Interdit de «sortir du pays», le ministre des Finances fait valoir ses droits
  • jeu, 02/05/2024 - 15:34

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1607|JEUDI 2 MAI 2024.

Dans une note datée du 27 avril 2024 (réf. 1887/RMP.V/0198/PGCCAS/MVMMUK/2024) adressée au Directeur Général de la Direction Générale de Migration, DGM en sigle, qui fait le buzz sur les réseaux sociaux congolais et dont parlent les médias au Congo et à l'étranger, le Procureur Général près la Cour de Cassation, Firmin Mvonde Mambu écrit que son office « a ouvert une enquête judiciaire à charge des personnes ci-après: 1. Monsieur Nicolas Kazadi Kadima Nzuji, Ministre des Finances ; 2. Monsieur François Rubota Masumbuko, Ministre d'État au Développement Rural; 3. Monsieur Guy Mikulu Pombo» (ministre honoraire au Développement Rural).

La lettre qui a pour objet « interdiction de sortie de Kinshasa et du Territoire national», détaille : «Dans le but d'empêcher que les susnommés accusés d'avoir commis l'infraction de détournement des deniers publics, ne puissent se soustraire des poursuites judiciaires engagées contre eux, je vous enjoins d'instruire tous vos services œuvrant aux postes frontaliers d'interdire ces derniers de sortir de Kinshasa où ils sont tenus de répondre devant l'organe de la loi et du territoire de la République Démocratique du Congo». Puis : « Il y a urgence ».

A la suite de ce correspondance - le ministre des Finances Serge Nicolas Kazadi Kadima Nzuji ayant été dimanche 28 avril empêché à l'aéroport de N'Djili, de prendre l'avion pour se rendre en France en mission dans la suite de la visite officielle du président de la République, le team d'avocats du ministre s'est mis à l'œuvre. Il invoque les moyens de droit pour attaquer, dans sa forme, cette décision qu'il juge «irrégulière, illégale, attentatoire à la liberté individuelle».

«IRRÉGULIERE ET ILLÉGALE».
Dans deux notes, en attendant d'autres annoncées et à venir, les juristes du ministre Kazadi invoquent la loi organique n°13/010 datée du 19 février 2013, art. 86 mais aussi le code pénal congolais, art. 124 et 125 et concluent que « cette décision irrégulière et illégale attentatoire à la liberté individuelle (...) doit être annulée de toute urgence».

Ci-après, première note : «1. L’interdiction faite à M. Nicolas Kazadi de quitter le pays par le PG près de la Cour de cassation. Par lettre du 27 avril 2024, le Procureur Général près la Cour de cassation a ordonné au Directeur général des migrations d’interdire à Monsieur Nicolas Kazadi Kadima Nzuji, Ministre des Finances, et à Monsieur François Rubota Masumbuko, Ministre d’État au développement rural, « de sortir de Kinshasa où ils sont tenus de répondre devant l’organe de la loi et du territoire de la République démocratique du Congo» afin de « les empêcher de se soustraire à des poursuites judiciaires engagées contre eux ».

Sans qu’il soit nécessaire ici de s’intéresser au fond du dossier argué par le Procureur Général près la Cour de cassation, la lettre du 27 avril 2024 sera qualifiée de mesure coercitive et privative de liberté puisqu’elle restreint la liberté d’aller et venir des deux ministres en exercice susnommés ».

«Le droit applicable. Aux termes de l’article 153 de la Constitution de 2006 modifiée, la Cour de cassation connaît en premier et dernier ressort des infractions commises par les membres du gouvernement autres que le Premier Ministre. La loi organique n°13/010 du 19 février 2013 prise sur le fondement de la Constitution fixe les règles en vertu desquelles le Procureur Général enquête sur les membres du Gouvernement. L’article 83 de cette loi organique précise : Une interdiction manifestement illégale.

