Zuma - Kabila
Zuma, Nikki, dernier round
  • lun, 16/10/2017 - 13:45

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Sans doute aucun, le Congo est à un tournant crucial de son histoire chaotique marquée de mille conflits et guerres fratricides. Un contexte diplomatique ouvert à l’écoute des Congolais eux-mêmes grâce à un virage inespéré de politique rendu possible à la suite d’élections intervenues aux États-Unis d’Amérique et en France mais une opposition au verbe haut qui use de médias structurés et de réseaux sociaux comme d’une armée entrée en guerre contre un ennemi qu’elle harcèle sans répit, démobilise, annonçant des victoires virtuelles mais qui dans un monde hyper médiatisé frappent l’imaginaire collectif.
Même si le pouvoir n’est ni aux médias, ni aux réseaux sociaux, les gouvernants auraient tort de négliger cette donne. Qui ne sait comment François Hollande put, par exemple, se faire happer par des médias pétris de fake news au point d’avoir pensé à annuler sa présence au sommet de la Francophonie à Kinshasa? S’il fit le déplacement de la capitale congolaise, le 12 octobre 2012, c’est contraint et forcé par un diplomate de haut vol, l’ancien président sénégalais Abdou Diouf qui présidait alors l’Organisation Internationale de la Francophonie, OIF. Le président français se fit expliquer que malgré une posture affirmée à anti-Françafrique, sans la présence du président de la France dans la capitale congolaise, il n’y aurait point de sommet de la Francophonie cette année-là et qu’en outre, il s’agissait du plus grand pays francophone du monde en termes de dimension géographique et de deuxième pays du monde en termes de démographie, que cela nuirait sans nul doute à l’image et aux intérêts de la France dans le monde plus que cela aurait de retombées négatives sur le Congo au moment où des pays comme le Rwanda, le Gabon et d’autres, avaient le regard tourné vers les pays anglo-saxons et étaient attirés par leur langue et leur culture...
On connaît la suite du dossier: comment le président français fit attendre l’ouverture du XIVème Sommet francophone et comment il brocarda le couple présidentiel debout à son attente interminable; quel accueil arrogant lui réserva à son arrivée dans le hall du Palais du Peuple et au discours présidentiel au point de frôler un incident diplomatique majeur avant certes de s’en repentir peu après lors d’un tête-à-tête à la Cité de l’Union Africaine négocié par le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius au vu des réalités qui contrastaient avec les idées véhiculées depuis Paris et, plus clairement, lors de ses adieux le 14 janvier 2017 à Bamako, au Mali, au Sommet France-Afrique où, abandonné par les Français, isolé par les siens qui le poussèrent à l’abdication, il fut ovationné debout, en parlant de «l’Afrique et de la France ensemble»...

NOTRE TALON D’ACHILLE.
Il ne saurait y avoir l’ombre d’aucun doute: le talon d’Achille de Kinshasa c’est sa com’. Même si elle ne gouverne pas, l’environnement qu’elle crée en le conditionnant au plus près, impacte à ce point sur l’image que l’on se fait de l’homme public et du pouvoir qu’il incarne qu’on aurait tort de ne pas la considérer comme une part du pouvoir.
C’est dans ce contexte extrêmement tendu, le moins que l’on puisse dire, que déboulent dans la Capitale, au cours de ce mois d’octobre qui marque les rentrées politiques dans le monde, deux visiteurs représentant deux grandes puissances africaine et planétaire qui, sans aucun doute, viennent sceller l’avenir proche du Congo.
D’abord le président sud-africain Jacob Gedleyihlekisa Zuma arrivé, une fois n’est pas coutume, tard dans la soirée du 14 octobre, accueilli au bas de l’avion par le Premier ministre Bruno Tshibala Nzenzhe et qui a eu un tête-à-tête le lendemain dimanche 15 octobre avec son homologue congolais au Palais de la Nation, siège de la Présidence de la République. Accompagné de sa ministre des Relations internationales et de la Coopération, Mme Maite Nkoana Mashabane, le Chef de l’État sud-africain quoiqu’affaibli politiquement par moult affaires judiciaires dans son pays, dirige la première puissance économique et donc politique du Continent.
