Au coup de pub de Kigali, Kinshasa répond et banalise
  • lun, 03/09/2012 - 19:03

Il n’y a rien à cacher: les Rwandais de Rutshuru étaient en mission conjointe d’observation des Fdlr. Kigali a voulu en faire un coup de com, Kinshasa a répondu en banalisant. En position diplomatique particulièrement délétère - quoiqu’en disent en public les autorités rwandaises, avec en bout de piste hypothèse de sanctions et ce qui peut s’en suivre, la machine internationale est généralement lourde mais arrive toujours à bon port - Kigali joue le tout pour le tout. Interviewes ici, sortie média là! Tel ce rappel à la maison particulièrement médiatisé des deux compagnies de forces spéciales rwandaises qui opéraient dans le Rutshuru aux côtés des FARDC sans bruits ni trompette. Un rappel médiatisé car destiné à contrarier et l’opinion internationale et l’opinion r-dcongolaise dans le but de tenter de desserrer l’étau diplomatique...
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1186 DATE DU LUNDI 3 SEPTEMBRE 2012

Le Rwanda a annoncé vendredi le retrait du Nord Kivu, dans le Ruthsuru, d’un peu plus de 300 de ses soldats - faisant partie d’unités spéciales - qu’il avait engagés dans des opérations conjointes de pacification avec les FARDC. Et est passé à l’acte dès le lendemain...
«A la suite de consultations avec la RDC et la Monusco, le Rwanda retire les deux compagnies de ses forces spéciales qui travaillaient aux côtés de leurs homologues des FARDC dans un bataillon conjoint opérant à Rutshuru, dans le Nord Kivu», a indiqué vendredi un communiqué du ministère rwandais de la Défense, précisant que les soldats rwandais retourneraient dès le lendemain samedi sur le sol rwandais!
Ces forces faisaient partie d’un bataillon conjoint mis en place depuis mars 2011, composé de quatre compagnies - deux RPA et deux FARDC - selon le ministère rwandais de la Défense. Le bataillon RPA (Rwanda Patriotic Army) était basé dans le territoire de Rutshuru et avait la charge de combattre, aux côtés des FARDC la rébellion hutue des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), active dans les Kivu et dont certains membres sont recherchés par Kigali pour leur participation présumée au génocide de 1994 contre les Tutsis.

BANALISATIONA KINSHASA.
A Kinshasa, un porte-parole militaire des FARDC cité par l’Afp a déclaré «pouvoir confirmer» ce départ. En banalisant...
Kinshasa avait «exprimé aux autorités rwandaises» son «souhait» de voir les soldats rwandais partir, a précisé le Vice-premier ministre en charge de la Défense, Alexandre Luba Ntambo cité par l’Afp.
«La présence de ces troupes ne se justifie plus dans le cadre du mécanisme nouveau qui a été mis en place en vue de combattre les forces négatives dans la région», a poursuivi le Vice-premier ministre faisant allusion aux récentes décisions de principe de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), une organisation des Etats de la région, de déployer une «force neutre» de plusieurs milliers de soldats pour mettre un terme aux agissements de plusieurs milices armées dans les Kivu et la province Orientale.
«A la suite des affrontements entre les FARDC et les rebelles du M23 (issus d’une autre ex-rébellion, le Congrès national pour la défense du peuple CNDP, qui a été intégré dans l’armée en 2009), l’environnement opérationnel a changé et, en conséquence, nous avons planifié et négocié notre retrait depuis un certain temps», a expliqué côté rwandais le général Joseph Nzabamwita, porte-parole de l’armée rwandaise.
Précision du Vice-premier ministre Alexandre Luba Ntambo fournie à l’Afp: «Ce mécanisme conjoint, public et officiel, a succédé aux opérations militaires de 2009 et les troupes rwandaises restées jusqu’à présent avaient un mandat d’observation des mouvements des FDLR au Nord-Kivu», où cette milice commet des exactions contre les civils.
Le bataillon conjoint était en place depuis mars 2011, précise le communiqué rwandais.

