Il avait longtemps gardé silence, Athanase Matenda Kyelu sort du bois
  • ven, 25/05/2018 - 06:05

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le poids lourd du Maniema regrette le sort réservé à son projet de taxe sur la valeur ajoutée.

Il fut ministre de la Fonction publique dans le Gouvernement du Régime de 1+4 de 2004 à 2006. Puis ministre des Finances au lendemain des élections de 2006 jusqu’en février 2010 dans les Gouvernements Gizenga 1, Gizenga 2 et Muzitu 1. Elu Rega du territoire de Pangi, province du Maniema, Athanase MatendaKyelu également professeur d’université après la défense avec brio le 13 décembre 2013 de sa thèse de Doctorat à l’Université de Paris II-Assas sur la TVA au Congo (mention spéciale du Jury avec autorisation de publier le livre) et qui enseigne la fiscalité internationale, est paru dans la revue «RD Congo Monde» datée février-mars 2018. Après des années d’absence sur les médias, ce poids lourd de la politique et de la science porte un regard avisé sur la situation politique du pays et dans son domaine de prédilection, à savoir, la fiscalité et la taxe sur la valeur ajoutée qu’il porta, comme ministre des Finances, sur les fonts baptismaux en signant en mai 2007 l’arrêté portant création du comité de suivi de la TVA.
Ci-après.

Vous avez une longue expérience dans la bonne gouvernance de la chose publique. Président d’un parti politique qui a le vent en poupe, comment se porte votre parti NAD, Nouvelle Alliance des Démocrates?
Je m’exprime premièrement comme politique. J’ai commencé la politique active avec l’avènement de Joseph Kabila Kabange. Auparavant, j’étais dans le secteur privé où, comme administrateur délégué, j’ai dirigé l’Association Nationale des Entreprises du Zaïre, ANEZA aujourd’hui Fédération des Entreprises du Congo, FEC. Bien avant, après mes études en économie, j’ai été retenu comme assistant à l’université. Ma carrière professionnelle débute à la Banque du Peuple, BDP. Apres 25 ans à la FEC, je me décide de jeter l’éponge et d’embrasser la politique active lors du dialogue inter- Congolais tenu à Sun City, en Afrique du Sud. Pendant ce dialogue, j’ai été désigné rapporteur chargé de la Commission économico-financière. J’ai donc présenté le rapport de cette commission à la plénière. J’étais très connu de tous les protagonistes présents à ce dialogue, RCD, MLC, composante gouvernementale. Issu moi-même de la société civile représentant la communauté des entreprises du Congo (ANEZA, FENAPEC et COPEMECO), j’ai travaillé comme administrateur et porte-parole. Après Sun City, l’on a mis en place le Comité de suivi des résolutions du dialogue dans lequel siégeaient 14 personnes issues des partis politiques et de la société civile ayant pris part au dialogue. Avec le Révérend KuyeDondo, actuellement évêque ECC au Sud-Kivu, je fus choisi pour représenter la Société civile. Après la mise en place de toutes les institutions de la transition, le Chef de l’Etat m’a demandé d’accepter de devenir parlementaire pour le compte de la société civile. J’ai donc cumulé les fonctions d’administrateur délégué à la FEC et celles de député de transition. Dans ce Parlement, j’étais élu président d’une grande commission permanente. Peu après est intervenu un remaniement du gouvernement et je me suis retrouvé à la tête du ministère de la Fonction publique où j’ai eu la charge de conduire, avec le concours du gouvernement sud-africain, la réforme de l’administration publique en organisant le recensement des agents et fonctionnaires de l’État. Puis, j’ai été élu en 2006 député national sur la liste des indépendants pour la circonscription électorale de Pangi dans le Maniema. Revenu à Kinshasa, il a plu à l’actuel Président
de la République de me nommer ministre des Finances. L’une des missions premières que le Chef de l’État m’a confiées était de renouer avec les institutions de BrettonWoods, Fonds monétaire
international, Banque Mondial mais aussi Banque Africaine de Développement. J’ajoute que depuis la transition; la rupture du programme avec le FMI pesait négativement sur la gestion du pays. Nous avons donc travaillé avec le FMI jusqu’en 2009 quand on a annoncé en 2010 l’atteinte du Point d’achèvement de l’initiative PPTE. En février de la même année j’ai quitté le gouvernement lors d’un remaniement.
Depuis, je siège comme député et après avoir été réélu en 2011 cette fois à la tête de mon parti politique NAD. Il sied de noter que lorsqu’en 2006, le président Joseph
Kabila décide de créer la plate-forme politique dénommée «Alliance de la Majorité Présidentielle» (AMP), à nouveau, le président m’a renouvelé sa confiance en me désignant parmi les Co-fondateurs et depuis, je suis membre du bureau politique de cette famille devenue en 2010 Majorité Présidentielle, MP en sigle. Ainsi, la NAD étant un parti politique significatif de la MP, elle a pu bénéficier successivement des postes ministériels tels Genre, Famille et Enfant, Plan et un vice-ministre aux PTNTIC.
Je précise qu’avec l’avènement du processus électoral actuel, et devant répondre à une disposition de la loi électorale actuelle sur le seuil de représentativité, nous avons initié, avec le concours de deux ou trois amis, la mise en place d’un regroupement politique. Aujourd’hui, nous avons un regroupement politique qui s’appelle Alliance des Bâtisseurs pour un Congo Émergent, ABCE en sigle qui compte 18 partis politiques constitués des personnalités de tous les horizons: d’anciens ministres, des ministres actuels, des députés nationaux et des personnalités indépendantes. Nous avons un regroupement qui est vraiment opérationnel et qui ambitionne de gagner les élections au sein de la majorité présidentielle. J’ai eu la bénédiction de mes collègues qui m’ont désigné à l’unanimité président. Je suis assisté de trois vice-présidents dont le Ministre honoraire TryphonKin-kieyMulumba qui est mon premier vice-président, le Ministre honoraire Jean-Marie Bulambo qui est mon 2ème vice-président et de M. Adolphe Mwarabu mon troisième vice-président. Voilà à quel niveau je me situe en politique.

