- ven, 30/03/2018 - 08:04
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Au PALU, la crise est totale. Disposant d’un réel pactole financier et d’un discours de campagne, l’ancien Premier ministre Adolphe Muzitu Fumunji répond du tic au tac à son (presqu’ex) parti, le Parti Lumumbiste Unifié. «Je m’engage à soutenir le candidat (PALU) à la Présidentielle et les candidats (PALU) aux Législatives» à condition qu’ils soient choisis «de manière démocratique» et, poursuit celui que son fan’Club appelle «Fumu Mpa» (nouveau Chef), «pour l’intérêt du parti et pour l’intérêt de la nation».
En clair, Adolphe Muzitu Fumunji n’obéira pas à une instruction autre que «démocratique» même si elle venait du Patriarche.
Si le mot rébellion n’existait pas, il porterait sans nul doute celui de Muzitu.
L’ancien Premier ministre qui fut également ministre du Budget sous Gizenga, est, sans équivoque. Au cas où la procédure démocratique n’était pas respectée, en clair, si l’ordre de désignation des candidats venait, comme c’est toujours le cas au PALU, de Gizenga, comme un «oracle», cette volonté de Dieu annoncée par les prophètes et les apôtres, lui, Muzitu, serait «dans l’obligation de prendre ses responsabilités». Clair, net. Sauf si Antoine Gizenga Funji a été désacralisé par les siens, on est face à une Rébellion Plus Plus qui sonne comme un crime de lèse-majesté passible… d’excommunication…
La réaction de Muzitu venait en écho à une série d’initiatives récentes qu’il n’apprécie pas. Sa révocation et celle du fils Gizenga, le 15 mars, de l’appareil du parti. Puis la nomination comme numéro deux du PALU d’un homme que l’ancien Premier ministre avait jeté en prison. Wolf Christian Kimasa, alors D-GA de l’Office Congolais de Contrôle accusé d’indélicatesse mais que d’aucuns attribuent à un règlement de comptes. Puis, cette visite le 19 mars, à la Résidence du GLM, la résidence officielle du Président de la République suivie, le 24 mars, d’une communication officielle du Parti Lumumbiste Unifié via son porte-parole qui, en réalité, donna lecture d’un communiqué du Secrétaire général Chef du Parti, Antoine Gizenga lui-même.
Ce texte - «message du Secrétaire général Chef du Parti, le Camarade Antoine Gizenra, aux cadres du Parti sur sa rencontre avec le Président de la République, Chef de l’Etat, le 19 mars 2018» - est, en réalité, un rappel ferme à l’ordre adressé à l’ancien Premier ministre. Certes, le message aborde nombre de sujets, explique le bien-fondé de cette rencontre Kabila-Gizenga au GLM, évoque l’accord politique conclu le 30 septembre 2006 à la veille du deuxième tour de la Présidentielle entre «le Grand Camarade Antoine Gizenga et Monsieur le Président de la République, Joseph Kabila Kabange», précise que depuis, «les rencontres entre les deux Autorités Morales de la Majorité Présidentielle, Son Excellence Monsieur Joseph Kabila Kabange et du Parti Lumumbiste Unifié, le Grand Camarade Antoine Gizenga, ont été fréquents».
ETHNIE KWESO.
Le message souligne que la rencontre du 19 mars 2018 «est déterminante dans la vie politique future du Parti lumumbiste Unifié et de la Gauche politique de notre pays», annonce une candidature potentielle d’Antoine Gizenga à la Présidentielle.
Puis, cette longue tirade: «En Afrique, celui qui vous assiste aujourd’hui attend de vous votre assistance le jour suivant. C’est la loi de la réciprocité symétrique qui est même quérable. C’est une dette morale et sociologique dans la culture africaine. Deuil chez vous, nous venons, et demain, deuil chez nous, nous vous invitons avec insistance de venir nous assister. La réciprocité symétrique nous oblige de rappeler l’Autorité de la Majorité Présidentielle sur nos engagements pris dans le passé en sa faveur et sur nos attentes aujourd’hui. Le PALU attend que la Majorité Présidentielle accepte de soutenir le candidat du PALU à l’élection Présidentielle prévue en décembre 2018. Cette observation est d’une importance capitale pour la suite. En 2006, la Majorité Présidentielle était venue au PALU solliciter notre soutien. En 2018, le PALU se déplace et va vers l’Autorité morale de la Majorité Présidentielle pour solliciter son soutien réciproque symétrique en faveur du futur candidat du PALU à l’élection présidentielle prochaine. C’est la raison unique et fondamentale pour laquelle, le vénérable Patriarche Secrétaire Général, Chef du Parti, Monsieur Antoine Gizenga, s’était déplacé, vers l’Autorité Morale de la Majorité Présidentielle. C’est une démarche essentielle et déterminante».
