- lun, 30/09/2013 - 06:11
Les Concertations nationales initiées par le Chef de l’état jouent les prolongations. Elles n’arrimeront qu’avec le discours attendu du Président de la République. Entre-temps, que de périlleux crocs-en-jambe...
Jamais dans le passé la presse nationale n’avait été aussi servie! A l’occasion des Concertations initiées et convoquées par le Président de la République (7 septembre-28 septembre pour ce qui est des Etats généraux des Groupes thématiques, on attendra la convocation de la plénière et la clôture par un discours du Chef de l’Etat), tabloïds et medias audiovisuels privés s’en sont donnés à cœur joie.
Au fond, ce fut comme dans toutes les cours. Profitant des crises à répétition - dont le parfait héros a certainement été l’ex-Dép. Jean-Pierre Lisanga Bonganga depuis bombardé du titre de «modérateur» perpétuel d’une aile de l’opposition, l’opposition FAC (Forces Acquises au Changement) qui lui ouvre une tribune après avoir surfé en vain sur la planète contre nature de Tshisekedi - les médias ont eu un peu plus de deux semaines bien savoureuses.
Si Mobutu est parti il y a deux décennies, le mental de son régime est resté intact…
Certes, si Lisanga Bonganga a claqué la porte pour finir par revenir sur ses pas, pour à nouveau claquer la porte, pour se voir à nouveau ouvrir les portes des Concertations, puis - pour une énième fois - claquer la porte, cette fois à la veille de la clôture des travaux dans les Etats généraux et c’est pour annoncer qu’il n’y retournera qu’après avoir obtenu l’entrée en scène - l’intervention, disons le mot - de «l’accompagnateur» extérieur - le président Sassou Nguesso du Congo voisin, nul ne l’accuse de n’avoir pas été clair.
Sur Rfi (Radio France Internationale), Lisanga s’est laissé en effet aller sur le registre qu’il manipule le mieux.
«Rien de ce qui nous avait été promis n’a été réalisé. On a l’impression d’être venu pour le bénévolat...».
Au cœur du débat, le défraiement! A l’origine, le fameux per diem aurait été fixé à 450 US$/jour (jamais attesté) avant d’être revu à la baisse mais de façon drastique: 50 US$. De quoi ne pas garantir au forum le succès d’audience annoncé...
LES HEUREUX DES ASSISES!
On sait que si ces Concertations devaient à l’origine se dérouler dans quatre villes du pays (Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, Matadi), des difficultés budgétaires ont contraint le Gouvernement à n’en retenir qu’une: Kinshasa.
En revanche, si au départ, le forum devait accueillir 450 participants, les Congolais se sont à ce point rués au portillon qu’ils sont désormais 700 voire plus à siéger. La veille de la clôture officielle des travaux dans les Etats généraux, le secrétariat technique des Concertations et le présidium continuaient d’enregistrer des demandes pressantes d’entrée!
Signe que si le défraiement accordé était peu tentant, il n’est pas impossible qu’à d’autres niveaux et pour d’autres raisons, le forum ait fait des heureux!
Par exemple, des demandes auraient été formulées d’ouvrir les rangs des Chambres législatives (Assemblée nationale et Sénat) en y ajoutant des strapontins afin d’accueillir des… candidats malheureux des dernières Législatives jugées peu crédibles mais aussi d’autres qui seraient cooptés par les leurs.
En réalité, il y aurait trop de monde en dehors des Institutions et le besoin de cohésion nationale conduirait ainsi à ce que l’Etat donne un emploi à chacun de ceux qui se font entendre le plus!
Il faudra attendre si une telle recommandation peut avoir une chance d’être retenue!
D’autres participants auraient été inspirés par des camarades indexés dans la Capitale pour avoir rejoint des mouvements armés - à commencer par le M23 - mais face à la perspective d’échec, ils n’auraient trouvé aucune raison de se maintenir aux Concertations.
Serait-ce le cas de Clément Kanku Bukasa wa Tshibuabua Kanundowe, président du MR ou de ce lieutenant de Roger Lumbala qui a eu la si funeste idée de rejoindre précipitamment les rangs du M23 honni? Ces deux là ont au moins été plus sophistiqués.
Ils ont invoqué un différend idéologique avec la Majorité pour justifier leur départ des assises.
En plus de deux semaines durant, la presse kinoise a ainsi été diverse, sollicitée comme rarement sans toujours détecter une ligne éditoriale majeure. La veille de l’ouverture du forum, l’organe de régulation (CSAC) avait lancé un appel à l’ordre en insistant sur le professionnalisme qui devait caractériser le travail des journalistes. Au fond, à l’arrivée, il n’est pas sûr qu’il ait été suivi par un seul organe.