Quelle lecture faites-vous de la situation actuelle du pays et son environnement politique?
Par nature, je suis un homme très optimiste et constant. Je suis issu d’une famille catholique. L’éducation nous inculquée me pousse toujours à faire un effort pour rester juste et objectif. Tout ce que je fais est guidé par beaucoup d’éthique. Cela veut dire que comme dans l’histoire de tous les pays du monde, nous sommes dans un tournant assez important. Parce qu’il est question de parler aujourd’hui de la notion de l’alternance. Ce mot n’est pas synonyme de simple focalisation sur les individus. Mais plutôt le système ou les mécanismes qui guident le pays.
Moi, je dis que je suis derrière Kabila par conviction. Et toujours par conviction, je crois que nous allons vers les élections et nous allons les gagner. Nous nous organisons déjà pour cela tout en suivant le rythme tel qu’imprimé par la Commission Électorale Nationale Indépendante.

Un professeur d’université explique que le Congo est comme un pays frappé par le mythe de Sisyphe. À chaque fois qu’on essaie d’atteindre le sommet, on se retrouve au bas de l’échelle pour reprendre le même parcours. Partagez-vous cet avis?
Pas tout à fait. Nous ne sommes pas le seul. L’histoire peut même nous indiquer le parcours de tous les États, c’est comme ça. Dans un tournant de l’Histoire, il y a toujours une incertitude pour le lendemain, raison pour laquelle on a besoin d’un visionnaire. À l’avènement de Joseph Kabila, certains sceptiques ne lui donnaient même pas deux ans à la tête du pays. Mais, aujourd’hui, cela fait 17 ans qu’il dirige des mains de maître le pays. On peut tout dire. Moi, je l’ai vu à l’œuvre depuis le départ. Je dis que ma conviction est fondée… Je ne voudrais pas ici me mettre à la place des autres. La question de la gestion d’un pays, ce sont des règles classiques qu’il faut respecter. Comme les règles des équilibres des différents agrégats. Ce sont des règles très simples.

