A nouveau Kabila consulte
  • mar, 17/04/2018 - 06:50

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Il veut donner la chance à la paix.
Des membres du Gouvernement au grand complet accueillis à Kingakati à la ferme présidentielle. Ce fut jeudi 12 avril 2018. Ils auraient été membres de la Majorité Présidentielle, passe! Certains de ces ministres membres du Bureau Politique de la Majorité Présidentielle, sont des habitués du lieu…
Mais des ministres issus de l’opposition rendant visite en plein jour le plus formellement et le plus officiellement du monde au Président Joseph Kabila Kabange chez lui, dans son espace privé, familial, cela fait événement. Sans aucun doute. Il y a peu, ces opposants parmi les personnages au verbe haut de nos radios et télés, avaient contribué à diaboliser et, du coup, à faiblir comme certainement jamais, la position politique et donc diplomatique de la Majorité Présidentielle, se rendaient ainsi à Canossa. Qui l’eût cru?

Que donc sont-ils venus faire sur ces terres de l’est de Kinshasa?
En tête le Premier ministre, chef du Gouvernement Bruno Tshibala Nzenzhe! Mais si la politique a une valeur, à savoir, la loyauté, elle est aussi celle qui sait prendre des virages historiques… Il faut d’emblée pouvoir le dire haut et fort: tout à l’honneur de ces hommes et ces femmes… Il faut certainement saluer ce courage!
Puisque Kinshasa ne ferme jamais l’œil et, par ces temps des réseaux sociaux avec ses lanceurs d’alerte au porte-plume en caméra cachée (tout se sait, rien ne se cache, les dirigeants du monde appelés à s’adapter au nouveau monde), le message subliminal de ce Conseil des ministres «vraiment extraordinaire», n’est-il pas déjà connu et analysé?
Déjà, lundi 9 avril au dixième Conseil des ministres extraordinaire ayant précédé celui «plus extraordinaire», le Président de la République a soulevé un coin du voile en abordant une question… taboue.
Un an de Gouvernement d’Union nationale pendant laquelle des actions ont été posées, vous voilà en droite ligne face aux élections. A-t-on atteint le point de non-retour? «Comment irez-vous aux élections? En adversaires ou, au contraire, en frères et sœurs?»
Question fondamentale. Et d’interpeller chacun de ces soixante membres du Gouvernement Tshibala…
Ce jeudi 12 avril, au lever du soleil, ils filent tous vers Kingakati, glissent sur cette route de l’ex-Bandundu, chacun assis sur la banquette arrière de son 4x4 sans savoir quelle annonce les attend, avant de mettre le cap, comme en colonie des vacances, sur la cité de N’Sele et d’embarquer à bord d’autocars jusqu’à ce ranch à la luxuriante végétation, où, à l’entrée, des animaux de diverses espèces, broutent paisiblement l’herbe sans faire attention aux arrivants…
Quand la ville et les réseaux sociaux en verve bruissent de rumeurs, un communiqué officiel est diffusé tard ce jeudi dans la soirée et lu, après l’incontournable foot, sur l’officielle Rtnc. En trois paragraphes serrés, le bien formé et austère secrétaire général du Gouvernement Xavier Bonane ya Nganzi, cherche à tailler des croupières à ces rumeurs. Il parle d’une «retraite autour du Président de la République, Chef de l’Etat». Retraite!
Puis: «Un seul point était inscrit à l’ordre du jour, à savoir, l’évaluation de la situation politique au regard du processus électoral en cours et des impératifs de paix et de stabilité du pays». Puis: «Après échange fructueux, les membres du Gouvernement ont convenu de parachever leur évaluation au cours d’une deuxième séance de retraite prévue pour la semaine prochaine». Il en faudra au total deux jours de retraite… Retraite, le mot ne peut avoir été choisi au hasard.
Chez les galonnés, il s’agit d’une «opération par laquelle des forces se retirent, devant un ennemi plus fort (ou supposé tel) ou dans un contexte politique et social défavorable», selon le dictionnaire.
Ennemi plus fort (ou supposé tel), dans un contexte politique et social défavorable!
Au sens religieux, poursuit le recueil, c’est «une période (ou un lieu) où un individu se retire de ses activités habituelles et s’éloigne physiquement de son cadre de vie pour un temps de réflexion et de méditation. Ce peut être aussi le nom d’un type de maison religieuse située volontairement dans un lieu totalement isolé».

