Ces cinq élus du Congo
  • lun, 27/11/2017 - 06:23

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Ils sont cinq au total les élus de nos élections. Pas plus… Kabila d’abord. Dans nombre de nos circonscriptions électorales, tout celui qui se réclamait du Président de la République était écouté voire élu. Cela a été vrai en 2006. Tshisekedi ensuite. Dans les provinces du centre particulièrement, il ne faisait pas bon être pro-pouvoir. Le troisième élu du Peuple est Jean-Pierre Bemba Gombo. Brandir sa carte de membre du parti de «Mwana Congo» a facilité l’élection de nombre de candidats.
Le quatrième est Gizenga. En 2006, dans le Kwilu, les adeptes de l’Eglise des Noirs en Afrique ont boosté les candidats gizengistes littéralement écrasés en 2011 après une épreuve du pouvoir non concluante. Le cinquième élu est la Personnalité Politique Emblématique incontournable.
En 2006, nul ne donnait aucune chance à ces candidats indépendants qui ne s’étaient laissés attirer par aucun parti politique.
Avec une soixantaine d’élus, ils surent pourtant former un groupe parlementaire. En 2011, sauf rares exceptions liées à des situations locales, ces Personnalités Politiques Emblématiques sociologiquement assises, furent toutes réélues et constituent la porte d’entrée de leurs fiefs en dépit de crocs-en-jambe politiques. Demain comme hier, sauf à les écraser avec brutalité, circulez, il n’y a rien à voir sous le soleil même si des personnalités postiches créées de toutes pièces pour les besoins de la cause, peuvent débouler dans nos circonscriptions sans aucun idéal, juste dans le simple cadre d’une «stratégie électorale» pernicieuse ou des listes d’élus peuvent être postées depuis des officines kinoises. Fait qui ne pourrait que nous replonger dans nos crises cycliques. Corneille Nangaa Yobeluo peut engager son projet de réforme de la loi électorale légitime mais s’il ne prend pas en compte cette donnée imparable, c’est littéralement faire fausse route.