Bien plus, président en exercice de la SADC, Jacob Zuma pèse lourdement sur les questions sous-régionales. Les 19 et 20 août à Pretoria, lors du sommet des quinze pays membres de la Communauté de développement de l’Afrique Australe, c’est lui qui avait avalisé la position officielle de Kinshasa déclarant sans ambages à la face du monde qu’«en raison d’un certain nombre de défis en cours, les élections ne pouvaient avoir lieu cette année» au Congo provoquant l’ire d’une frange de l’opposition dite du Rassop/Limete conduite par des frondeurs de la Majorité Présidentielle passés dans l’opposition dont certains de vrais poids lourds disposant d’un carnet d’adresse à l’étranger en tête le richissime ex-gouverneur du Katanga minier, Moïse Katumbi Chapwe.
Trois mois auparavant, à l’issue de la Xème session de la Commission mixte Afrique du Sud-RDC, Zuma et son homologue Joseph Kabila Kabange avaient «exprimé leur satisfaction quant à l’aboutissement heureux du Dialogue politique initié» par le Chef de l’État congolais. Dans le communiqué sanctionnant la fin des travaux de cette commission, outre les deux Dirigeants avaient indiqué que ce dialogue avait abouti à la «désignation d’un Premier ministre, à l’institution d’un Gouvernement de large union nationale, à la consolidation de la démocratie, lesquels ouvriront la voie à la tenue d’élections en RDC», ils avaient condamné «les ingérences intempestives de certaines instances extra-africaines» dans les affaires intérieures des États africains. Un message sans équivoque reçu en écho sur le Continent quand «l’Afrique aux Africains» paraît désormais être un thème en marche, depuis Addis-Abeba, siège de l’Union Africaine, en dépit de multiples contingences.
Alors que le débat fait rage sur le calendrier électoral à la vielle de sa publication par la Commission électorale nationale indépendante qui fixerait les scrutins en 2019 - ce qu’une frange de l’opposition congolaise «désapprouve avec la dernière énergie», pour reprendre les termes d’un communiqué daté du 21 août du président du Rassop/Limete Pierre Lumbi Okongo ou expliquant qu’il s’agit rien moins que d’«une déclaration de guerre au peuple congolais», le propos est de fils Tshisekedi, Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi du même Rassop, et au moment où cette opposition paraît avoir déclenché ou annoncé le chienlit dans le pays, que ni les positions du CNSA contesté lui-même, ni celles de la Cour Constitutionnelle ne sont connues, il ne fait aucun doute que le message qui sortira de cette visite de 48 heures de Zuma dans la Capitale est crucial.
Est-il besoin de rappeler ce discours de Zuma mardi 29 octobre 2013 quand il tonna au Palais du Peuple devant les deux Chambres réunies en Congrès :
«Enough is enough. Time for peace is now» (Trop c’est trop. C’est maintenant le temps de la paix). Puis, dans la même veine: «La souffrance du peuple congolais est aussi notre souffrance. Tout comme sa prospérité. La misère ne peut plus continuer et ne sera plus tolérée».
Ce fut la première visite d’État qu’un président sud-africain effectuait dans notre pays et ce fut une première sud-africaine de s’adresser au Peuple congolais via ses élus. Dans ce discours, Zuma eut un moment d’émotion - observant un temps d’arrêt - quand il expliqua qu’avant de se rendre à l’hémicycle du Palais du Peuple, il s’était arrêté à un endroit - au Palais de la Nation - en compagnie de son homologue congolais, là où le Premier ministre Patrice-Émery Lumumba prononça son discours historique le 30 juin 1960 devant le roi des Belges Baudouin 1er qui l’avait conduit à la mort...
Le Palais de la Nation, siège de la Présidence de la République était alors le siège du Parlement où eurent lieu les cérémonies de l’indépendance du pays.
Le discours de Zuma devant les parlementaires fut un ultimatum adressé aux rebelles comme à leurs soutiens étrangers. Dès le jour suivant, le mercredi 30 octobre, le lendemain de cette visite, alors que l’avion du 1er Citoyen sud-africain avait à peine décollé de N’Djili, les événements s’accéléraient dans le conflit qui opposait depuis deux ans les FARDC aux rebelles du M23. Les loyalistes venaient de faire sauter le dernier verrou du M23 - la cité de Bunangana, à la frontière ougandaise - et, le jour même à 20 heures, au jt de la télévision nationale Rtnc, le Chef de l’État, en Commandant en Chef des armées, s’adressait à la Nation et lançait un ultimatum aux rebelles, aux bandes armées, aux pays voisins.
