Le journaliste français Robert Ménard, patron de RSF, Reporters Sans Frontières.
Ménard débarque à Kinshasa, Ngycke rebondit
  • mar, 07/03/2006 - 10:37

Avec la visite cette semaine dans la Capitale des dirigeants français de RSF venus encourager
les responsables politiques à Kinshasa à lancer enfin l’enquête sur l’assassinat de notre confrère
et de sa compagne de vie, l’affaire Ngycke prend un rétentissement international. Politisée à tort, RSF veut dépolitiser une affaire qui relève du seul domaine d’une justice indépendante. Déjà, le président
de JED, assisté par des Onusiens de la Monuc, a été entendu par un OPJ de l’auditorat militaire.
MISE EN LIGNE LE 7 MARS 2006 | «LE SOFT INTERNATIONAL2» N°851 | ÉDITION LOCALE R-DCONGO DATÉE 7 MARS 2006.

Le journaliste français Robert Ménard, patron de RSF, arrive à Kinshasa le mardi 7 mars directement de Paris. Il atterrit dans la Capitale peu avant 19 heures locales par un régulier d’Air France et, signe de l’objet et de l’urgence de sa mission en R-dCongo dont on peut imaginer le rétentissement international, l’activiste professionnel de la défense des journalistes dans le monde se rendra depuis l’aéroport N’Djili, directement à la rédaction de notre consœur de «la Référence Plus» où il signera le livre de condoléances ouvert à la suite de l’ignoble assassinat du journaliste Franck Ngycke Kangundu et de son épouse Hélène Paka et fera part de la solidarité de la communauté professionnelle internationale alors que l’enquête judiciaire pour élucider le mystère du double meurtre du quartier Mombele paraissait réellement s’embourber pendant qu’elle paraissait avoir été lancée tambour battant avec l’arrestation et la présentation au public de faux coupables. Si tous les faisceaux indiquent que «Franck a été tué parce qu’il a trahi», les officiels proches du dossier ont immédiatement après le double meurtre, parlé de «crime crapuleux» sans apporter depuis le moindre début de preuve.

