Mieux comprendre la visite de Nikki Haley
  • lun, 30/10/2017 - 01:13

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Lors du déjeuner offert à ses homologues africains le 20 septembre en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, Donald Trump les a «félicités» pour le «potentiel commercial énorme» du Continent, où se rendent nombre de ses amis pour «devenir riches». Parmi les invités, les présidents sud-africain Jacob Zuma et nigérian Muhammadu Buhari.

«L’Afrique a un potentiel commercial énorme, a déclaré le milliardaire. J’ai plein d’amis qui vont dans vos pays pour essayer de devenir riches. Je vous félicite, ils dépensent beaucoup d’argent». «Pour les entreprises américaines, c’est vraiment devenu un endroit où elles doivent aller - et elles veulent y aller», a poursuivi Donald Trump.
Le président américain a évoqué les ravages causés par les crises et les guerres sur le Continent africain. «Les gens souffrent des conflits en Afrique. En Centrafrique, au Congo, en Libye, au Mali, en Somalie et au Soudan du Sud notamment, ils vivent des moments très difficiles et très dangereux», a-t-il relevé. «Des groupes terroristes, comme l’État islamique, les Shebab, Boko Haram, et Al-Qaïda menacent la paix africaine. Les États-Unis sont fiers de travailler avec vous pour éradiquer les refuges terroristes, pour couper leurs finances et discréditer leur idéologie dépravée», a-t-il poursuivi.
«Nous suivons attentivement et sommes profondément préoccupés par la violence en cours au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo. Des millions de vies sont en danger et nous continuons de fournir une aide humanitaire. Mais de vrais résultats pour arrêter ces catastrophes nécessitent un processus de paix dirigé par des Africains et un sincère, réellement sincère engagement de toutes les parties concernées», a-t-il averti. «Je sais que vous travaillez durement sur cela. Pour vous aider dans vos efforts, j’envoie l’ambassadrice Nikki Haley en Afrique pour discuter des conflits et de leur résolution, et plus important, de la prévention», avait annoncé Donald Trump. L’ex-gouverneure de Caroline du Sud d’origine indienne qui entreprend ses premiers pas en diplomatie est devenue de facto depuis janvier la voix de la diplomatie américaine. Elle profite d’un relatif effacement du secrétaire d’État Rex Tillerson et surtout de son lien direct et très fréquent avec Donald Trump.
L’alors candidat à la Maison Blanche l’avait promis à ses électeurs: désormais, ce sera «America First» («l’Amérique d’abord »). C’est le titre de son premier projet de budget, pour 2018, publié le 16 mars.
Le président veut notamment réduire la dotation au Département d’Etat (le ministère des Affaires étrangères) et à USAID, l’agence pour l’aide extérieure, de US$ 10 milliards (soit près d’un tiers).
Certains pays du Continent sont en première ligne, comme l’Éthiopie, troisième récipiendaire mondial d’aide américaine avec US$ 513,6 millions attendus en 2017.
L’administration Trump veut aussi couper totalement le financement de certaines agences, comme l’African Development Foundation, doté de US$ 28 millions chaque année pour financer des petites entreprises du continent. Elle envisage par ailleurs de réaliser des économies dans les programmes d’échange, là où Barack Obama avait fait créer un programme d’accueil et de formation de jeunes leaders africains. Seuls les programmes d’aide médicale (vaccinations et lutte contre le VIH notamment) sont sanctuarisés.
Mais le Continent pourrait surtout être touché par ricochet. Ainsi, Donald Trump a promis d’arrêter de financer le Fonds Vert pour le climat, destiné à aider les pays les plus vulnérables à s’adapter au réchauffement climatique. Les États-Unis s’étaient engagés à lui verser US$ 2 milliards supplémentaires. Il compte en outre réduire de US$ 650 millions sur trois ans ses financements aux banques de développement, comme la Banque mondiale et la BAD (Banque Africaine de Développement). Et réduire sa contribution à l’ONU, au moment où elle fait face, en Afrique et au Moyen-Orient, à la «pire crise humanitaire depuis la seconde guerre mondiale».
Washington est le principal bailleur des missions de maintien de la paix (28%) et les trois quarts de ses budgets sont affectés au Continent: US$ 1,2 milliards pour la R-dCongo (la plus chère de toutes), US$ 0,9 milliards au Mali et autant en Centrafrique. «Pour l’instant, ce n’est qu’un projet qui sera discuté au Congrès jusqu’en octobre», assure une source au Département d’État, où l’humeur est néanmoins bien sombre depuis l’élection de Donald Trump.
Certains pays, notamment du Sahel et de l’Afrique du Nord, pourraient «récupérer» une partie de ces budgets, sous une tout autre forme. Trump prévoit d’augmenter le budget de la défense de US$ 52 milliards (soit cinq fois plus que les économies réalisées au Département d’État).
Cela lui permettra de conserver, intacte, son aide militaire à Israël.
Mais il veut aussi consacrer une partie de cette manne à combattre ce qu’il définit comme l’ennemi prioritaire des États-Unis: l’organisation État islamique. Tout indique que la nouvelle administration compte le faire avec une stratégie de «présence légère»: utilisation des drones (pour lesquels une base à US$ 50 millions est en construction à Agadez, au Niger), intervention de forces spéciales et surtout soutien aux «alliés qui se battent sur le terrain», comme le projet de budget l’indique noir sur blanc.


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