Disons-le tout de go: Corneille Nangaa Yobeluo n’a pas tort quand il engage son projet de réforme de la loi électorale. Il faut bien y aller sans atermoiements funestes mais peut-être aussi sans précipitation inconsidérée - l’expression n’a jamais été aussi actuelle - quand il s’agit de réaliser une économie des moyens et de temps. Une démarche légitime sans nul doute. Un milliard de $US à dépenser à chaque échéance électorale par un Trésor public exsangue quand le Congo, pays aux dimensions d’un Continent, doit tout construire: eau potable, électricité, infrastructures (hospitalières, routières, scolaires, etc.).
Quel gâchis!
Mais un pays doté de 400 tribus, en clair de 400 peuples et, donc, de 400 cultures. Certains de ces peuples se sont affrontés dans le passé ou s’affrontent aujourd’hui encore et, du coup, se recherchent une identité.
Celle-ci ne saurait s’exprimer qu’à travers une personnalité sur laquelle le Peuple se reconnaît.
D’où la multitude de partis politiques - 400 ou 500 au total, qu’importe! - à n’effaroucher quiconque…
Dans nos pays, l’idéologie n’a jamais existé, il n’est point besoin de la forcer. Elle pourrait bien exister un jour, mais cela suppose vision définie, commune, partagée. Telle n’est cependant pas la situation actuelle dans notre pays. Du coup, les partis politiques nationaux ne sauraient exister nulle part. En Occident d’ailleurs, la Belgique, l’Allemagne, etc., nous en donnent l’exemple. Nul ne peut se tromper soi-même… Ne pas prendre cette donnée en compte c’est littéralement faire fausse route.
Dans nos pays, seule la tribu compte. En clair, la sociologie. Depuis les temps immémoriaux c’est cette réalité imparable qui s’est toujours exprimée politiquement et, donc, dans les urnes.
Les élections… démocratiques de 2001 et de 2006 l’ont encore confirmé.
Quels sont les élus de ces élections? Cinq au total. Pas plus…
D’abord Kabila. Dans nos provinces orientales (Kivu, Katanga, Province Orientale), tout celui qui se réclamait du Président de la République était écouté d’office voire élu. Cela a été vrai en 2006, cela l’a été moins en 2011. Suite à l’entrée en scène du tout premier frondeur du camp présidentiel, Vital Kamerhe Lwa-Kanyiginyi qui s’est imposé dans les deux Kivu et, certainement plus à Goma et à Bukavu, villes qui comptent une forte domination Shi, ethnie dont est issu l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Le départ avec fracas de Moïse Katumbi Chapwe du PPRD ne pourrait pas ne pas avoir des suites électorales dans l’ex-Katanga dont le richissime ex-gouverneur est originaire...
Tshisekedi ensuite. Dans les provinces du centre du pays, provinces dont est originaire feue icône de l’opposition historique, dans le Congo Central (province connue pour être par principe anti-pouvoir) et dans la Capitale Kinshasa qui compte une forte communauté luba-kasaïenne, il ne faisait pas bon être pro-pouvoir, ni en 2006, ni en 2011. En 2011, il a suffi pour un candidat de s’improviser opportunément conducteur d’Etienne Tshisekedi lors du meeting que celui-ci tenait dans la ville portuaire de Matadi, après que son véhicule eût tombé en panne, pour que l’homme soit élu…
Le troisième élu du Peuple est Jean-Pierre Bemba Gombo affublé du nom de «Mwana Congo» (fils du pays) dont le parti MLC fit un tabac dans «son» Equateur mobutiste et dans la ville de Kinshasa qui compte nombre de ressortissants Bangala. Brandir sa carte de membre du parti bembiste a facilité l’élection de nombre de candidats. Des personnalités de premier rang l’ont remporté haut la main en 2006 avant de s’éteindre en 2011 du simple fait d’avoir trahi ce camp…
Le quatrième élu du Congo est Gizenga. Dans le Kwilu et, généralement dans l’ex-Bandundu, les adeptes de l’Eglise des Noirs en Afrique ont boosté les candidats gizengistes à ce point que les candidats kabilistes diabolisés à outrance ne furent que l’ombre d’eux-mêmes, malgré des moyens colossaux. Ceci a été plus vrai en 2006. Ayant passé une épreuve peu concluante du pouvoir avec un Kwilu toujours aussi peu développé, les Gizengistes ont littéralement été écrasés en 2011 au point de n’avoir pu former un groupe parlementaire autonome. Le cinquième élu enfin. Il s’agit de la Personnalité Politique Emblématique incontournable.
En 2006, nul ne donnait aucune chance à ces candidats indépendants qui ne s’étaient laissés attirer par aucun parti politique. Avec une soixantaine d’élus, ils surent pourtant former un groupe parlementaire, le GPI, Groupe Parlementaire des Indépendants. En 2011, sauf rares exceptions liées à des situations locales, ces Personnalités Politiques Emblématiques sociologiquement assises, furent toutes réélues et constituent la voie obligée dans leurs fiefs en dépit de crocs-en-jambe politiques. Demain comme hier, sauf à les écraser avec brutalité, il n’y aura rien de nouveau sous le soleil même si des personnalités postiches, sans surface, sans référence aucune, créées de toutes pièces pour le besoin de la cause, peuvent débouler dans nos circonscriptions sans aucun idéal, juste dans le simple cadre d’une «stratégie électorale» pernicieuse ou des listes d’élus peuvent être postées depuis des officines kinoises.
Outre ces réalités objectives qui doivent être prises en compte, il en existe d’autres. Après deux législatures, des questions fusent de toutes parts au sein de nos familles politiques. La sincérité a-t-elle jamais existé dans les rapports politiques? Quid de la solidarité, socle de toute famille? Les schémas personnels qui consistent à écraser l’autre ne sont-ils pas au contraire légion? Quand, à la croisée des chemins, comment refouler l’instinct de survie?


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