Puis, ce qui est l’essentiel du message: «Nous voulons attirer votre attention qu’au cours de ces derniers temps, on assiste à une propagation des rumeurs qui frisent l’intoxication politique, la suspicion du public et la destruction de la conscience de la population. Ce qui risque de nuire à la combativité et à la discipline interne de notre Parti. Il y a beaucoup de rumeurs fantaisistes qui circulent dans les réseaux sociaux. La Direction politique du Parti demande que ce jeu dangereux s’arrête, puisque cela ne profite qu’aux ennemis de notre Parti. Nous ne pouvons garder silence face à ces rumeurs; car le silence connote l’accord avec les fausses nouvelles, le faux bruit. C’est pourquoi, le Patriarche Secrétaire Général, Chef du Parti nous a exhorté de mettre fin à ces fausses rumeurs».
Muzitu qui entretient une cour efficace dans la cour du Patriarche, est-il soupçonné d’alimenter des réseaux qui diaboliseraient Gizenga? Si Gizenga lui-même n’a pas accès aux réseaux sociaux, son entourage immédiat s’en tient religieusement informé et passe le message quand la virulence des attaques prend de l’ampleur. Comme au lendemain de la révocation du couple Lugi-Muzitu ou, après la rencontre du GLM… Peut-être aussi Muzitu en sait-il plus sur ce cache ce changement de personnel...
D’où ce qui sonne comme une mise en garde: «En ce qui concerne la discipline et le comportement des Cadres au sein des partis politiques, le Grand Camarade Secrétaire Général, Chef du Parti, nous demande tous de renoncer au mensonge car le mensonge tue, disperse et ruine. Donc, il faut que les cadres des Partis politiques soient honnêtes. Le Patriarche Antoine Gizenga dit qu’il n’y a pas de place au sein du PALU pour «le goût excessif de l’argent, la course au pouvoir, les ambitions personnelles démesurées, la mégalomanie, le délire, l’arrogance, la folie de grandeur, les intrigues, les coup-bas, l’indiscipline, la division, l’égoïsme, le fractionnisme, l’individualisme, le mercenariat et l’esprit de domination», car, contraire à la moralité socialiste et lumumbiste».
Et, le fin mot: «En ce qui concerne les candidatures à des postes politiques dans notre pays, Le Patriarche Antoine Gizenga appelle à la discipline. Notre Regroupement politique alignera près de 500 candidats députés nationaux, près de 700 candidats députés provinciaux et un candidat Président de la République. Cependant, pour être Candidat du Regroupement politique «PALU & Alliés», il faut que le prétendant soit préalablement investi par la Direction politique du Regroupement politique «PALU & Alliés». C’est dire qu’il y a donc des procédures, il y a des formes et il y a des formalités à respecter. Les vices de forme, comme disent les juristes, les vices des procédures, les vices de formalités entraînent inévitablement les vices de fond, les vices de validité de la candidature, à la méfiance et au rejet pur et simple de la candidature. Dans notre Parti, les formules d’auto-désignation et d’auto-proclamation à une quelconque élection politique n’existent pas. Le PALU a toujours son grand mot à dire. Tous ses candidats seront connus le moment venu. Les actes d’indiscipline conduisent fatalement à l’échec».
Ceci dit, dans l’entourage du Patriarche, on minimise la capacité de Muzitu de lever des foules dans le Bandundu-Kwilu. Membre d’une ethnie Kweso inconnue quand les scrutins sont fondés sur la sociologie en Afrique, «il fut battu aux Législatives de 2006 à Kinshasa alors que le PALU rafla 37 sièges à ces élections. Depuis, le PALU coule, élection après élection au point de n’avoir pas su former un groupe parlementaire aux Législatives de 2011. Si Muzitu s’est fait élire en 2011, tout le monde sait comment cela fut possible à Kikwit…», explique un proche du dossier.
D. DADEI.