Le passage de Zuma dans la Capitale aura été porte-bonheur. Il marqua la victoire des FARDC et la fin de la guerre...
Le deuxième visiteur attendu dans la Capitale est une visiteuse, Mme Nikki Haley dont la venue est annoncée pour la fin de la semaine, précisément, sept jours, jour pour jour, après le passage de Zuma, le samedi 21 octobre. C’est le président Donald Trump lui-même qui avait annoncé cette visite de cette ex-gouverneure de Caroline du Sud d’origine indienne nommée ambassadrice aux Nations Unies. Il le fit à un groupe de Chefs d’État africains qu’il recevait à déjeuner à New York en marge de la dernière Assemblée générale des Nations Unies au cours duquel Donald Trump épingla le Congo et le Soudan du Sud, deux pays qui, avait-il déclaré, étaient au centre de «profondes préoccupations» de la Maison Blanche et qu’il disait «suivre attentivement».
Contrairement à Zuma, la représentante de Trump s’est fait remarquer ces dernières semaines par des positions tranchantes vis-à-vis de Kinshasa. Fin mars 2017, lors d’un débat au Conseil de Sécurité des Nations Unies portant sur la prolongation du mandat de la Monusco, l’agence de presse britannique Reuters fit état des propos qu’aurait tenus Mme Nikki Haley qualifiant de «prédateur» le régime congolais faisant allusion aux événements horribles de Kamwina Nsapu dans les Kasaï dénonçant les engagements de la force onusienne aux côtés d’un régime qui «maltraite son peuple et bafoue les droits de l’homme». C’est elle qui, cette fois, à Genève, se serait insurgée, début octobre, publiquement contre la candidature de Kinshasa au Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies présentée par le Groupe Afrique estimant que «ce serait un manquement inexcusable» à la défense des droits de l’homme de la part des pays africains.
«Quand des pays du Groupe Afrique avancent la candidature d’un pays comme la R-dCongo pour qu’il devienne membre du Conseil des droits de l’homme, cela n’affaiblit pas seulement cette institution mais alimente également le conflit qui provoque tant de souffrance sur ce Continent», aurait déclaré Nikki Haley citée par des agences de presse. Des prises de position aussi systématiques ne peuvent être soutenues que par une politique publique arrêtée et exécutée. Surtout qu’au même moment, des sanctions économiques ciblées contre des personnalités politiques et, qui plus est, militaires et du système sécuritaire du pays, ne faisaient que pleuvoir aussi bien à Washington que dans les capitales européennes et que diverses sources pensaient pouvoir faire l’annonce d’une nouvelle fournée de personnalités.

WASHINGTON TRÈS RÉALISTE.
Il est vrai que début octobre, un groupe de sept sénateurs américains démocrates a adressé un courrier au président Trump le pressant de prendre des sanctions additionnelles contre le régime si le pouvoir persiste à retarder la tenue des élections. «La décision du président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir après la fin de son mandat constitutionnel en 2016 a jeté le pays dans un chaos politique. L’accord du 31 décembre entre la majorité présidentielle et une coalition de partis d’opposition politique négocié par la Conférence nationale des évêques congolais comprenait l’engagement de tenir des élections d’ici la fin de cette année. Mais le président Kabila n’a pas réussi à mettre en œuvre de bonne foi les dispositions clés de cet accord: constituer un gouvernement de transition inclusif, retirer des accusations contre des prisonniers politiques, libérer les médias, mettre en place un CNSA crédible et indépendant en vue de superviser la mise en œuvre de l’accord. Le président de la commission électorale nationale a déclaré publiquement en juillet que les élections ne pourraient se tenir d’ici la fin de l’année», accusent-ils dans cette correspondance dont copie est opportunément adressée au secrétaire d’État Rex Tillerson, au secrétaire au Trésor Steven Mnuchin et à Nikki Haley.
