Kingakati, ce que Kabila a dit
  • dim, 23/03/2014 - 10:07

A Kingakati, ce jeudi 20 mai, c’est un Kabila magistral, sûr de son fait et de sa mission, qui a revisité la ligne de front, l’a recadré pour les combats impitoyables qui s’annoncent.

Kabila nourrit un tel scrupule de la fonction qu’il exerce que le Président de la République n’a jamais reçu nulle part ses troupes de la majorité que dans cette ferme de l’extrême banlieue est de la Capitale qu’il s’emploie depuis plusieurs années à donner corps avec des moyens de bord. Ce qu’il fait une nette différence entre sa fonction d’Etat - Kabila, le Président de la République - et son activité au sein de sa famille politique - Kabila, le Chef de la majorité - bien qu’au fond, sur papier, rien n’empêche qu’il accueille sous les ors de la République - au Palais de la Nation, siège de la Présidence - ses camarades quand en France c’est dans l’un des salons du Palais de l’Elysée que les présidents français reçoivent élus et dirigeants politiques de la majorité.
A force de venir à Kingakati depuis de longues années sous la casquette de la majorité présidentielle, il est temps que cette ferme où le Chef de l’Etat expérimente des espèces culturales rares porte le nom qu’il mérite, celui de QG de la majorité.
Sur ce sable blanc dépourvu d’infrastructure avec sa route en terre, véritable calvaire pour tout-terrain - le Président de la République aime à vivre en ermite, dans une sorte de dénuement impossible, loin de tout bling-bling - une énorme tente dressée en plein air sert de lieu culte pour la majorité présidentielle.
A midi tapant, ce jeudi 20 mai, Kabila fait son entrée sous la tente accueilli par des pétarades d’applaudissements et voilà que dans la minute, la rencontre est partie...
C’est à l’américaine que tout se déroule. D’abord, une séance de musculation avec cinq prises de parole annoncées et conçues comme des moments d’échauffement, debout devant un micro, face au Président de la République, chacun parlant au nom des siens.
Un sénateur, puis un député, puis un gouverneur de province, puis un (une) diplomate avant que le Secrétaire général de la majorité ne clôture cette mise en bouche au nom des présidents des partis politiques de la majorité.
Nul doute, le pays s’est mis au rythme de grandes échéances politiques. Et Kingakati en a déjà l’expérience...
Chaque discours brosse le tableau, l’affine, réchauffe la salle, monte la pression, aligne l’argumentaire, justifie le bien-fondé de la lutte entamée, les résultats engrangés dans tous les domaines, renouvelle l’acte d’allégeance. Puis, l’apothéose, assoit la majorité sur son fauteuil.

«NOUS SOMMES UNE FAMILLE».
Sous l’énorme tente immaculée, d’infinies salves d’applaudissements partent de toutes parts...
Le décor ainsi planté, ceux qui n’ont rien compris ne comprendront rien. Le pays est en passe d’engager un tournant historique. Ici et maintenant, nous devons nous reconnaître en sachant qui est avec nous, qui regarde ailleurs. Face à l’histoire, nous devons nous mettre devant nos responsabilités...
Un mot qui sonne et résonne longtemps comme un leitmotiv dans nos oreilles quand trois heures plus tard, les tout-terrain glissent sur le macadam: la famille. «Oui, nous sommes une famille».
Un rappel à l’ordre à qui l’aurait oublié. Du coup discrétion, du coup discipline, donc loyauté, du coup solidarité, du coup vigilance. Tout cela pour qu’à jamais règne la cohésion, toute la cohésion, rien que la cohésion…
Ici, dans ce cadre familial, on peut tout dire et tout se dire mais jamais ailleurs - nulle part au monde, une famille ne saurait nourrir en son sein les éléments de sa propre destruction et si c’est le cas, il est urgent de clarifier la situation. C’est clair que l’est l’eau de roche...
Sous la tente, on écoute. On entendrait une mouche voler. La tente acquiesce.
Avant de repartir. Sans discipline, c’est le chaos. Sans cohésion, l’adversaire n’aura rien à faire sinon à croiser les jambes, à attendre en se léchant les babines que vienne l’épuisement avant de nous prendre.
La finalité de la cohésion? La stabilité de la famille, la stabilité du pays acquise à prix d’or - le pays ne sort-il pas de la guerre? Une stabilité à maintenir quoi qu’il en coûte!

