Un air bizarre
  • jeu, 19/03/2015 - 03:15

Aucune pétarade ni au Sénat dès 10 h 15’, ni à l’Assemblée nationale deux heures plus tard, à 12h10’. Aucune manifestation de liesse, pas d’effet de langage, aucun trémolo dans aucune voix d’aucun orateur, dans aucun discours de rentrée lundi 16 mars 2015.
Ni à la chambre haute. Ni à la chambre basse. Si les deux hémicycles sont pleins - les membres du Gouvernement comme le corps diplomatique affichent complet sauf ceux en déplacement - la rentrée mars 2015, n’a rien à voir avec les rentrées précédentes. Contrairement à ses habitudes, le président du Sénat Léon Kengo wa Dondo a fait dans l’austérité et la sobriété, expédiant comme dépité son discours en moins de 10 minutes, allant droit à l’essentiel: les attentes politiques - calendrier électoral de la CENI auquel il tient; performances économiques du gouvernement, annonçant un taux de croissance de deux chiffres l’année prochaine et un taux d’inflation de 1% même si «la pauvreté reste présente» qui doit être résorbée grâce au secteur agricole, vantant les 80 millions de terres arables du pays. «Les statistiques économiques ne signifiant pas grand-chose». Puis: «Si nationalisme économique il faut, cela n’est possible qu’en présence de moyens d’investissement nationaux».

LE DEUILDE LA FONCTION.
Dans l’autre chambre, à midi tapant - la ponctualité a été de règle - son «estimé collègue» Aubin Minaku Ndjalandjoku est classique, parcourant en l’espèce tous les dossiers de rentrée: agenda politique à commencer par électoral qui «s’impose à tous» (la matière électorale et référendaire est «de la compétence de la CENI et de la CENI seule» même si la centrale électorale peut être auditionnée par l’Assemblée nationale dans le but de rechercher les voies de dialogue en vue d’un calendrier «réaliste»); découpage électoral qui va dépecer le pays faisant passer en moins de trois mois - à la vitesse lumière - le nombre de provinces de 11 à 26 - opération attendue depuis 2006 et qui s’accélère soudain et met les gouverneurs en position de sortie; résultats économiques du «Gouvernement de la République» obtenus «sous les auspices du président de la République Joseph Kabila Kabange» et doivent être poursuivis grâce au secteur agricole sur le modèle du parc agro-industriel de BukangaLonzo; contrôle parlementaire qui doit se faire dans la responsabilité à commencer par les télécommunications désormais dans l’œil du cyclone des élus - et du pays - qui se plaignent; visites à l’étranger effectuées par le bureau dans le cadre de la diplomatie parlementaire; réformes à engager en interne au sein de l’administration de l’Assemblée nationale; mise à la retraite du personnel et, last but not least, embauche de personnel nouveau. C’est clair: si tous étaient présents, chacun dans son costume pimpant neuf, on y a vu que des corps. Ni le cœur, ni l’esprit n’y étaient, ni à l’hémicycle du Sénat, ni à celui relooké de l’Assemblée nationale...

CONSPIRATION INTERNATIONALE.
Dans un pays où, faute d’absence de fief pour la majorité des opérateurs politiques, la mortalité «électorale» est sans appel - 80% des élus ne reviennent jamais - chacune des personnalités présentes fait le deuil de la fonction et pense déjà au jour d’après.
Surtout quand les journaux du matin - Rfi, radio d’Etat français, qui passe désormais pour la chaîne locale par excellence - n’en avait que pour le Congo: arrestation des militants pro-démocratie sénégalais Fadel Barro de Y’en a marre et burkinabé Oscibi Johann de Balai citoyen, deux mouvements citoyens à la base du départ du pouvoir des présidents Abdoulaye Wade au Sénégal et Blaise Campaoré au Burkina venus entraîner dans le quartier chaud de Kinshasa des jeunes «à... se prendre en charge» et... à savoir manipuler des cocktails Molotov, ces explosifs utilisés dans les combats de rue.
Comment ceci a-t-il pu être possible? Quel service a payé leurs tickets et financé le séjour? Comment ont-ils pu obtenir des visas d’entrée? Il semble que deux ONG au moins («Ba Jeunes Maboko na MabokoPona Congo», Jeunes en rangs serrés pour le Congo et Filimbi, sifflet ou coup de sifflet en langue swahili) dont on entendait parler pour la toute première fois, sont à la base de cette activité conçue comme «échange d’expérience».
De là à faire penser à nombre qu’il s’agirait ni plus ni moins que d’une... Internationale de la conspiration mise sur pied par des mouvements hors du Continent qui veulent pousser les Citoyens à se débarrasser de leurs dirigeants! «On veut faire un nouveau type d’Africain, c’est-à-dire qui est au courant de la Constitution, au courant des lois de son pays, qui s’implique dans le changement de son pays en changeant son environnement. C’est un mouvement citoyen, un mouvement pacifique», explique le rappeur sénégalais Simon, membre actif de Y’en a marre.
Outre le gouverneur du Katanga Moïse KatumbiChapwe pas pressé de quitter les devants de la scène médiatique même s’il annonce son départ de la province du Katanga. Alors qu’on le disait malade et aux soins à Londres, il annonce sur Rfi - une interview choc - un «safari, le tour du Congo» et veut «accompagner le président Kabila à terminer son mandat», «soutenir le président à bien terminer son mandat, puisqu’il n’y a pas de troisième mandat», son parti - celui de Moïse KatumbiChapwe - le PPRD et le pays «ne demandent qu’à faire respecter la Constitution». Ceux qui redoutaient un plongeon pré-électoral renforcé, les voilà servis à peu de frais. Dans cet air de fin de saison, aucun coup, aucune intrigue ne fait plus jamais aucun mal puisqu’aucun cœur n’est plus désormais à l’ouvrage. Plus que jamais, chaque acteur a l’œil rivé sur son avenir...
Un homme soupire: les Congolais - les hommes politiques congolais - qu’ils soient de l’opposition ou des proches du pouvoir, ont tout investi pour torpiller le régime de l’intérieur. Ils ne lui auront laissé aucune chance... Sauf si le régime fléchit, il leur reste à prendre le départ de nombreuses confrontations électorales dès cette année, qui «ne peuvent être conçues comme un moment d’invectives mais signe de vivacité démocratique», déclare le président Minaku. Pourvu qu’il soit entendu…
D. DADEI.


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