REFLEXION!
Réflexion et méditation! Aussi: «Une retraite spirituelle est un temps que prend une personne pour prier, méditer ou d’une manière générale, réfléchir à sa vie personnelle. Cela comprend une prise de distance géographique vis-à-vis du lieu où l’on vit et travaille habituellement pour, dans la solitude d’un monastère ou d’une institution appropriée, réfléchir aux questions fondamentales de la vie».
Réfléchir aux questions fondamentales de la vie! Au fond, cette retraite dont question est-elle justifiée par la présence d’un «ennemi plus fort (ou supposé tel), dans un contexte politique et social défavorable»? Ou s’agit-il d’une retraite visant à «réfléchir aux questions fondamentales de la vie»? Constatons que le mot réfléchir revient souvent et renvoie à la méditation! Réfléchir sur quoi? Méditer sur quoi? Et, pourquoi, particulièrement, à cette étape de la vie politique nationale? La réponse est donnée dans le communiqué officiel du Gouvernement signé - c’est si rare pour ne pas être souligné - par le bien formé et très austère secrétaire général du Gouvernement Xavier Bonane ya Nganzi. «Un seul point était inscrit à l’ordre du jour, à savoir, l’évaluation de la situation politique au regard du processus électoral en cours et des impératifs de paix et de stabilité du pays». Processus électoral en cours, évaluation de la situation politique, impératifs de paix et de stabilité du pays. Le Président de la République, en menant à l’isolement les membres du Gouvernement, a-t-il voulu les mettre comme les ascètes, à la recherche ou à l’écoute des vérités supérieures ou de principes essentiels?
A ce Conseil des ministres de Kingakati à l’issue duquel le Président offre à ses convives un déjeuner sur l’herbe, prêt d’une source d’eau, le Chef de l’Etat parle longtemps, longuement.
De son parcours depuis son avènement au pouvoir au lendemain de l’assassinat de son père; du Gouvernement du Régime 1+4; des élections de 2006, de la nécessité de faire de la Présidentielle un scrutin à un seul tour; de Jean-Pierre Bemba Gombo aujourd’hui dans une cellule de La Haye et avec lequel il avait tant voulu travailler…
Lui n’a pas changé. Kabila veut travailler avec tous les Congolais. Il l’avait dit dans sa prestation de serment le 20 décembre 2011 sur le patio de la Cité de l’Union Africaine. Il veut travailler avec tout Congolais qui a la passion du Congo… Déjà, il avait pris dans l’équipe gouvernementale deux opposant, Rémy Musungay Bampale nommé ministre de l’Industrie et Jean-Paul Nemoyato Bagepole nommé ministre de l’Economie.
Il révèle même avoir offert de travailler avec Tshisekedi - le même - Etienne wa Mulumba. Un émissaire entrait en scène. Un très proche du Sphinx disparu. Depuis, aucune réponse! A ce jour…
Kabila rappelle ces mille guerres: Nkunda, le M-23, les Concertations nationales de septembre 2013 quand, en pleine guerre du M-23, il voulut «établir et consolider la cohésion interne». Concertations marquées par l’entrée au Gouvernement de nouveaux opposants, ceux du MLC et des proches du président du Sénat Léon Kengo Wa Dondo. Puis, le dialogue d’Ubiza, de Venise, de Paris. Le Dialogue de la Cité de l’Union africaine (qui vit la Primature aller à l’opposant Samy Badibanga Ntita et l’entrée au Gouvernement d’autres opposants dont des proches d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba. En tête deux de ses médecins. Enfin, le Dialogue du Centre inter-diocésain qui a donné naissance à Tshibala Nzenzhe. Avec lui, des opposants ayant signé l’acte de mise en œuvre de l’accord… Au fond, Kabila est et reste l’homme ouvert, l’homme du dialogue par ailleurs constant en démocratie...

ET MAINTENANT?
Et maintenant, face au sprint final qui arrive imperturbablement, que faire? Faut-il y aller en ordre dispersé? Au fait, a-t-on atteint le point de non-retour? Nos vieux fantômes sont-ils désormais derrière nous quand que vautours et charognards rôdent alentour? Les objectifs ont-ils été atteints? Paix, stabilité, développement? Face aux affrontements qui s’annoncent dans un contexte de près de 700 partis politiques et de 94 regroupements politiques, le mot retraite trouve véritablement son sens à cette rencontre de Kingakati.
Du coup, le Président de la République prie chacun de ses collaborateurs du Gouvernement de «réfléchir sur quelques pistes de solution», sur des «stratégies possibles» en vue de la «cohésion nationale». S’il faut réussir ces scrutins, ne faut-il pas tous regarder dans la même direction? Ne faut-il pas un front commun? Homme du dialogue constant, Kabila veut une Grande Coalition. Une «Majorité plus plus».
A cet effet, il a déjà rencontré au moins deux fois le patriarche du Kwilu, Antoine Gizenga Funji. Et ces deux petites phrases: «C’est à nous de faire un choix pour l’intérêt du pays. La réussite ou l’échec dépendra de notre décision».
A cette réunion, pas un ministre membre de la Majorité présidentielle ne prend pour ainsi dire la parole. En revanche, les ministres opposants (Cité de l’UA ou CENCO) sont en première ligne.
Tous dans l’unanimité parfaite saluent la rencontre.
Un homme parle de «convergence politique», de «front commun». Un autre tombe l’expression attendue: «nous sommes devenus une famille». D’où nécessité d’une «maîtrise de notre destin» même si les défis ne manquent pas. A vaincre sans périls, on triomphe sans gloire!
A Kingakati, en attendant ces «réflexions», un acte d’allégeance a lieu. A Kabila...
Le Président de la République défend mordicus sa Constitution. Comme lors de sa Conférence de presse du Palais de la Nation vendredi 26 janvier 2018.
«Si quelqu’un doit défendre cette Constitution, c’est moi. C’est moi qui l’ai faite…». Quand ‘autres l’ont combattue.
Lundi 16 avril, il a convoqué à la Cité de l’Union africaine les élus de la Majorité et du parti allié PALU, de même que les membres du Bureau politique de la Majorité. Ceux-ci attendront finalement le jour suivant. Le Président consulte. Avant, dans la solitude que permet la synthèse, de prendre sa décision...
Aux Députés dont il aurait fait remonter les bretelles pendant près de 1 h 40’ (sur les mille guerres de l’est appelant ceux d’autres provinces à se rendre dans le grand nord kivutien où chaque tribu veut chacune une milice pour se défendre» afin de voir de visu les sacrifices endurés par nos vaillants militaires), il rappelle cette Constitution qu’il entend défendre. Sur la question de la nationalité, faisant référence à l’article 10 de la Constitution qui dispose que «la nationalité congolaise est une et exclusive», il est sans équivoque: il défendra la Constitution. Message adressé au richissime ex-gouverneur du Katanga Moïse Kambi Chapwe qui a porté pendant près de dix-sept ans, la nationalité italienne. Et si l’on veut qu’elle évolue sur la question de la nationalité, cette Constitution doit alors être révisée… On ne peut être plus clair...
T. MATOTU.


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