Le programme de la visite du secrétaire général de Reporters Sans Frontières prévoit qu’il rencontre le chef de l’État Joseph Kabila Kabange mais la veille de cette visite, l’organisation internationale de protection des journalistes n’avait encore reçu aucune suite sur l’issue d’une demande de visite introduite au Palais de la Nation, a annoncé JED, Journalistes en Danger, au «Soft International».
LANCER L’ENQUETE.
À Kinshasa, Robert Ménard ne devrait néanmoins pas chômer puisque son agenda déborde de rendez-vous. Il rencontrera - c’est confirmé - le Vice-président en charge de la Commission politique, sécurité et défense, Me Ruberwa Azarias Manywa - qui avait invoqué «l’infranchissable» au lendemain du double meurtre - mais également le ministre de la Justice Honorius Kisimba Ngoy et son collègue de l’Information Henri Mova Sakanyi de même que l’Auditeur général militaire avant d’avoir des séances de travail à la HAM, Haute Autorité des Médias, à l’Observatoire national des Droits de l’homme, à l’Observatoire des Médias R-dCongolais, OMEC en sigle. Ménard rendra visite, annonce JED, à quelques maisons de presse locales, Antenne A, le groupe CCTV-CKTV de Jean-Pierre Bemba Gombo, le groupe DigitalCongo de Jaynet Kabila, la sœur jumelle du chef de l’État, Tropicana tv, Radio Okapi et le groupe «le Soft International».
Robert Ménard sera reçu par l’ambassadeur de l’UE, Union Européenne à Kinshasa, l’Italien Carlo de Filippi.
Le secrétaire général de RSF qui voyage avec le «Monsieur Afrique» de l’ONGI Léonard Vincent réunira jeudi 9 mars une conférence de presse au siège de JED, quartier des textiles, avenue colonel Mondjingba.
Celle-ci aura lieu à 16 heures, peu avant qu’il ne se rende à l’aéroport où il embarquera pour regagner Paris.
L’objet de la visite de la délégation RSF est clairement d’obtenir des dirigeants politiques r-dcongolais qu’ils lancent enfin l’enquête sur l’assassinat du journaliste de son vrai nom Franck Kangundu Kengy et de sa compagne de vie. Si jamais elle a été politisée, RSF veut dépolitiser cette affaire et affirme, à la suite de son partenaire r-dcongolais JED, qu’il s’agit d’une affaire de justice.
Dans un communiqué diffusé depuis Paris le 14 février, le jour même de la publication de l’enquête de JED - dédiée «à la mémoire de Franck Ngyke Kangundu et Hélène Paka et à celle de tous les journalistes congolais tués ou portés disparus afin que la justice des hommes rende paisible leur sommeil éternel» -, l’ONGI appelait «solennellement le président congolais Joseph Kabila à constituer au plus vite une commission d’enquête indépendante chargée de faire la lumière sur ce double assassinat politique», et insistait, «sur la base des investigations de JED». «Pour stabiliser et pacifier le pays, le gouvernement de la République démocratique du Congo ne peut pas faire l’économie de la justice», déclarait encore RSF, poursuivant: «Bâclée par la police jusqu’à aujourd’hui, l’affaire Franck Ngyke doit être résolue pour que la blessure infligée au pays par ce double assassinat soit guérie. Les pressions, les entraves et la mauvaise volonté politique empêchent les autorités d’avancer».
RSF PRET A ENQUETER.
«Il est donc urgent de confier l’élucidation de cette affaire à un tiers qui bénéficie de la confiance des témoins et dont les conclusions seront exemptes de tout soupçon de partialité».
«Nous exhortons la communauté internationale, qui supervise le processus de transition, à prendre JED et les témoins de l’assassinat sous sa protection et à s’associer à notre voix pour exiger la constitution rapide d’une commission d’enquête indépendante, à laquelle nous sommes prêts à participer», écrivait encore le communiqué.
Le 10 février, depuis New York, CPJ, The Committee to Protect Journalists via sa directrice Ann Cooper, s’adressait à Joseph Kabila Kabange dans une correspondance insistant sur l’urgence de constituer une Commission d’enquête indépendante et sur le besoin d’établir un climat de travail susceptible de permettre aux journalistes d’exercer leur métier en toute liberté à la veille des élections générales.
Franck Ngyke et son épouse ont été assassinés dans l’enceinte de leur domicile, au n°87, avenue de Ngaliema, quartier Mombele, commune de Limeté, dans la nuit du 2 au 3 novembre 2005 à 1 heure du matin. Après être sorti de son véhicule pour ouvrir le portail de fer de sa maison, alors qu’il revenait du «marbre» - le travail de nuit du journaliste - Franck Ngycke a été abordé par quatre hommes armés, vêtus en civil, qui l’attendaient. «Nous sommes venus pour te tuer», a affirmé l’un des hommes. Hélène a été la première à être abattue ayant eu le tort de reconnaître l’un des «visiteurs». Suivit le journaliste. L’un des fils du journaliste, Doudou, âgé d’une vingtaine d’années, témoin oculaire du double assassinat, a été touché et hospitalisé.
Depuis le début de l’enquête, la police et les officiels proches du dossier parlent du crime crapuleux, alors que l’argent et la voiture du journaliste n’ont pas été volés.
A L’AUDITORAT MILITAIRE.
Mercredi 1er mars, à 10 heures, le président de JED Donat M’Baya Tshimanga a été entendu par un officier de l’auditorat militaire de Lemba, de qui relève la commune de Limeté.