En l’état des informations portées à notre connaissance, l’Assemblée Nationale n’a autorisé aucune poursuite à l’encontre, notamment, de M. Nicolas Kazadi et n’a autorisé aucune mesure coercitive et privative de liberté à son égard. C’est donc sans aucun fondement légal que le Procureur Général près la Cour de cassation a empêché M. Nicolas Kazadi de quitter le territoire congolais.

C’est à tort que le Procureur Général près la Cour de cassation a argué de poursuites judiciaires, inexistantes à défaut de toute autorisation de l’Assemblée Nationale en ce sens. La lettre du 27 avril 2024 constitue ainsi une mesure irrégulière et illégale à l’aune des textes qui régissent les compétences du Procureur Général près la Cour de cassation en qualité d’autorité en charge des enquêtes et de l’action publique à l’égard des infraction reprochés aux ministres dans l’exercice de leur fonction. Elle doit être annulée de toute urgence».

«DES SOLUTIONS A L'IMBROGLIO».
Deuxième note de ces juristes. Elle parle «d'imbroglio» judiciaire et annonce des «solutions» dans la troisième note à venir.

Ci-après :
«L’illégalité de l’atteinte à la liberté du ministre Nicolas Kazadi décidée par le Procureur Général près la Cour de cassation». « Il a été démontré dans une première note que la lettre du 27 avril 2024 signée par le Procureur Général près la Cour de cassation ordonnant au Directeur Général des Migrations d’interdire à Nicolas Kazadi de «sortir de Kinshasa» et du «territoire du Congo» est constitutive d’une décision irrégulière et illégale attentatoire à la liberté individuelle.

En effet, à défaut de réquisitoire antérieur à l’Assemblée Nationale, aucune autorisation n’a été donnée par celle-ci au Procureur Général près la Cour de cassation pour prendre des mesures coercitives et engager des poursuites à l’encontre du ministre Nicolas Kazadi (cf. article 86 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013)».

Puis : « La responsabilité pénale du Procureur Général près la Cour de cassation en question». « De prime abord, deux infractions semblent avoir été commises au détriment du ministre Kazadi. D’une part, le Procureur Général près la Cour de cassation qui n’avait pas le pouvoir d’empêcher M. le ministre Nicolas Kazadi de quitter le territoire a potentiellement commis un acte arbitraire et attentatoire à la liberté d’aller et venir.

Or, l’article 180 du Code de procédure pénale congolais dispose :
« Tout acte arbitraire et attentatoire aux libertés et aux droits garantis aux particuliers par les lois, décrets, ordonnances et arrêtés, ordonné ou exécuté par un fonctionnaire ou officier public, par un dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publique, sera puni d'une servitude pénale de quinze jours à un an (...) ». D’autre part, le Procureur Général près la Cour de cassation qui savait qu’il n’y avait pas de poursuites engagées à l’encontre du ministre Nicolas Kazadi, a néanmoins écrit dans sa lettre du 27 avril 2024 qu’il importait d’empêcher celui-ci de «se soustraire des poursuites judiciaires engagées» contre lui. Par là, la lettre du 27 avril 2024 constitue un faux intellectuel.

Or, les articles 124 et 125 du code pénal congolais disposent respectivement : « Le faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire sera puni d'une servitude pénale de six mois à cinq ans (...) ».

« Si le faux a été commis par un fonctionnaire ou agent de l'État, dans l'exercice de ses fonctions, la servitude pénale pourra être portée à dix ans (...) »». «L’enquête judiciaire du Procureur Général près la Cour de Cassation en question».

Puis : «Dans sa lettre du 27 avril 2024, le Procureur Général annonce concomitamment l’ouverture d’une enquête et des poursuites judiciaires contre M. Nicolas Kazadi. Ici se pose la crédibilité d’une enquête dont la conclusion est écrite d’avance. Dans une troisième note à suivre, les solutions à cet imbroglio seront envisagées».
D. DADEI.


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