Un brûlot présenté aux Etats généraux de l’hôtel Royal (Economie, Secteur productif, Finances publiques) par l’ancien ministre des Affaires sociales et de l’Action humanitaire (Cabinet Gizenga et Muzitu) Jean-Claude Muyambo Kyassa contre son ancien ami devenu son plus sûr adversaire au Katanga, le gouverneur Moïse Katumbi Chapwe, paraît avoir été l‘événement médiatique le plus fort des Assises.
Le président du parti SCODE (Solidarité congolaise pour la démocratie et le développement) s’est ainsi laissé littéralement massacrer, une semaine durant, comme jamais, par toute la presse kinoise unanime, une fois n’est pas coutume quand le gouverneur, scandalisé par cette «infamie», a estimé devoir déserter des Concertations peu accueillantes, préférant continuer à s’occuper de la population de sa province.
Chaque soir, la chaîne publique Rtnc a montré les images du gouverneur en mission d’inspection visitant les travaux d’infrastructures dans sa province, le PPRD - le parti dont il est membre et 1er représentant au Katanga - compatissant.
Une action en justice pour diffamation - propos tenus contre l’un de ses membres, ont rapporté les médias - a été annoncée le 23 septembre 2013 par le Secrétaire général, Evariste Boshab Mabudj lors d’une conférence de presse quand au même moment, le propre Secrétaire général de la SCODE, Kinyongo Saleh, qui passait pour le plus vertueux serviteur de l’ancien ministre, annonçait avoir pris des sanctions: le rappel des assises de l’ancien ministre, ainsi que sa déchéance à l’issue d’un Congrès du parti à… convoquer «prochainement»!
DANS L’ORDRE DES MARTYRS…
Nul n’excluait l’hypothèse de voir le parti de Muyambo être… déserté demain de tous ses membres prééminents!
Pour Kinyongo Saleh, le président de SCODE a présenté, lors d’un atelier des Etats généraux des Concertations nationales, «un document dont le contenu ne contribue en rien au renforcement de la cohésion nationale. Ce document a été lu en lieu et place de celui de politique générale préparé par le parti au titre de sa contribution aux Concertations nationales».
Pour Kinyongo, le comportement de son président «constitue ni plus, ni moins qu’un mépris pour le Chef de l’Etat, initiateur des Concertations nationales et Autorité morale de la Majorité Présidentielle, un mépris pour l’ensemble du peuple congolais représenté par ses délégués aux assises des concertations nationales».
Ayant été enregistré aux assises au titre de membre de la Majorité présidentielle et présenté par son parti, le Secrétaire général de la Majorité présidentielle a «pris acte» de la demande de retrait sollicitée par le parti SCODE... Tout ça, pour ça?!
Muyambo est en passe d’être cité demain dans l’ordre des Martyrs de la Liberté de parole…
En un peu plus de deux semaines, tout au long des ateliers, sur tous les théâtres thématiques, des conflits plus ou moins sérieux se sont noués et se sont dénoués, des dossiers plus ou moins scabreux ont été agités comme à la tauromachie quand le torero qui affrontant le taureau, agite le chiffon rouge pour le piéger et l’amener à se déconsidérer; des mots mêlés de suppositions plus ou moins malhonnêtes, ont été entendus, des approbations ont été négociées pied à pied et arrachées, des ponctuations auraient pu ne pas alourdir des phrases soporifiques, des redondances de langage auraient pu être évitées.
De hauts parleurs vibraient de mille dénonciations - et ce fut un coup de génie cet évitement de la télé-spectacle. Les je te tiens, tu me tiens par la barbichette, étaient légion!
Il semble - et, finalement n’est-ce pas comme ça dans toues ces enceintes - que les vrais dossiers se soient traités sur d’autres théâtres, dans des colloques singuliers, sous l’ombre d’un coin d’immeuble, sur une banquette arrière d’un tout-terrain aux vitres teintées ou, plus élégamment, autour d’un repas d’amis.
Quand on insinue que le défraiement annoncé a pu être un leurre, que tous les Concertateurs n’auraient pas tous été logés à la même enseigne, que ce forum né d’un projet noble du Président de la République, aurait pu être détourné pour devenir un traquenard, les grands discours sur les valeurs, voués à la postérité, pérorés sous les ors de la République, perdent un peu de leur superbe pour soudain prendre un ton détestable.
Qu’il n’en reste pas ou qu’il en reste peu, il faut avoir foi: il y a dans ce pays des gens qui ont une certaine idée de la politique et de la vie publique.
T. KIN-KIEY