L’OPJ voulait savoir ce que le président de JED savait sur le double assassinat.
«J’ai reçu une lettre d’invitation pour comparaître afin d’apporter la contribution de JED dans la recherche de la vérité et de la justice dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Franck Ngyke», a indiqué le président de Journalistes en danger, d’après ce qu’en a écrit notre confrère «Elima», qui paraphrasait l’objet de «l’invitation».
M’Baya s’est rendu à l’auditorat militaire accompagné de ses avocats mais aussi de représentants de la MONUC en charge de la section des Droits de l’homme, ainsi que d’une équipe de la presse onusienne. «J’ai été interrogé sur ce que je savais du double assassinat de Mombele et j’ai expliqué à l’officier militaire que ce que je savais est ce qui a été écrit dans le rapport de JED».
«La comparution s’est déroulée sans incidents et je suis parti aussitôt après lecture et signature du procès-verbal», a ajouté M’Baya.
L’équipe dirigeante de JED - le président et le secrétaire général, le journaliste Tshivis Tshivuadi - avait été fort inquiétée lors du processus de l’enquête citoyenne et au lendemain de la publication, en exclusivité, par «le Soft International» des résultats de celle-ci («le Soft International2», datés 846, 847, 848 respectivement 8, 13, 16 février 2006). Dix jours durant, ils avaient dû «se mettre à l’abri» afin d’éviter tout acte inconsidéré. Pour sa part, notre journal avait eu droit à de longues pages de «mises au point» qui portaient sur des commentaires et ne rétablissaient aucun fait et que sous d’autres cieux, il n’aurait certainement pas publiées.
Déclarations et motions de soutien émanant de «diverses bases politiques» s’en sont suivies qui paraissaient si loin, là où il y a eu mort d’hommes ne réclamant qu’un fait: que vérité soit recherchée par la justice et, de préférence, par une Commission d’enquête indépendante, et dite à la face du monde.
Un faisceau d’indices était à ce point sérieux que toute enquête judiciaire digne de ce nom ne saurait être sans débuter par le travail fouillé réalisé par JED et qui se termine par une série de «pourquoi». Si on peut comprendre la nécessité de préserver le secret de l’instruction, une affaire qui a soulevé autant d’émotion, de consternation et de réprobation générale au pays comme à l’étranger, aurait dû être autrement bien menée. Par exemple, pourquoi ne sait-on toujours rien sur l’identité de la personne qui avait appelé le portable de Franck Ngycke emporté par ses assassins tôt le matin du 3 novembre 2005, c’est-à-dire peu après le double crime?
Pourquoi la police arrivée sur le lieu du crime s’est-elle précipitée d’enlever les corps des victimes en l’absence d’un constat en bonne et due forme d’un OPJ? Qui a donné l’ordre?
Pourquoi Marie-Ange Lukiana Mufwancol n’a-t-elle plus daigné recevoir Ngycke et le P-dg de Kwilu-Ngongo le 2 novembre 2005 alors que c’est elle-même qui a fixé le rendez-vous et sollicité ce service au journaliste? S’est-il agi de lancer une filature?
Pourquoi n’a-t-elle pas annulé, par téléphone, le rendez-vous alors que, d’après ses dires, elle aurait été appelée d’urgence à la présidence de la République? Pourquoi cet acharnement à enlever la Mercedes 190 du journaliste et des documents dans la chambre du couple? A-t-on voulu effacer des traces? De quels documents s’agissait-il et où sont-ils? Pourquoi Mme Lukiana a-t-elle tant prodigué des conseils à Doudou, le fils aîné de Franck? S’agissait-il d’orienter l’enquête vers l’artiste monumentaliste Liyolo Limbe Pwanga? Pourquoi? Pourquoi a-t-elle accueilli les enfants orphelins de Franck avant de les remettre à la rue?
COUPABLES PANIQUÉS.
Pouquoi le confrère de «la Référence Plus» dément-il une information parue dans les journaux de Patrice Booto alors qu’il n’en avait pas fait état? «Qui se cache derrière le mystérieux «Kabiliste» qui dément cette information en requérant absolument l’anonymat dans une affaire qui n’en avait pas besoin?» Pourquoi a-t-on mobilisé tous les services de sécurité pour capturer Patrice Booto et le forcer à divulguer sa source alors que dès la deuxième audience, la source présumée est libérée? Y a-t-il un lien entre la capture du journaliste Booto le 2 novembre en pleine journée dans l’affaire des «30 millions de dollars transférés en Tanzanie» et le double assassinat peu de temps après dans la nuit? Pourquoi le besoin de politiser une affaire et de chercher des protections alors que ni le rapport de JED, ni les comptes-rendus de presse n’incriminent ni le PPRD, ni un parti politique quelconque? Des questions continueront de fuser hormis une élucidation dans une affaire qui paraît pourtant à bien des égards claire comme l’eau de roche: en l’état actuel de connaissance, les coupables ne peuvent être que des proches et ils ne peuvent être que des ex-amis politiques du journaliste. «Tous les actes posés au lendemain du double meurtre sont le fait de la panique ayant frappé les coupables», confie au «Soft International» un avocat criminologue de renom à Kinshasa doublé d’un homme politique de première envergure.
Comme dans toute enquête policière, l’assassin revient toujours sur le lieu du crime… afin de s’assurer de la bonne exécution de la basse besogne.
ALUNGA MBUWA.