DESSERRER L’ETAU.
Le retrait des soldats rwandais apparaît comme visant à desserrer l’étau diplomatique après les tensions nées des accusations conjointes Nations-Unies et R-dC selon lesquelles Kigali soutenait militairement le M23, ce que Kigali a toujours nié catégoriquement sans convaincre même ses meilleurs amis occidentaux qui ont suspendu plusieurs accords d’aide bilatérale.
La nouvelle force internationale neutre actuellement en discussion doit notamment viser à neutraliser cette guérilla du M23.
L’armée rwandaise était intervenue début 2009 dans les Kivu, aux côtés des FARDC, dans le cadre des opérations intitulées Kimia II et Umoja Wetu, pour combattre les Forces démocratiques de libération du Rwanda, FDLR.
«Le Rwanda et la RDC ont mené des opérations conjointes depuis les opérations Umoja Wetu de janvier février 2009», affirme le ministère rwandais de la Défense.
Ce rappel pose néanmoins des questions sur la nature de la mission et sur un éventuel rôle que ce bataillon aurait joué dans la rébellion du M23, un nouveau groupe armé composé de mutins, ex-membres d’une ancienne rébellion à l’époque soutenue par le Rwanda.
Vendredi, Kinshasa a demandé à l’ONU de sanctionner des responsables militaires rwandais pour leur soutien au M23.
Si Kigali assure avoir «planifié et négocié» le retrait de ses soldats «depuis un certain temps», Kinshasa affirme avoir exprimé à son voisin son «souhait» de voir ces soldats partir, entre autres pour prévenir les tentations d’alliance entre les forces spéciales et le M23.
«Le gouvernement congolais accuse le Rwanda d’avoir soutenu le M23, en même temps qu’il y a les forces armées rwandaises qui soutiennent les forces armées congolaises», brocarde le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23.
«A partir du moment où ces forces se sont retrouvées dans une zone que le M23 contrôlait, toutes les collaborations qu’ils donnaient, on ne pouvait pas les observer de notre côté correctement», a expliqué Alexandre Luba Ntambo.
Bien que les compagnies rwandaises «n’aient pas pris part aux hostilités aux côtés du M23, des officiers des FARDC ont dit (...) qu’ils craignaient un tel scénario», souligne l’annexe du rapport des experts de l’ONU à la base de la crise actuelle entre Kinshasa et Kigali.
Selon Jason Luneno, député élu de Goma (membre de la majorité parlementaire), «ces militaires rwandais, beaucoup d’entre eux étaient restés, s’étaient enrôlés dans les FARDC», et «très, très vite» ont soutenu le M23 quand les combats avec l’armée ont commencé.
«La population nous dit que ces bataillons n’ont jamais bougé vers le M23. Tout ce que nous savons, c’est que les soldats en activité avec le M23 viennent directement du territoire rwandais», a expliqué Thomas D’Aquin Muiti, président de la Société civile du Nord-Kivu.

LA MOUTARDE PARAIT PEU A PEU MAL PRENDRE.
Selon Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale au groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), par ce rappel à la maison, officiel et médiatisé, les autorités de Kigali ont voulu montrer «qu’elles avaient eu l’autorisation par le passé d’avoir des troupes présentes au Nord-Kivu pour lutter contre les FDLR. Et que ceci avait été agréé par Kinshasa».
On pourrait se demander pourquoi Kinshasa n’avait pas communiqué sur cette présence des forces spéciales rwandaises mais à nouveau, comme il avait été très clairement expliqué lors de la crise qui conduisit à l’éviction en mars 2009 de Vital Kamerhe Lwa-Kanyiginyi à la tête de l’Assemblée nationale, la complexité de la situation politico-militaire est telle que les questions militaires ne se traitent pas sur la place publique.
«Vous ne pouvez pas être au Congo pour lutter contre un groupe armé, et en même temps être accusé de soutenir un autre groupe armé (le M23)», relève-t-il.
En donnant une forte ampleur médiatique au rapatriement de ses deux compagnies déployées au Nord-Kivu, Kigali envoie un message politique à la communauté internationale.
Accusé dans un rapport de l’ONU d’être impliqué militairement aux cotés des rebelles du M23, le Rwanda entend montrer un meilleur visage. D’ailleurs, ce retrait survient à quelques jours d’une réunion à Kampala (Ouganda) de la Conférence internationale sur les Grands Lacs qui doit travailler à la création de mécanismes de surveillance de la situation au Nord-Kivu.
Le retrait des deux compagnies rwandaises avait été décidé il y a un peu plus de quinze jours, au terme d’une discussion à Goma entre responsables militaires congolais et rwandais. Il devenait politiquement et logistiquement difficile pour le Rwanda de maintenir une présence militaire aux Kivu dans le climat actuel.
Les opérations avaient pris fin dès 2009 mais les troupes rwandaises étaient manifestement revenues en 2011 sans que l’on sache très bien si Kinshasa avait donné son aval.
Au total, si Kigali a pensé pouvoir retourner la situation en sa faveur par cette opération, c’est manifestement loupé. Longtemps, Kigali avait excellé dans la com, la moutarde paraît peu à peu mal prendre.
Même si la confirmation d’une présence rwandaise au Kivu par Kigali a provoqué un petit couac à Kinshasa. Si le porte-parole du gouvernement a parlé de troupes «non autorisées», le Vice-premier ministre en charge de la Défense Alexandre Luba Ntambo, en charge du dossier, estimant que la présence rwandaise ne se justifiait plus. Une manière implicite de reconnaître que les autorités étaient au courant de cette présence.
AVEC AGENCES

LEGENDE :
Au sommet de la CIRGL, Kabila en première ligne pour plaider le dossier de son pays. PRESSE PRESIDENTIELLE.

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