces dossiers au consulat de Belgique et, visas délivrés, fait voyager ses complices. En même temps, qu’il se fait payer du trésor des frais de mission pour des personnes non magistrats. Quand l’une de ces victimes se rend à la banque, elle apprend que son compte est bloqué pour avoir présenté des faux documents au consulat belge. Le Parquet est saisi et, après investigation, retient le faux et usage de faux dans le chef du magistrat Mwamba-Mwamba. L’homme est mis sous mandat d’arrêt provisoire.

CHASSE AU FAUX.
Trop d’escrocs au sein de la magistratures congolaise, trop de faussaires aussi. Dans une ordonnance d’organisation judiciaire n°002/2017 datée du 28 décembre 2017 signée par le président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Benoît Lwamba Bindu, également président de la Cour Constitutionnelle, Alexix Thambwe Mwamba institue une COSVECOM, la Commission Spéciale du Conseil Supérieur de la Magistrature chargée de la vérification des dossiers administratifs et du contrôle physique des magistrats. Ses attributions? En quinze jours chrono, et, «à travers toute la République et à l’égard de tous les magistrats tant civils que militaires», les flics ATM ont mission d’«extirper les fictifs non magistrats et autres pris en charge par le Trésor public afin de maîtriser les effectifs réels; de vérifier les dossiers personnels des magistrats en ce, compris le cursus académique, le processus de recrutement et de nomination, la régularité et l’authenticité des titres académiques conférant qualifications requises»; de «s’assurer de la régularité de recrutement ou nomination des Magistrats du siège ou du ministère public, civils et militaires en 2010 et 2011 et 2016 ainsi que ceux l’ayant été par les différents mouvements politico-militaires d’avant la Constition de la transition du 4 avril 2003».
ATM prend appui sur une résolution de la cinquième session extraordinaire de l’Assemblée Générale du Conseil Supérieur de la Magistrature tenue en octobre 2017 appelant à l’institution de cette COSVECOM. La commission est placée sous l’autorité directe d’un délégué du ministre. C’est le 1er avocat général de la République émérite, Nkata Bayoko, directeur de cabinet du ministre de la Justice et Garde des Sceaux qui sera secondé de M. Elameji Tsbiakampa, président du Tribunal pour enfants, conseiller au cabinet du ministre. Les autres membres de la COSVECOM proviennent de la Cour Constitutionnelle, à savoir, deux (M. Kombe Kalala, conseiller principal au Cabinet du Président de la Cour Constitutionnelle en charge du Conseil Supérieur de la Magistrature et de M. Valentin Ngoie Kalenda, Président à la Cour suprême de Justice), un de la Cour Suprême de Justice (M. Tuka Ika Bazongula), un du Parquet Général de la République (M. Safari Kasongo, 1er Avocat Général de la République), un de la Haute Cour Militaire (M. Kalala Shambuyi, conseiller à la Haute Cour Militaire), un de l’Auditorat Général des Forces Armées de la RDC (M. Kangudi Mungul Diaka, avocat général des FARDC), et un du Secrétariat Général du Conseil Supérieur de la Magistrature (M. Nduba Kilima, Président de la Cour d’Appel et Chargé de la Carrière au Secrétariat Permanent). En clair, les petits récalcitrants» des tribunaux ne perdent rien à attendre.
ALUNGA MBUWA.


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