Rsf aurait érigé «la peste médiatique en bienfait universel»

MISE EN LIGNE LE 7 MARS 2006 | «LE SOFT INTERNATIONAL2» N°851 | ÉDITION LOCALE R-DCONGO DATÉE 7 MARS 2006.

L’association française Reporters sans frontières n’est pas toujours exempte de critiques. Il y en a qui, même dans la profession, trouvent que l’ONG sert à ériger «la peste médiatique en bienfait universel».
Créé en 1985 pour «révolutionner l’univers du journalisme» par celui qui fut alors membre de la Ligue communiste révolutionnaire comme son ami Edwy Plenel, l’un des dirigeants du «Monde», RSF s’est fait à l’image de son patron qui n’a jamais rien caché de ses convictions trotskistes. Entre critique de la presse et glorification du journaliste, le gauchiste soixante-huitard, qui se reconnaît «autoritaire» - «[…] Je ne sais pas discuter et j’aime décider seul» - a vite tranché: «Nous avons besoin du soutien consensuel de la profession, tandis que la réflexion sur le métier de journaliste prête, par définition, à la polémique. Comment, par exemple, organiser un débat sur la concentration des organes de presse et demander ensuite à Havas ou à Hachette de sponsoriser un événement?» «Notre ligne est d’être le moins politique possible, de nous situer exclusivement sur un créneau «droits de l’homme». Avec un produit-phare: la « liberté de la presse». Selon ses pourfendeurs, RSF s’est spécialisé dans l’usinage médiatique de martyrs. «Notre raisonnement est le suivant: tuer un journaliste, c’est aller contre la liberté d’expression qui profite à tous. C’est imposer à tous le silence» - une logique lumineuse qui conduirait à affirmer: «Tuer un électricien, c’est imposer à tous les ténèbres».

RSF part d’un principe courant dans la profession: «Il n’y a pas de liberté sans liberté de la presse» car «la démocratie n’existe pas tant que les médias sont censurés». Or, pour Ménard, la censure ne pouvant provenir que des États, des mafias ou des guérillas, marché rime avec liberté. Financé - jusqu’à 70 % du budget de l’association au milieu des années 1990 - par la Commission européenne, Ménard est heureux: « Depuis la naissance de Reporters sans frontières, en 1985, la liberté de la presse a considérablement progressé. […] En France, la presse est non seulement plus libre, mais aussi plus impertinente».


JOURNALISTES CORROMPUS.

Robert Ménard - surnommé «l’adjudant Ménard» - illustre le tournant pris dans les années 1980 par ces contestataires aux dents longues, passés de l’engagement critique et politique aux préoccupations «déontologiques» et «morales».

«Déontologie» oblige, l’adjudant Ménard s’indigne parfois contre des «confrères» qui ne sont «pas à la hauteur de leur mission»: «Nous veillons, depuis, c’est vrai, trop peu de temps, à ne pas en faire des parangons de vertu quand nous savons que certains sont eux-mêmes corrompus et peu respectueux d’un minimum de déontologie». Ces journalistes corrompus, Ménard les a détectés «au Cameroun», «en Côte d’Ivoire par exemple, [où] toutes les grandes entreprises disposent d’un «budget communication» très particulier, destiné à payer les journalistes pour la parution ou la non parution d’un article» et - qui sait? - en R-dCongo.

La presse africaine lui doit son combat au Burkina Faso dans l’affaire Norbert Zongo mais également en Tunisie et regrette le refoulement dont il a été l’objet de Tunisie alors qu’il était venu prendre part au sommet mondial sur la société de l’information, SMSI, Tunis ayant précisé que le dirigeant de RSF était «sous le coup d’une instruction judiciaire». Directeur de l’hebdomadaire L’indépendant, Norbert Zongo avait été assassiné le 13 décembre 1998. Connu pour ses critiques contre le régime, le journaliste burkinabé enquêtait alors sur la mort de David Ouédraogo, chauffeur du frère cadet du président Compaoré.

Des membres de la garde présidentielle ont été condamnés pour ce crime, mais, l’enquête sur l’assassinat de Zongo n’a toujours pas débouché sur un procès. RSF est également activement engagé dans l’assassinat dans la nuit du 16 au 17 décembre 2004, peu après minuit, de l’éminent journaliste gambien Deida Hydara assassiné de trois balles dans la tête, alors qu’il reconduisait deux de ses collaboratrices à leur domicile.

Deida Hydara, 58 ans, travaillait comme correspondant en Gambie pour l’Afp depuis 1974 et pour RSF depuis 1994. Il était copropriétaire du journal «The Point». Hydara était particulièrement reconnu pour son engagement en faveur de la liberté de la presse. Robert Ménard est auteur, notamment, de «Ces journalistes que l’on fait taire», Albin Michel, Paris 2001 et, avec Emmanuelle Duverger, juriste internationaliste à la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, de «la censure des bien-pensants», Albin Michel, Paris 2003, ouvrage violemment attaqué, notamment, par Arno Klarsfeld, avocat d’affaires, internationaliste également.
Compilation.

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