Votre thèse traite de la TVA. En quoi est-elle est originale?
Du fait de mes 25 ans passés dans le privé comme un des animateurs de la plus grande organisation patronale des entreprises, je pense avoir maîtrisé ce secteur. J’ai donc dû m’intéresser à la maximisation des recettes de l’État. J’ai porté mon regard sur un élément clé, à savoir, la TVA. Une taxe d’actualité considérée par certains comme étant une transition fiscale par excellence. Un modèle intéressant certes, très étendu dans le monde. Nous avons pris le modèle du Congo en nous comportant comme des gynécologues tout en nous appuyant sur un grand fiscaliste, Jean Claude Martinez de l’Ecole de Maurice Lauré, du nom de ce haut fonctionnaire français, fiscaliste connu pour la création en 1954 de la TVA, taxe sur la valeur ajoutée. De la conception à la naissance et les perspectives en termes juridiques sociologiques, économiques, philosophiques, etc., et c’est en comparaison avec la situation de la France et d’autres pays du monde ayant appliqué la TVA. C’est en 2001 que j’ai commencé cette réflexion parce qu’à cette époque, j’étais parmi les initiateurs de la sélection des entreprises éligibles à l’actuelle Direction Générale de grandes Entreprises, DGE. Il fallait que les grandes entreprises versent plus dans les caisses de la DGI. C’est le point de départ de la TVA. Puis, je suis devenu ministre des Finances. J’ai été celui qui a signé l’arrêté portant création du comité de suivi de la TVA en mai 2007. Dans mon ouvrage, j’ai tenté de démontrer le parcours que devrait suivre la RDC pour éviter les écueils connus par les pays qui l’ont précédé afin d’assurer la réussite réel de la TVA.

Quel bilan dresser de l’application de la TVA en RDC?
J’en suis déçu. Au moment où j’ai quitté le ministère des Finances, j’étais occupé à finaliser les textes qui régiraient l’application de la TVA en RDC. J’avoue que nous n’avons pas respecté les règles.
C’est toutes les questions qui entourent la mise en place de la TVA, l’informatisation, le seuil d’assujettissement, le taux à appliquer, le système d’exonération, le mode de remboursement, etc., qui auraient dû systématiquement faire l’objet des correctifs en vue de permettre à la TVA d’atteindre son efficacité et son efficience. Malheureusement, notre sentiment est que beaucoup reste à faire. Aujourd’hui, nous sommes en difficultés. La TVA, c’est une taxe qui frappe la consommation pour éviter le cumul des marges comme l’ICA à l’époque. Et travailler en cumul des marges, cela fait que les prix augmentent. Mais ici, c’est juste le consommateur final qui paie la TVA. Ce qui fait que tous les autres intermédiaires qui ne sont pas dans la consommation finale doivent bénéficier de la déductibilité des sommes payées en amont.
Une très bonne question en une de mon ouvrage: «Est-ce à travers le monde, la TVA a réussi partout dans les mêmes conditions?» Je ne l’affirme pas. Elle a réussi là où l’économie est très bien organisée, là où il y a une bonne gouvernance. Les recettes douanières sont très importantes parce que dans la plupart des pays africains, il a été démontré que les recettes douanières représentent plus de 40% par rapport aux recettes d’une façon globale.
Comme mon maître, l’éminent fiscaliste français Martinez, je confirme réellement que la TVA n’est pas une panacée. C’est une bonne taxe mais, il faut l’améliorer davantage. Mais, aussi tel que je l’ai indiqué dans ma thèse de doctorat, je reste convaincu que contrairement aux pays développés, l’Afrique en dépit de sa tendance à s’ouvrir vers les grands espaces économiques, devrait prendre son courage pour tenter l’expérience d’une transgression fiscale en amorçant la promotion de la technique des droits des douanes déductibles. Ceux-ci présentent davantage de neutralité fiscale à travers un mécanisme de déductibilité. C’est à ce titre seulement que dans la complémentarité la TVA et les droits des douanes peuvent réellement contribuer à la maximisation efficiente des recettes publique.


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