LA PAIX IRREVERSIBLE.
Démocratie? Bien sûr que oui et c’est pour cela que notre République se nomme «Démocratique».
Mais entre démocratie et stabilité, que choisir? Que celui qui n’a pas la réponse lève le doigt.
La paix restaurée doit être désormais rendue irréversible. Pour cela, la priorité absolue est à la défense nationale, donc à la sécurité du territoire, mais aussi à la diplomatie, à l’éveil des consciences de nos Concitoyens.
«Réveillez-vous», lance martial le Chef de l’Etat en commandant en Chef des forces. C’est trois fois que cette phrase est prononcée dans ce discours d’une heure. On a compris… Nul ici n’a comploté contre qui que ce soit. Les comploteurs, ce n’est pas nous...
Viennent les promesses. Le rappel que les promesses sont faites pour être tenues - une promesse est une dette.
La première ce sont ces Concertations nationales qui servent désormais de référence au Continent.
Certains l’en ont dissuadé ferme - mémos à la clé. Elles allaient s’embourber et se transformer en CNS-bis. «Mais j’ai une chance, moi: je n’y étais pas à cette CNS. Il m’est donc permis de m’essayer...», nous dit-il avec, zeste d’humour en sus.
Puis ce à quoi elles ont donné lieu. A commencer par ce Gouvernement de cohésion nationale. Ce Gouvernement n’a jamais été conçu pour «gérer la guerre» - qui a effectivement pris fin et de fait, rendrait caduque la nomination de ce Gouvernement - mais précisément ce Gouvernement a été conçu pour «gérer la situation actuelle», recadre le Chef de l’Etat.
Alors, faut-il y aller? Bien sûr que oui. Ce fut une promesse et c’est «bientôt» ce Gouvernement de cohésion nationale.
Tout comme le quota du genre - le fameux 30% accordé aux femmes. Y a-t-il quelqu’un qui boude? Bien sûr! A nouveau, qu’on soit d’accord ou pas, ce fut une promesse - et la promesse est une dette.
«Réveillez-vous». Il nous est interdit de dormir.
La session ouverte le 15 mars est ordinaire? Si elle l’est ce n’est certainement pour nous. Nous, on a du grain à moudre, à commencer par «l’installation de ce Gouvernement de cohésion nationale»...
Ce n’est certainement pas le moment de nous laisser distraire.
Comme cette «agitation autour de 2016». Partout ailleurs (où il y a aussi des échéances), aucun débat de ce type n’a lieu! Alors, pourquoi a-t-il lieu ici? En prévision de ce 2016, chacun se constitue un clan. Il faut éviter qu’on vienne nous injecter le venin de la division qui nous imploserait. Face à nous, il y a 2014, une année pleine et entière. Puis 2015, une année pleine et entière. Puis 2016, une année pleine et entière. Nous devons mettre à profit ce temps à construire le pays. Puis le dauphin. Tiens le dauphin! «Je n’en ai pas! Et je n’en connais pas», tranche-t-il, sans appel ici comme sur d’autres sujets.
Alors, bien sûr, on lui prête des intentions. «Comme d’habitude». Mais qu’on se rassure: rien ne se fera jamais contre la Constitution et rien ne se fera en violation de la Constitution. Ce n’est pas sans rappeler que la politique n’est pas faite que pour le politicien. Elle est aussi faite pour le peuple. En effet.
«Le peuple a aussi son mot à dire dans la conduite des affaires».
Qu’on se rassure: Kabila ne trahira jamais. Je ne trahirai jamais. Ni la Constitution, ni les troupes. Un jour, quelqu’un a dit, non loin d’ici: «Comprenez mon émotion» (allusion à Mobutu Sese Seko, rires sous la tente) avant de laisser errer les siens et d’abandonner d’autres en rase-motte.
Message clair: il y a quelqu’un à la barre. La barre est tenue. Aujourd’hui et demain.
Ce pays a-t-il jamais atteint le point de non-retour, le seuil fatidique, le point, selon le dictionnaire, à partir duquel un événement ou une action en cours ne peut plus être arrêtée ou à partir duquel il devient impossible de revenir sur une décision? Le point d’irréversibilité au-delà duquel la résilience devient impossible. Qui répondra par l’affirmative? Message clair... En France, combien de fois la Constitution de la Vème République - dite du 4 octobre 1958 - a-t-elle été révisée.
Dès les premières années de son fonctionnement déjà. Puis, les révisions sont devenues plus fréquentes sous une double impulsion: volonté de moderniser les institutions, impératifs de construction de l’Europe et de l’intégration à l’ordre juridique international.
A Kingakati, c’est un Kabila magistral, sûr de son fait et de sa mission, qui a revisité la ligne de front, l’a recadré pour les combats impitoyables qui s’annoncent.
D. DADEI.

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