Bien que depuis des temps immémoriaux, les relations entre Kinshasa et Washington n’ont connu de phase de réchauffement qu’avec des administrations républicaines (Richard Nixon, Gerald Ford, Ronald Reagan, Bush Père), il faut s’attendre à ce que l’ambassadrice du Républicain Trump soit très courue lors de sa visite à Kinshasa par l’opposition du Rassop/Limete, par la société civile politiquement engagée et par une part du clergé catholique qui chercheront à faire valoir la thèse de l’illégitimité ou de l’illégalité du «pouvoir en place». Le thème d’une «transition sans Kabila» sera sans aucun doute brandi par des anti-Kabila fieffés même si l’administration républicaine américaine très réaliste n’ignore rien de l’illégalité et surtout des risques encourus par une telle démarche dans un pays au cœur du Continent disposant de neuf États voisins.

DONALD TRUMP TRÈS PRÉOCCUPÉ.
Sur la Libye et l’Irak par exemple, c’est Donald Trump qui déclarait récemment lui-même avec force et de la manière la plus claire lors d’une interview sur une chaîne de télévision américaine que ces pays sont devenus des «repaires de terroristes, des camps d’entraînement de terroristes» depuis la mort de Kadhafi et de Saddam Hussein et que le Moyen Orient était «à 100% bien mieux» avec eux même si ces Dirigeants n’étaient «pas de braves gens et que c’étaient certainement d’horribles personnages». Quand des ONG brandissent les droits de l’homme bafoués sous les régimes de Kadhafi et de Saddam, le président américain bondit de sa chaise en expliquant qu’ils le sont certainement encore plus aujourd’hui qu’ils ne l’étaient sous Kadhafi et Saddam.
C’est ce réalisme qui conduit l’Afrique et la sous-région à se mettre aux côtés du Congo dans son processus de normalisation politique.
À l’issue du tête-à-tête Kabila-Zuma dimanche 15 octobre, les deux Chefs d’État ont réitéré «leur totale adhésion aux décisions pertinentes du 37ème sommet de la SADC concernant la position positive de la situation politique en République Démocratique du Congo» portant notamment sur le fait qu’«un certain nombre de problèmes ont rendu irréaliste la tenue des élections par la République démocratique du Congo en décembre 2017 comme prévu initialement» et demandant à la CÉNI «de publier le calendrier électoral révisé en consultation avec le Gouvernement et le Conseil national de suivi de la mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre 2016».
Kabila et Zumba ont «appelé la communauté internationale et toutes les parties prenantes à continuer de soutenir la mise en œuvre de l’Accord conclu le 31 décembre 2016 et à respecter les souhaits du peuple congolais afin d’assurer la paix, la sécurité et la stabilité durables en RDC» tout comme ils ont «exhorté toutes les parties prenantes à s’abstenir de toute action susceptible de porter atteinte à la stabilité politique et sécuritaire» du pays.
La rencontre du Palais de la Nation qui a «félicité le Président Joseph Kabange Kabila, le Gouvernement de la RDC et d’autres parties prenantes pour les progrès accomplis dans l’application des dispositions de l’Accord de paix conclu le 31 décembre 2016» a, à nouveau, «dénoncé et condamné les ingérences extracontinentales dans les affaires des États membres de l’UA, en particulier, la pratique de sanctions commise par des organisations et pays non africains et ciblant des personnalités congolaises, et ce, en violation des principes de souveraineté des États et de non-ingérence».
Les deux Chefs de l’État «ont réaffirmé leur détermination à consolider les acquis de la démocratie, de la stabilité, de la sécurité et de la prospérité en faveur des peuples de la région», de même qu’ils «ont renouvelé leur engagement à consolider les relations bilatérales qui existent» entre la RDC et l’Afrique du Sud. Ils ont appelé la communauté internationale à privilégier «le dialogue et le respect mutuel» dans leurs relations avec le Continent et les États-Unis et l’Union Européenne (qui sanctionnent des personnalités congolaises mais qui n’ont pas été cités nommément) «à retirer ces sanctions et à éviter de prendre pareilles mesures à l’avenir».
Kabila et Zuma ont «approuvé la nomination d’un Envoyé spécial en RDC (ndlr: qui devra être un ancien Chef d’État) au vu de la dynamique politique et sécuritaire qui règne dans le pays, en particulier dans le cadre de la préparation des élections».
À Jacob Zuma, président de la SADC et au Roi Mswati III du Swaziland, président sortant de la SADC, «de finaliser les consultations et la nomination de l’Envoyé spécial».
T. MATOTU.


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